Le Cinéma de Durendal
4.2
Le Cinéma de Durendal

Émission Web YouTube (2012)

Comment évaluer le travail de quelqu’un qui produit un contenu qui, la plupart du temps, va de décent à bon, et, les autres fois, délivre une vidéo totalement sous-optimale en termes de qualité ?


C’est ce que nous allons découvrir aujourd’hui. Le cinéma de Durandal est une chaîne de critiques cinématographiques dont la principale caractéristique est de présenter une vision du cinéma, puis de trahir cette vision avec des arguments au paroxysme de l’embarrassement pour toute personne valorisant la qualité intellectuelle d’une critique.


L’inconsistance est le nom du jeu auquel Durandal joue. Commençons petit avec sa vidéo « 2021-3 : TOP/FLOP Série », la partie consacrée à Wandavision, sa série préférée où il annonce la couleur d’entrée en nous disant qu’il apprécie cette série pour sa créativité. Puis, en fin de la vidéo, il défend la série des critiques qui ont été émises à son égard, notamment celles contre son final débordant d’effets spéciaux. Sa défense, à 47 : 50, est « Tu veux faire quoi d’autre en parlant de super-héros ? ». Je ne sais pas, Durandal, peut-être quelque chose qui soit approprié plutôt que ce que les autres produits ont fait… quelque chose qui imagine et réalise quelque chose de nouveau plutôt que ce qui est prescrit par la formule… quelque chose de créatif. C’est quand même fameux de vanter la créativité d’une série pour juste après défendre un moment où elle manque de créativité… d’autant plus quand, après, Durandal donne un exemple qui valide la critique, en expliquant qu’il a plus aimé la partie concernant Vision, basée sur une discussion logique qui ne vomit pas ses effets sur l’écran. Peut-être y’a-t-il quelque chose à explorer ici, non ?


Autre exemple. Dans sa conclusion de « Le Prestige de S1M0NE : Le Cinéma Face au Numérique », Durandal défend l’outil qu’est le numérique. Puis, dans son vlog sur Wonder Woman 1984 (22 :58) : « J’ai vu plein de gens avoir des problèmes avec les scènes de course-poursuite […] ils ont un problème avec le fait qu’elle ne court pas assez vite ou que ses pieds ne touchent pas le sol, ect… J’veux bien les gars mais à ce moment-là si vous voulez vraiment que ses pieds touchent le sol […] ce sera des effets spéciaux […] on a choisi le côté pratique […] si vous voulez que ses pieds touchent plus clairement le sol, vous demandez du CGI… vous demandez à ce qu’on retouche numériquement les films ». Oui, et j’aurais pensé que tu demanderais aussi cela, étant donné ta position sur le numérique. Simplement dire que la réalisatrice voulait des effets pratiques et traiter la question comme si c’était irraisonnable de demander autre chose est stupide. Les effets pratiques sont des outils qui peuvent être ou non adaptés. Avec le résultat final et l’absolu ridicule qu’est ce spectacle en termes de visuels, nous savons qu’ils ne produisaient pas un effet adapté et donc envisager si l’utilisation d’un autre outil n’aurait pas obtenu un meilleur résultat est légitime… surtout dans un film qui combine numérique et effets pratiques dans sa réalisation et n’est donc pas contre ces utilisations. Ce qui rend le commentaire suivant « il n’y a pas de meilleures façons de le faire que dans le film » non-pertinent pour la discussion, puisque toute altération post-production pour augmenter la qualité de la scène est acceptée.


Ces deux cas ont un point commun que nous allons explorer. Si vous suivez Durandal depuis longtemps, vous savez qu’un élément récurrent de son approche est l’intégration d’autres avis dans ses critiques. La fin de son VLOG sur Thor : love and thunder, son VLOG sur Joker, son VLOG sur Silence… choisissez et vous trouverez un tas d’exemple de ce phénomène.

En théorie, c’est une approche appropriée pour la critique et même toute opinion sur un média. Une opinion n’est pas un délicat flocon cristallin, la critique ne consiste pas qu’à présenter son avis où la seule réponse acceptée est un écho qui valide la position initiale. Après tout, si une opinion peut être changée juste en écoutant une position opposée, ce n’était pas une opinion particulièrement forte en premier lieu. Si l’opinion est au contraire renforcée à l’aide d’arguments cohérents et intelligibles, une contre-argumentation ne la modifiera pas, puisque cette contre-argumentation devrait être erronée. La seule contre-indication serait pour une personne qui n’a pas un sens critique développé et serait facilement convaincu par un argumentaire de basse qualité. Mais la solution alors n’est pas d’éviter ces contre-argumentations. Au contraire, il faut les rechercher et prendre le temps d’analyser les arguments, de les comparer avec les siens, et ainsi développer son sens critique par un travail visant à améliorer ses compétences. En bonus, ça aidera cette personne à mieux comprendre ce qu’elle trouve important dans les œuvres qu’elle consomme.


