Une victime idéale

Avis sur Laëtitia

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La précédente mini-série de Jean-Xavier de Lestrade, pertinente mais inaboutie, s'attaquait aux lobbys dans le secteur de l'agriculture ("Jeux d'influence"). Cette fois, le réalisateur oscarisé pour son documentaire "Un coupable idéal" s'intéresse à un fait divers ayant défrayé la chronique il y a une petite dizaine d'années : l'affaire Laëtitia Perrais, du nom de cette jeune fille de 18 ans assassinée par un criminel multirécidiviste, Tony Meilhon.

Outre une direction d'acteurs remarquable, le point commun entre les deux séries réside dans leur valeur sociologique voire militante, ce sordide fait divers permettant à de Lestrade de poser un regard global sur la société française.
"Laëtitia" balaye en effet de nombreuses thématiques, judiciaires évidemment, mais aussi familiales (le rôle des parents biologiques), sociales (la responsabilité de l'aide sociale à l'enfance) et politiques (la tentative de récupération politicienne).

L'implication du spectateur est d'autant plus grande que la fiction s'appuie sur certains codes du documentaire : ainsi, les vrais noms des protagonistes ont été conservés, et surtout la série est jalonnée de véritables images d'archives, aussi bien pour les extraits de JT que pour l'intervention de personnalités politiques : on assite donc à l'irruption de Nicolas Sarkozy ou François Fillon au beau milieu d'une fiction télé, ce qui est une première en France à ma connaissance.

Le procédé surprend mais s'avère efficace, même si on doit reconnaître un certain déséquilibre de traitement de la part de Lestrade, dont les convictions apparaissent clairement à l'écran (défense des magistrats face au gouvernement de droite) : ainsi, on conserve le discours du vrai Sarko, mais la greffière qui lui répond fort opportunément est une comédienne, avec des arguments mitonnés par Lestrade. La méthode est un peu limite...

Là où le réalisateur marque des points, c'est dans sa représentation du monde non manichéenne et audacieuse, à rebours des clichés habituels. Par exemple, une victime n'est pas forcément un être pur et innocent, par définition irréprochable : Jessica, la sœur jumelle de Laëtitia, est ainsi capable d'attitudes ambigües, de manœuvres pas forcément glorieuses. On comprend bien que les choses sont souvent plus complexes qu'on voudrait le croire, un être humain n'est jamais tout noir ou tout blanc.
De même, la volonté de nous montrer Tony Meilhon à l'âge de 12 ans va dans le même sens : le monstre apparaît alors comme un gamin plutôt mignon, et surtout en souffrance absolue, permettant de souligner que ce type de prédateur ne surgit pas du néant.

Si "Laëtitia" est pertinente sur le fond, soulignons enfin que c'est aussi une série efficace sur la forme, souvent captivante malgré sa dimension tragique, grâce à une structure narrative percutante, qui alterne l'enquête policière sur la disparition de Laëtitia, et l'histoire familiale des jumelles (sous forme de flashbacks), respectant ainsi la trame du livre d'Ivan Jablonka à l'origine du projet.

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