Kaiji: Ultimate Survivor
7.9
Kaiji: Ultimate Survivor

Anime (mangas) NTV (2007)

Non content d'être un looser, Kaiji a aussi une sale gueule. Le premier contact que l'on a avec cette série est souvent une image, un screenshot ou un artwork qui nous frappe un grand coup entre les yeux. Non pas que ce soit magnifique à faire pleurer, ou hideux à faire pleurer également, mais c'est... Différent ? Le chara design est, il faut le dire, objectivement moche. Les personnages ont des sales gueules. Le trait est épais et anguleux, bien net mais qui donne également une impression d'avoir un truc un peu crasseux, pas glamour du tout. Je dois avouer que, la première fois que j'ai vu Kaiji de profil - car le dessin de la face et du profil sont étrangement assez différents - j'ai immédiatement pensé aux personnages du Joe Bar Team par Fane : le design s'éloigne vraiment de ce qu'on a l'habitude de voir dans un manga ou un anime, et tend à ressembler un peu aux productions franco-belges avec des visages disproportionnés et caricaturaux. Si, d'un côté, ça accentue terriblement le côté "gros raté" ou "salopard fini" des personnages, c'est aussi ce qui leur donne tout leur charisme.

Charisme ? Vraiment ? Je rappelle que le héros, Kaiji, est un gros looser avec une sale tronche. Mal barré pour se choper du charisme. Surtout qu'en plus de sa vie de chômeur branleur qui passe le temps en pourrissant les grosses bagnoles des gens friqués en loucedé, De la pure loque en somme. Et là, c'est le drame. Un type en noir débarque chez lui pour lui ramener une bonne grosse dette à rembourser. Comme quoi, aider un pote endetté en se portant garant pour lui, c'est une bonne idée jusqu'à ce qu'il décide de disparaître. Le type en noir lui propose alors une idée encore meilleure : embarquer pour une croisière d'une nuit lui permettant d'effacer l'intégralité de son ardoise si il se débrouille bien, ou bien de rembourser ses dettes de façon sûrement fort peu agréable si il se plante. Kaiji hésite, et il a bien raison, mais va finalement accepter, l'homme en noir sachant se montrer très convainquant... Et ce n'est que le début des emmerdes.

Kaiji embarque donc sur l'Espoir (en français dans le texte) pour une nuit dédiée au pari qui pourrait changer le cours de sa vie. Aveuglé par l'appât du gain, il ne se doute pas un instant de toutes les merdes qui vont lui tomber sur le coin de la tronche. Parce qu'il faut clarifier de suite le choses : rien ne se passera jamais selon le ''keikaku'' (qui veut dire plan). Le héros est déjà dans la merde, il est naïf et pense qu'il ne peut que remonter. Et bien non. Il ne peut que s'enfoncer plus profond. Même lorsqu'il croit enfin s'en être sorti, un autre truc imprévu va le repousser dans l'abîme. Et pourtant, à chaque fois on veut y croire, à chaque fois on est pris dans la tension dramatique du truc, à chaque fois ça marche et le cliffhanger de fin d'épisode est insoutenable. A chaque fois qu'on croit qu'il va sortir la tête de l'eau, c'est pour l'y replonger de suite après, et c'est justement ça qui fait l'intérêt de la série. On sait que quelque chose cloche, mais on ne sait pas quoi, et on se demande toujours comment Kaiji va tenter de s'en sortir face à tous les autres types plus pourris les uns que les autres. Bon, ensuite, y'en a qui sont moins salauds que les autres, je pense surtout à Ishida qui m'a offert mon lot de larmes viriles. Parce que des larmes, il y en a dans cet anime. C'est, en un certain sens, violent. Personne ou presque ne se fait de cadeaux et les nerfs lâchent souvent dans les nombreuses batailles de cette véritable guerre psychologique. En résumé, ça peut donner : drama et coups de pute. Je dois cependant avouer que certaines combines, dans la première partie, m'ont paru un peu étranges... Le contre-rachat, par exemple, pour ceux qui ont déjà vu. L'on pourrait aussi reprocher quelques rares "baisses de régime" où l'on a un épisode assez bof (préparation du dernier défi) et que le suivant se révèle être totalement prenant.