Ceci étant dit, ça, c’est la théorie. En pratique, la manière dont Durandal intègre ces autres opinions à son travail est mauvaise. Premièrement, il y a un manque de rigueur quant à la question des sources. Durandal refuse catégoriquement de donner un simple screenshot d’un argument auquel il répond, préférant de simples « certaines personnes disent… » ou autre formulation du genre. Ceci est tout simplement atroce en termes de débat intellectuel. Donner une source permet au spectateur d’aller lui-même vérifier les arguments originaux, de se faire sa propre idée, d’évaluer leur pertinence. La contre-argumentation peut alors s’intégrer dans cette évaluation, comme une perspective opposée qui peut soutenir ou invalider la position du spectateur. L’approche de Durandal empêche de se faire une idée de la critique initiale. La contre-argumentation devient alors une question de confiance, si vous croyez que ce que vous dit Durandal de la critique initiale est une représentation précise. Si chacun est libre sur cette question, dans mon cas, je ne suis pas prêt à accorder cette confiance. Si quelqu’un me sort « certains disent que ce film est mauvais, moi, je dis qu’il est bon », je ne serais pas convaincu que le film en question soit bon, il va me falloir des arguments construits. L’approche de Durandal n’est jamais que cela, avec quelques étapes pour tenter de convaincre que c’est plus élaboré. Néanmoins, sans une profonde exploration de l’argumentation initiale, ce qui serait fourni en donnant la source, là où est réalisé cette exploration, ce n’est pas plus élaboré.


Évidemment, la question de la source est une question difficile dans un environnement tel que Youtube. Chacun est libre de faire comme il le veut, notamment au niveau formel, et le résultat final variera en fonction de la méthode que chacun juge appropriée. La méthode de Durandal n’est d’ailleurs pas la méthode de Durandal, spécifiquement. En vrai, de nombreux Youtubeurs utilisent cette méthode. Après tout, c’est l’un des moyens les plus faciles de convaincre que vous tenez la position correcte sans faire le travail nécessaire pour obtenir cette position. Reprenons notre exemple de WW84.


À 21 : 45, « après beaucoup des choses qui ont énervé les critiques […] c’était à mon sens de légères facilités […] plutôt que des gros problèmes de scénario et des incohérences et des trucs de ce genre-là ». Le visuel choisi est celui où WW lance son sort pour obtenir son jet invisible, dans le cockpit d’un jet. Rappelons la séquence d’événements amenant à cette position : WW a volé un jet dans un musée pour que son copain Steve Trevor, un pilote de la première guerre mondiale, les conduise au Caire. Tout cela est impossible, puisqu’un jet dans un musée n’a pas le réservoir pour être démarré et n’a certainement pas les clés sur le moteur, qu’un pilote de la première guerre mondiale n’a pas les compétences techniques pour gérer l’électronique des jets de l’époque, et qu’un jet ne peut pas aller jusqu’au Caire depuis les USA sans ravitaillement. Ces éléments ne sont pas des facilités scénaristiques, elles sont des impossibilités, des incohérences entre les événements montrés par le film et l’univers dans lequel il se déroule. Le choix de Durandal pour illustrer son point est de cibler un élément en particulier (le sort d’invisibilité), de prétendre que cet élément est représentatif des éléments que les critiques décrient dans le film et de prétendre que le reste n’existe pas. Cela montre pourquoi ces critiques sont intégrées. Le but n’est pas d’explorer des arguments offrant une perspective différente, afin de discuter des interprétations du film et de raffiner la sienne, pour arriver à une interprétation représentative de la qualité du film. Le but est de créer l’illusion que cela a été fait, pour pouvoir après dire que la position tenue est celle correcte, ce qui est mon deuxième point contre l’utilisation d’autres opinions dans le travail de Durandal : l’obsession d’avoir le dernier mot.


C’est dans le titre après tout : pourquoi j’ai raison et vous avez tort. Si le but est de simplement présenter une perspective alternative, basée sur des éléments qui sont peu considérés par d’autres critiques, tout va bien… enfin non, ça fait du titre le plus mauvais titre pour représenter le contenu, et qui n’a de valeur qu’en tant que clickbait, mais à part ça, tout va bien. Mais lorsque le but devient l’invalidation complète d’autres perspectives pour tenter de convaincre qu’il n’y a qu’une seule interprétation valide et que c’est celle tenue, là, on franchit la ligne qu’il ne fallait pas franchir. Parce qu’ultimement, cela va à l’encontre du concept initial. Les éléments peu considérés habituellement deviennent les seuls éléments à considérer, et les éléments habituellement considérés par les autres critiques deviennent des éléments peu considérés, et on se retrouve à refaire exactement la même chose qu’au début, juste dans l’autre direction. Dans les deux cas, on n’essaie pas d’avoir une interprétation qui intégrerait tous les éléments d’un film en un tout cohésif. On se concentre sur ce qu’on veut et on ferme les yeux sur le reste.

L’obsession du dernier mot chez Durandal est présente très souvent dans son contenu et cette obsession a des conséquences très souvent désastreuses. Ce n’est pas par hasard que j’ai pris WW84 comme exemple. Ce Vlog a un exemple qui valide totalement ma phrase en amont : « des arguments au paroxysme de l’embarrassement pour toute personne valorisant la qualité intellectuelle d’une critique ».


Dans WW84, Steve Trevor revient à la vie en possédant le corps d’un homme. Appelons-le Bob. Ce n’est pas son nom, car il n’a pas de nom. Il est crédité en tant que « The handsome guy / le bel homme », ce qui est un indice de comment il est traité dans ce film. Lorsque Steve prend possession de son corps, il a des relations sexuelles avec WW… ce qui est un viol.


Cette position n’a certainement rien d’original de ma part, c’est même une critique commune adressée contre le film. Il vous suffit de taper « WW84 viol » sur google pour trouver une liste faramineuse d’articles, vidéos, tweets et tout ce que vous voulez qui amène ce point. Pour les rares personnes qui ne considérerait pas cette critique comme valide, je vous présente mon argument : ce corps n’appartient pas à Steve Roger. Il est à Bob. Bob, dû à l’influence de la pierre magique, est dans l’incapacité de donner son consentement, de manière explicite ou implicite. Cette situation est la même qu’un viol effectué à l’aide de drogue qui prive une personne de sa capacité à prendre des décisions. Le fait qu’il y ait une pierre magique au lieu d’une substance et l’intervention d’une possession ne change pas la nature de l’échange. C’est factuellement un viol.


Étant donné la prévalence de cette critique, Durandal a dû l’adresser dans sa vidéo, à 17 :21. Qu’en dit-il ? Rien. Ce n’est pas une blague, il mentionne que certaines personnes ont fait cette critique, met un texte qui dit que c’est une référence aux comédies des années 80 (ce qui a été plus ou moins confirmé sur Twitter par Patty Jenkins, la réalisatrice, ce qui ne change pas le fait que ça reste un acte immoral et caractérise WW comme une vile personne) et passe à la suite de sa critique. Ce qui est une bonne chose, comme défendre un viol n’est clairement pas quelque chose qu’un critique devrait faire. Toutefois, la raison pour laquelle j’amène ce manque de commentaire est parce que Durandal fait une déclaration dont l’ironie est étouffante. À 27 : 49, « les gens étaient moins enclins à trouver le film intéressant et réussi parce qu’il y avait beaucoup trop de cases que le film ne cochait pas, notamment au niveau de leurs jugements moraux et leur rigueur moral ». C’est certes vrai mais trouver que le viol est un acte immoral n’est pas une position indéfendable. Je dirais même que c’est l’une des positions les plus défendables que vous pourrez trouver. Je ne peux parler que pour moi-même, mais « ne pas présenter un viol comme une bonne chose » ne m’a jamais semblé être une case difficile à cocher.


Alors, oui, j’ai sorti la phrase de son contexte. Mais c’est important de considérer que le contexte en question démontre comment Durandal a construit son argumentaire. Il veut soutenir l’idée que le film a un message important à faire passer mais, pour soutenir cette idée, il doit activement négliger un événement de ce film qui endommage ce message. Le message est bien, en théorie, mais l’important pour évaluer la qualité d’un film est de voir comment il exécute son message, comment les événements l’illustrent et offre un commentaire sur un ou des thèmes. WW84, en faisant de son héroïne une violeuse et en refusant de reconnaitre son acte, endommage son message, et aucune platitude sortie dans le dernier acte ne pourra changer cela. Et plus important encore pour notre sujet est le fameux tweet dont j’ai parlé plus haut. Dans ce tweet, Patty Jenkins valide une interprétation qui dit qu’après le dernier acte, tous les souhaits ont été effacés et c’est comme si rien ne s’était passé… or, l’interprétation du message de Durandal loue que c’est une « pensée anti-marvel », une pensée qui traite les conséquences des actions, des sacrifices nécessaires et n’offre pas de solution magique où tous les problèmes sont effacés comme si rien ne s’était passé… J’imagine que Patty avait une autre idée de son message.


Maintenant, j’aimerais adresser quelques commentaires intéressants trouvé dans les sections dédiées des vidéos. Évidemment, on ne peut pas reprocher à Durandal les dires de ses spectateurs. Chacun est responsable de son propre comportement, après tout. Mais les conversations entourant un sujet révèlent les attitudes renforcées par ce sujet, ce qui est une source d’informations à prendre en compte. Évacuons d’entrée de jeu une défense beaucoup trop commune dans ce genre de discussion : « C’est juste son opinion, laisse-le tranquille ». Mon cher, c’est juste mon opinion de son opinion, laisse-moi tranquille. De plus, puisque Durandal intègre d’autres opinions dans ses vlogs, ce serait hypocrite de vouloir le protéger de son propre comportement.


Mais celui que je trouve fascinant est celui-ci : « Faut toujours qu'il ait un avis a contre courant, c'est sa marque de fabrique... Quitte à dire des trucs bidons. Maintenant, je viens sur ses vidéos pour en avoir confirmation et c'est comme un jeu. J'ai vu "Rattrapage Arcanes" j'ai pris le pari qu'il allait dire que c'était pas si ouf que 90% des gens le disent, que l'animation était pas si incroyable que ça, qu'il était pas hypé comme la plupart des gens... Bingo ».


Pour un peu de contexte, cela vient de la vidéo « 2021-3 : TOP/FLOP Série ». Sa section sur Arcane est… particulière. Je ne vais pas aller dans le détail puisque sa section commentaire a déjà fait le travail d’expliquer pourquoi la critique de Durandal sur l’animation d’Arcanes avait quelques défaillances (je recommande le commentaire de Julien Laval, qui fait un bon travail d’explication à ce sujet). Néanmoins, j’aimerais prendre un moment pour apporter ma contribution au débat en commentant ce passage : « j’ai trouvé les trois premiers épisodes d’un cliché consommé à l’extrême. Les deux orphelins qui sont recueillis par un voleur quelconque qui leur apprend le métier, les clans chez les pauvres, dont l’un qu’est plutôt gentil et l’autre plutôt méchant, qui s’affronte ect… ».


Premièrement, je ne pourrais pas prétendre être un fan de jeu vidéo sans citer l’un de mes personnages préférés, Kanji Tatsumi : « c’est un cliché parce que c’est vrai, bon sang ! ». Parce que oui, tous les éléments cités sont simplement des événements communs de la vie ou des histoires en général. Les orphelins se font adoptés, leur famille d’adoption va les éduquer et leur transmettre une partie de leur savoir et dans les histoires, vous avez des conflits entre des protagonistes et des antagonistes et ils s’affrontent.