L'histoire est, je pense que vous l'avez compris, bien ficelée et, au rythme des retournements de situations toujours imprévisibles, même si pas toujours inattendus, l'on suit également une certaine maturation chez Kaiji. Au début relativement candide, même si il se croit plus malin que les autres, les épreuves successives vont le rendre plus méfiant, calculateur... Mais il reste un bleu, sans grande expérience face aux vieux habitués du milieu qui se feront un plaisir de lui montrer où est sa place. C'est dans ces moments de désespoir le plus complet que le chara design montre son plus grand atout : l'expressivité. Tant la plus grande faiblesse que la confiance en soi la plus totale sont impeccablement restitués sur les traits des personnages. Le tout servi par une animation impeccable, merci Madhouse. Quant à l'OST, elle colle parfaitement, pressant sur les instants de tension à grand renforts de "Zawa zawa" chuchotés sur un instrumental aux sons désagréables et soulignant les remontées à coups de guitare et basse (même compositeur que Death Note, ceci explique cela). Quant au doublage, si il est totalement efficace, je dois avouer qu'il a été un peu déstabilisant au début. Avec le design des personnages, je ne m'attendais pas du tout à avoir une voix "classique" de jeune adulte pour Kaiji. Mais on s'y habitue, et le travail des acteurs est tout à fait excellent.

Sur tout ce constat assez enthousiasmant, il convient de préciser une chose à propos du rythme de la série. Les évènements ne se bousculent pas et chaque mouvement dans le jeu est détaillé. En un mot : c'est lent. Attention, ce n'est pas du tout un reproche, car cela permet à la tension d'être bien distillée le long des épisodes, tout en permettant de mettre encore plus en valeur les moments forts. L'on suit également toutes les réflexions de Kaiji et l'élaboration de ses plans, ainsi que l'intégralité des montagnes russes émotionnelles qu'il traverse tout au long de la série. Et encore, l'image est faible tant notre groupe d'endettés est poussé à bout, dans ses tous derniers retranchements, pour enfin avoir l'opportunité de refaire leurs vies avec un bon gros paquet de pognon. En y réfléchissant, l'otaku scotché à son écran pourrait être comparé au Président, celui qui est là, dans l'ombre et se divertit des tentatives désespérées des joueurs d'effacer leurs dettes à tout prix. Même... Sans vouloir trop spoiler, les initiés comprendront quand je leur parlerai d'oreille. Ce moment où l'on se dit "Non, il va quand même pas faire ça..." avant de passer immédiatement à l'épisode suivant : "Il l'a vraiment fait... Et les autres grillent que dalle..."

L'anime prend donc son temps pour développer l'histoire, et couvre alors seulement le début du manga d'origine, par Nobuyuki Fukumoto. Un nom tout à fait inconnu dans nos contrées puisqu'aux dernières nouvelles, aucune de ces oeuvres au design si --moche-- particulier n'ont été traduites en français. Et autant le dire de suite, même les versions anglaises plus ou moins pas officielles du tout, en l'absence de licence, ne sont pas faciles à trouver par les moyens les moins légitimes. Autant dire que je suis un peu "le fu". Même si je n'ai pas encore eu l'occasion de la voir, je tiens à préciser qu'il y a aussi eu récemment une adaptation de Kaiji en film live qui me fait quand même assez envie... Même si je me demande comment ce rythme lent, si particulier et efficace, peut être transposé sur une durée de moins de trois heures au lieu de vingt-six fois vingt-cinq minutes, ou encore treize tomes papier. Et si les gens de Madhouse arrivent à m'entendre, qu'ils fassent une deuxième saison ! Franchement, Kaiji le mérite.

En conclusion, même si le premier contact avec le design de Kaiji peut être rebutant, c'est vraiment l'un des points forts de l'anime qui lui donne vraiment son ambiance unique. Tout n'est pas rose, loin de là, il y aura des larmes et du sang, et pourtant on en redemande. Tension, drama, étalés avec soin tout le long d'un scénario lent où les rebondissements sont d'autant plus énormes. Sans aucun doute, l'une des meilleures séries de la saison... 2007. Adapté onze ans après le début de la version papier et pourtant toujours injustement méconnu. Bref, en attendant une suite à l'anime ou une éventuelle licence française à ce manga (on peut toujours rêver), il ne me reste plus qu'à aller voir Akagi, du même auteur, qui traite de ce jeu rigolo aux règles très touffues qu'est le mah jong.
LeVengeurSlippe
9
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le 3 août 2010

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LeVengeurSlippe

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