Deuxièmement… qu’est-ce que c’est que cette interprétation simpliste de l’histoire ? Le père adoptif, Zander, n’est pas un voleur quelconque. Il est un ancien révolutionnaire qui est devenu patron d’un bar, et le leader de facto de Zaun, une position qu’il utilise pour maintenir la paix entre les deux parties de la ville. Il n’enseigne pas à Vi, l’une de ses filles adoptées, à voler. Au contraire, il désapprouve son comportement. Sa transmission est basée sur la motivation de Vi, qui a ciblé la partie haute de la ville par colère, inspirée par la perte de ses parents lors de la révolution ratée. Elle tient d’ailleurs un discours révolutionnaire et Zander va justement lui transmettre les leçons qu’il a appris dans son propre combat, où cette révolution qu’il a lancée a coûté la vie des parents de Vi et Powder. Quant à la partie sur les gentils et les méchants… j’aimerais attirer l’attention sur cette phrase de Silco, quand il décrit ses actions comme « the base violence necessary for change / la violence basique nécessaire au changement ». Parce que oui, penser en termes de gentil et de méchant n’est pas erronée, mais c’est très imprécis quand on réalise que le gentil Zander n’est pas dans une position de supériorité morale. Son action a des effets néfastes. La paix que Zander maintient est basé sur un statuquo où la population de Zaun vit dans des conditions difficiles. Ses actions sont informées par son histoire personnelle, où après avoir vu le coût de sa précédente révolution, il juge que ce coût est trop élevé et qu’il est préférable de maintenir un statuquo insatisfaisant à la place. Là où Silco est clairement dans une perspective qui pense que cette violence révolutionnaire est nécessaire et justifiée pour obtenir ce qu’il désire. Donc, oui, c’est une opposition, mais une opposition plus développée qu’un « gentil vs méchant ». Si on retire tous les détails, on peut appeler ça cliché, mais j’ai l’impression qu’on ne travaille pas vraiment dans le bon état d’esprit alors. Par exemple, on pourrait appeler un mystère policier avec un enquêteur qui enquêtent sur un crime cliché… mais je pense que tout le monde comprend pourquoi ce serait ridicule comme réflexion.


Troisièmement, et c’est le point le plus important dans notre discussion sur l’inconsistance du travail de Durandal, j’aimerais amener cette citation issue de F.A.Q Me : Les Réponses. À 59 : 47 : « L’originalité n’existe pas. Ce que vous considérez aujourd’hui comme original est quelque chose qui a toujours existé depuis des années qui a juste été remixés avec quelque chose de plus moderne […] Effectivement, l’originalité n’existe pas. C’est pour ça que j’ai beaucoup de problèmes avec les gens qui viennent me dire : « ouais le film est nul parce qu’il est cliché » ou « le film est nul parce qu’il est pas très original ». Je comprends ce que vous voulez dire par là, vous voulez dire que vous l’avez déjà vu dans plein d’autres films […] C’est pas vraiment ça qui compte le plus ». Fascinant.


Parenthèse terminée, revenons sur le commentaire que j’ai cité plus haut, qui avance que Durandal a une opinion particulière et à contre-courant. Est-ce vrai ? Difficile à dire. Rien que sur Youtube, j’ai du mal à voir comment vous pourriez déterminer ce qu’est le courant en premier lieu. Youtube a une barrière d’entrée extrêmement basse. Faire une critique cinéma sur Youtube demande juste d’enregistrer un discours, d’avoir un visuel et de monter cela dans un logiciel d’édition vidéo. De fait, un grand nombre de critiques sont disponibles, chacune avec leur particularité. Sont-elles toutes bonnes ? Bien sûr que non, et certainement pas avec mes critères de qualité. Néanmoins, elles existent et le nombre d’approches rend difficile à déterminer ce qu’est le courant. Et ça, c’est sans considérer les autres sites offrant la possibilité de diffuser une critique, augmentant encore plus la quantité à prendre en compte.


Ce que je sais par contre, c’est que Durandal aime faire passer l’idée qu’il est à contre-courant. Exemple : fin de son VLOG sur Thor : Love and Thunder. À 25 : 20 : « je comprends pas pourquoi c’est maintenant que tout le monde s’énerve […] on m’a gueulé dessus à l’époque et encore une fois toutes les critiques que j’ai sortie à l’époque, on les fait aujourd’hui quoi ». Durandal a certes fait des critiques contre le MCU mais dire que personne d’autre n’en a fait et qu’il est le seul à avoir briser le consensus est erroné. Chercher juste sur Senscritique les avis sur les différents films du MCU et vous verrez qu’il y aura toujours quelqu’un pour diffuser une critique négative. Sans oublier que les critiques de Durandal, présentées dans son PJREVAT sur le MCU, sont encore valides et qu’il est donc bizarre de le voir soudainement retourné sa veste sur le MCU plutôt que de continuer à adresser ses critiques. Ou peut-être que c’est simplement que, maintenant, Durandal aime les films du MCU et que donc il n’envisage plus ses propres critiques comme valides. Ultimement, il ne faut pas oublier que la marque « Durandal » se vend comme une marque différente des autres et ce, depuis la création de sa chaîne. De là, il faut jouer la carte de la différence d’opinion, peu importe si elle est fondée, ou, plus important dans le cadre intellectuel, prouvée.


À ce point de l’analyse, j’ai fourni assez d’exemples de l’inconsistance dans le travail de Durandal pour pouvoir déclarer que c’est un fait prouvé : Durandal est inconsistant dans son approche du cinéma. La question devient alors : inconsistant par rapport à quoi ? Au début de cette critique, j’ai avancé l’idée que le travail de Durandal produit un contenu qui, la plupart du temps, va de décent à bon. Explorons cette idée. Pour ce faire, deux vidéos sont à prendre en compte.


Pour les deux ans de sa chaîne, Durandal a produit deux vidéos (PJREVAT - Pourquoi j'ai Raison et vous avez Tort) qui expliquent sa démarche et qui fonctionnent comme une déclaration d’intention, où les principes régissant ses critiques sont mis en avant. Ces vidéos ont des maladresses en termes de script. Dire « quand quelqu’un n’est pas du même avis que moi, tant pis, tant mieux même ! Le cinéma est multiple » (Vidéo 2 – 7 : 00) est bien beau, mais quand c’est accompagné de phrases tels que « En fait, la seule chose pour laquelle vous avez tort, c’est de n’avoir cru qu’il n’y avait dans le film que ce que vous y avez vu et de vous être basé sur vos émotions pour émettre un jugement empirique » (Vidéo 2 – 6 : 50), il est difficile de voir la démarche comme une valorisation de la multiplicité des avis. La formulation est même à l’antithèse de ce principe. Le « vous » général est une constante du travail de Durandal et chaque utilisation revient à dénier la réalité que l’audience est multiple, avec différents avis. Au contraire, elle est traitée comme une entité unique sans variation d’opinion, de perspective ou de savoir. Ça n’a peut-être l’air que d’être une question de sémantique, et ultimement, ça l’est, mais dans un contenu qui a pour but de communiquer un message, la sémantique est importante. Présenter son message de la manière optimale, pour assurer une bonne réception, est la responsabilité de Durandal et son choix d’utiliser un « vous » général est incompatible avec les conditions de diffusion de Youtube, avec sa large audience, mais aussi incompatible avec son propre discours. Pour l’exemple le plus déplorable, et que je considère personnellement comme le pire contenu qu’il ait jamais diffusé, allez voir le vlog sur Silence. Cette vidéo n’est que ça : un long discours adressé à un « vous », représentant toutes les personnes qui aiment Martin Scorsese, où Durandal va, de la manière la plus agressive qui soit, leur expliquer pourquoi ils ont tort et conclure le tout avec un doigt d’honneur dans la direction de son audience. Personnellement, je voulais juste savoir si c’était un film qui valait la peine d’être vu… mais merci quand même… j’imagine.


Une autre maladresse de script, quoique moins délétère, vient avec cette phrase : « l’objectivité est neutre émotionnellement ». Ce n’est pas que c’est faux, c’est même vrai, mais une exploration de la phrase aurait été appropriée, puisqu’elle présenterait clairement le propos. Présenter comme elle est, elle pourrait donner l’impression que l’objectivité se situe au milieu de la valence émotionnelle, alors que, par définition, elles n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Une critique objective est une critique qui est indépendante des intérêts, des goûts, des préjugés et des émotions de la personne qui la fait. Est-ce possible en art ? Bien sûr. Tout œuvre d’art est, à un niveau fondamental, régi par des règles. Une critique objective n’est qu’utiliser ces règles pour établir un standard de qualité et approcher l’œuvre avec ce standard. Pour un exemple concret, il suffit de regarder ce que j’ai fait plus haut avec WW84, lorsque j’ai pointé ses incohérences. L’une des règles régissant l’écriture d’une histoire est qu’elle doit présenter un univers cohérent. C’est ce qui est considéré comme le contrat entre l’audience et l’auteur, où la première se dit « je sais que ce n’est pas vrai, mais je vais prétendre que ça l’est » et où le deuxième honore sa partie du contrat en créant un univers qui se comportera en accord avec les règles qu’il présente. Dans le cas de WW84, nous savons que c’est un univers similaire au nôtre, avec une modification importante : il existe des êtres dotés de pouvoirs particuliers. C’est pourquoi la pierre de souhait est cohérent dans cet univers. Un de ces êtres a créé un artéfact contenant une partie de ses pouvoirs, ce qui est possible et donc cohérent. Néanmoins, le film ne communique nullement que ces modifications concernent également le jet que WW utilise durant l’intrigue. Nous pouvons donc utiliser les règles de notre monde et les appliquer au jet. Lorsque nous faisons cela, nous voyons que les événements présentés par le film ne sont pas possibles selon les règles de cet univers et nous pouvons donc conclure qu’il s’agit d’incohérences dans le scénario, ce qui est une critique objective du film.


Sur ce sujet, cher lecteur, vous pouvez avoir vos propres opinions, allant même à l’opposé des miennes. Toutefois, dans le but de l’exercice présent, le sujet n’est pas la place de l’objectivité en art. J’ai partagé ma perspective avant tout pour expliquer que, en théorie, l’approche de Durandal, basée sur la différenciation entre l’appréciation subjective et la qualité objective, est une approche dont je suis client. En théorie. Car ces deux vidéos ne sont jamais que ce que Durandal dit de son approche. Ce que son approche est en pratique est une autre paire de manche.


Durandal a un clair focus sur l’aspect visuel d’un film. C’est un constat, pas un reproche. S’il y a une qualité de son travail que je suis prêt à louer, c’est la capacité à décrypter la cinématographie à un niveau technique, un plus non-négligeable de son approche. Il y a eu certes quelques faux-pas sur cet aspect, comme son décryptage du ratio 4 : 3 de la Snyder Cut. Ce n’est pas que ce qu’il dit soit faux, c’est même extrêmement approprié et juste pour les plans qu’il utilise pour illustrer son discours. Le problème vient du fait que les plans choisis, reposant sur la CGI, ont tous été faits après l’annonce de la sortie de la Snyder Cut et ne sont pas les plans originaux. Si vous allez voir au contraire les plans venant de ce qui a originalement été tourné, vous remarquerez que le ratio 4 : 3 laisse un étrange espace vide au-dessus de la tête des personnages, montrant que le cadre n’a pas été prévu pour ce format.


D’accord, léger faux-pas pour Durandal, mais ça n’enlève rien à ce que cet aspect est habituellement réussi… toutefois, cette réussite vient avec un coût. Durandal tire son appréciation de la qualité visuelle des films et cette appréciation infecte sa capacité à juger la qualité globale des œuvres qu’il analyse. Un exemple vient avec son VLOG sur Loki. Durandal ouvre son analyse en louant la qualité esthétique du show pendant 17 minutes. Puis arrive la partie concernant l’écriture des personnages, qui ne provoque qu’un grattage de tête confus de ma part. Loki est le même dans le show que dans le MCU ? Non, pas vraiment. Vous pouvez trouver certains éléments rappelant ce qu’il était mais le traitement est extrêmement différent. Je rappelle l’épisode 3, où Loki s’offusque que de pauvres gens vont être laissés pour mort sur une planète en destruction… alors que quelques jours plus tôt, dans Avengers, il considérait que les humains n’étaient bons qu’à le servir. C’est aussi bizarre de signaler qu’il est tout autant manipulateur dans les films que dans le show, alors que dans la série, il n’y a qu’une scène où il essaie et il se fait directement griller (épisode deux). Pas vraiment le même degré de compétence lorsqu’on compare avec ce qui a été fait avant. Sans oublier qu’il est difficile d’utiliser ce qui a été fait avant, puisque le libre arbitre n’existait pas dans le MCU avant Loki… ce qui ruine tous les autres films ayant été fait avant, puisque ça veut dire que les personnages n'ont jamais pris de décision et n’étaient que des pions du grand méchant.


Le fait est que cette série a effectivement une grande qualité esthétique, un aspect qui est généralement reconnu par les critiques. Le point de contention vis-à-vis de la qualité du show est sur son scénario. The enrichment critic, par exemple, a produit une vidéo nommée : « Loki In-Depth Critique and Analysis: The Worst Marvel Show Ever », et il pointe beaucoup des échecs narratifs de la série. Personnellement, je suis plus convaincu par son argumentaire que celui de Durandal. Pour moi, l’amour de Durandal pour l’esthétique a coloré son expérience et fait qu’il a laissé passer les aspects plus discutables de la série. En d’autres termes, Durandal a un problème d’éléphant.


Dans son livre « The happiness hypothesis : putting ancient wisdom to the test of modern science », le psychologue Jonathan Haidt utilise une métaphore pour décrire la psyché humaine : l’éléphant et le chevaucheur. L’éléphant est la partie émotionnelle de notre psyché, celle qui agit à l’instinct, en fonction de ce que nous ressentons. Le chevaucheur est la partie rationnelle, celle qui prend des décisions basées sur la logique. Nous voulons tous croire que nous sommes le chevaucheur et que nous sommes en plein contrôle de la route. Mais ultimement, si le petit chevaucheur et l’éléphant de six tonnes entrent en conflit, qui a le plus de chance de l’emporter ?


Durandal vous le montre. Toutes les inconsistances que j’ai présentées ont un point commun : un fort affect. Et ce fort affect amène toutes ces inconsistances. Je n’ai aucun doute que Durandal a aimé WW84. Tout comme je n’ai aucun doute qu’il n’a pas vu les incohérences du scénario. Son amour a coloré son visionnage et a fait qu’il n’a pas remarqué ces fautes. Et quand il a vu des critiques qui signalaient ces fautes, son éléphant a chargé tête baissée pour les écraser, sans laisser au chevaucheur le temps de les considérer. L’un des malheurs de la situation est que Durandal, à de nombreuses reprises, a tenu un discours où il émet des principes qui valident ces critiques. Néanmoins, l’éléphant a également écrasé ces principes. Encore plus malheureux pour le travail de Durandal, c’est que cette chevauchée sans contrôle invalide certaines de ses vidéos. Il y a une raison pour laquelle je considère Silence comme son pire contenu, et ce n’est pas que son comportement lors de la vidéo. En vrai, je crois que ce VLOG n’a rien à voir avec Silence. Je pense surtout que les conversations qu’il a eu avec les fans de Scorsese l’ont mis dans un mauvais état d’esprit et ont fait de son visionnage une mauvaise expérience. Ça expliquerait pourquoi son VLOG est si tourné vers eux, comme Durandal l’a plus traité comme une chance de leur cracher au visage plutôt qu’une évaluation pertinente du film.


J’aimerais dissiper une confusion possible. Le problème n’est pas l’émotion. Les films sont faits pour être des expériences émotionnelles. De plus, comme Youtube offre une liberté de contenu, un critique a parfaitement le droit de choisir de partager son expérience émotionnelle. Le problème est l’influence que cette expérience va exercer sur l’analyse. Il y a une séparation importante à réaliser, que Durandal a bien expliqué dans sa vidéo sur son propre travail. Là où Durandal échoue, c’est qu’il ne réalise pas que, ultimement, il est comme tout le monde et est aussi sujet à cette infection. Conférant une ironique mordante à cette phrase : « Je sais faire la distinction entre ce qui me plait et ce qui est bon » (PJREVAT - Pourquoi j'ai Raison et vous avez Tort – Vidéo 2 – 5 : 00).


Sur cette note, vous remarquerez que mes exemples d’inconsistance se sont concentrés sur les VLOGs. Le format est particulièrement sensible aux biais émotionnels. Après tout, Durandal les enregistre au retour de salle, quand l’expérience émotionnelle est encore fraiche et forte et plus à même d’influer sur la critique. Ce n’est pas tout à fait vrai, puisque le processus d’enregistrement, de montage et d’upload sur Youtube fournit un temps de réflexion durant lequel Durandal peut modifier son contenu sur des points où il jugerait que l’émotion a pris le pas sur la raison. Néanmoins, il est vrai que son contenu principal, les Pourquoi j'ai Raison et vous avez Tort, devrait être exempt de ce défaut.


Parlons de son Pourquoi j'ai Raison et vous avez Tort sur Final Fantasy. Dans la première vidéo, revenant sur l’histoire de la saga, Durandal introduit FF6 ainsi : « Final Fantasy 6, sorti en 1994, est l’un des opus les plus aimés de la saga ». Après avoir parlé du jeu, il livre cette phrase : « Entre la simplification des émotions, la façon de les répartir dans le jeu, le côté un peu cartoon et bêbête et le nombre de personnages sur lequel il faut se concentrer pour suivre l’histoire, parfois non-linéaire, je n’ai jamais réussi à ressentir un truc devant FF6 ». Notez l'utilisation du "Je", important dans la discussion qui va suivre. Et puis, dans la première vidéo de la série consacrée à FF7, à 25 : 30, Durandal pose la thèse que le jeu vidéo n’était pas de l’art, car ses visuels étaient trop limités pour permettre l’émotion, accompagné de cette phrase : « et bien sûr, les trois final fantasy super snes et de nombreux autres jeux avaient commencé à laissé assez de place au dialogue et à la narration vidéo-ludique et à offrir assez d’émotions visibles aux personnages pour qu’on s’identifie réellement à eux, qu’ils dépassent leur statut d’avatar, et nous motive à sauver leur monde. Mais c’est encore trop brut, trop réduit à l’essentiel, trop survoler pour véritablement engager la plupart des joueurs émotionnellement ».

Donc, FF6, un des final fantasy sur super snes, est l’un des opus les plus aimés mais c’est un opus qui ne peut pas engager la plupart des joueurs émotionnellement. Dafuk ? Oh, pardon, j’ai oublié le « véritablement » … j’imagine que ça veut dire que les joueurs ont été faussement engagés émotionnellement… et puis, il y a quelque chose qui m’interpelle quand Durandal édicte les raisons au pourquoi il n’a pas ressenti d’émotions devant FF6. La simplification des émotions… la simplification par rapport à quoi exactement ? Quelle est le point de comparaison ? Si l’on compare avec FF5, on les verrait plutôt comme une complexification. Et son raisonnement dans la vidéo suivante poursuit cette caractéristique : trop brut, trop réduit à l’essentiel, trop survoler… trop par rapport à quoi, exactement ?


Et la réponse est simple. Durandal l’a d’ailleurs annoncé dans ses vidéos, quand il dit que son intérêt dans le jeu vidéo venait de ses points communs avec le cinéma et que les combats le soûlent. C’est également compréhensible quand vous prenez en compte qu’il est un cinéphile, dont l’affect découle principalement de la technique cinématographique. Tout ce que Durandal dit est simple : le jeu vidéo ne ressemble pas encore assez au cinéma pour que ce soit considéré comme de l’art. Alors, premièrement, seulement considérer la valeur artistique d’un médium audio-visuel interactif et, dans les cas des œuvres citées, narratif, sous le seul angle des visuels est quand même limité en termes d’analyse. Mais, surtout... je ne vous crois pas, monsieur Durandal. Navré, mais moi, un cinéphile qui me dit qu’il n’a pas eu d’émotion devant une œuvre qui n’est pas du cinéma, ce n’est pas assez pour conclure que l’engagement émotionnelle n’est pas possible, surtout quand on a toutes les preuves à disposition pour savoir que des gens ont eu cet engagement.


Ou, comme Durandal le dit : le véritable engagement émotionnel. Et c’est là le point qui est important à considérer, la raison pour laquelle ce passage est celui que j’ai choisi. J’aurais pu aussi prendre celui concernant Arcane (2021-3 : TOP/FLOP Série – 24 : 06) : « La série est super cool mais je pense que vous vous êtes faits un petit peu fait avoir par la qualité graphique de la série ». Faits avoir, hein ? Intéressant choix de mots. Et qui montre l’un des patterns dans le travail de Durandal, le plus avilissant qu’un critique peut montrer : l’invalidation des autres expériences émotionnelle.


Les gens ne peuvent pas réellement apprécier la qualité graphique d’Arcane, non, ils se sont faits avoir, ils l’apprécient faussement. Les gens ne peuvent pas réellement être engagés par les jeux prédatant FF7, non, ils sont faussement engagés. Il y a juste un problème : c’est impossible. On ne peut pas avoir tort pour avoir ressenti quelque chose. Il n’y a pas de fausses émotions. Le ressenti subjectif est infiniment personnel et est la fondation de ce qui fait de l’art une discipline qui a de la valeur dans l’expérience humaine. Chaque individu va interagir avec une œuvre en fonction de son histoire personnelle, de ses goûts personnels, de sa perspective personnelle… et ultimement, va produire une émotion qui est le résultat de toutes ces composantes qui lui appartiennent… une émotion qui est parfaitement valide, vraie, légitime pour cette personne. Dénier cette réalité de l’art est mécomprendre sa nature à un niveau fondamental. Et le faire en tant que critique est mécomprendre pourquoi la division entre subjectivité et objectivité existe. Si nous utilisions la subjectivité comme une métrique pour déterminer la qualité d’une œuvre, alors toutes les œuvres seraient à la fois les pires et les meilleures, en fonction des personnes et de ce qu’elles ont ressenti. Le but de l’objectivité est justement de mettre de côté cet aspect de l’art, pour discuter la qualité technique des œuvres et déterminer la qualité globale sur cette base. Après, libre à chacun de rire, trembler de peur ou de rage, et de pleurer, même devant un film de Luc Besson. Aucune de ces réactions n’est invalide, elles sont simplement le résultat de la diversité de l’expérience humaine, variant entre chaque individu.


Ou alors, vous pouvez être comme Durandal : tirer une conclusion sur un média dans son entièreté avec comme seul base votre ressenti et refuser de reconnaitre que les autres expériences sont véritables. Ce qui est l’équivalent de laisser un éléphant déféquer sur la carpette et sauter à terre pour étaler les excréments sur la façade de votre maison. Je suis sûr que ça a pris beaucoup de travail, mais, ultimement, c’est de la merde.


Je crois qu’il est l’heure de conclure. Mais avant cela, j’aimerais prendre un petit moment pour virer dans le côté plus personnel de la critique. Au début de cet article, j’ai mentionné le cas particulier d’une personne qui ne possédait pas un sens critique développé et quelle méthode utiliser pour y remédier. Je n’ai pas mentionné ce cas par hasard. Il s’agit de mon expérience. Dans ma jeunesse, le cinéma était un point d’interrogation complet pour moi. D’un côté, je savais que c’était une forme d’art avec laquelle je n’avais pas d’affinité, surtout quand je comparais mon ressenti avec celui de mes proches. D’un autre côté, elle était capable également de me fournir des expériences fortes. Mes connaissances limitées sur cette discipline m’empêchaient d’expliquer ce paradoxe. Et c’est dans ce contexte que j’ai choisi de suivre Durandal et ultimement, le résultat a été assez positif. Je ne pense pas qu’il soit impossible de tirer de la valeur du contenu de Durandal, tout comme je ne pense pas qu’il soit impossible de survivre à une partie de roulette russe. Parce qu’ultimement, à chaque fois que Durandal sort une vidéo, il n’y a aucune garantie qu’il s’agisse d’une vidéo bien faite ou une qui sera de l’autre côté du spectre de la qualité, le côté où un affect fort justifie une argumentation déplorable et une trahison de tout ce que Durandal maintient habituellement. Le suivre sur le long terme a été une épreuve, une épreuve où un principe qui aide à la compréhension du cinéma peut passer du podium au peloton d’exécution en un instant, simplement parce que les « feels » en ont décidé ainsi. À cela, je réponds : pourquoi s’ennuyer avec un tel contenu ? Sans déconner, je considère que Fred et Seb du joueur du grenier sont de meilleurs critiques que Durandal. Ils se présentent comme simplement deux personnes qui jugent les films en fonction de leurs goûts personnels et c’est ce qu’ils délivrent. Sont-ils capables de vous livrer des connaissances détaillées et techniques du cinéma ? Non, mais ils ne l’ont jamais promis. Ils sont honnêtes et cette honnêteté confère à leur travail une approche consistante qui est à louer.


Alors que Durandal promet que ses études de cinéma font de lui une voix qui vaut la peine d’être entendue, qu’elles lui garantissent une méthode qui lui permet d’analyser le cinéma et de transmettre une vision qui est à contre-courant de ce qui est fait. Sauf que si on ignore ce discours et on fait ce qui a été mon objectif avec cet article, à savoir laisser ses vidéos et leur argumentation parler pour elles-mêmes, on réalise que cette promesse est trahie à de nombreuses reprises, pour les mêmes raisons que celles décriées par Durandal lorsqu’il regarde d’autres critiques. Mais Durandal fait pire qu’eux, car il présente ses erreurs avec un style agressif, plus intéressé par la confrontation et l’invalidation de l’expérience émotionnelle et l’interprétation d’autrui que par l’échange de perspectives et l’analyse pertinente. Ce style appelle à beaucoup de discours enflammés sur son approche, très vite suivis par de ferventes défenses. Personnellement, ce que ça m’inspire n’est ni la colère ni la passion. Plutôt de la tristesse. Durandal est une personne qui possède tous les savoirs et les savoir-faire pour délivrer des analyses de qualité, mais ses connaissances ne s’étendent pas au sujet le plus important qui soit : lui-même. L’ignorance de ses propres biais vis-à-vis de l’art n’est pas quelque chose qui demande une attaque ou une défense. Non, ce dont Durandal a besoin est un miroir, afin qu’il puisse avoir une conversation avec lui-même, celle qui débuterait avec un simple : « En fait, la seule chose pour laquelle vous avez tort, c’est de n’avoir cru qu’il n’y avait dans le film que ce que vous y avez vu et de vous être basé sur vos émotions pour émettre un jugement empirique ». (Vidéo 2 – 6 : 50).

Fatuite
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le 20 août 2022

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