Une famille guère civile

Bon, ça y est ; la saison 1 se termine et il est l'heure de faire un premier bilan (avec spoil de la série mais pas du bouquin, au cas où) de cette série que j'attendais avec un savant mélange d'excitation et d'appréhension.

Excitation car je suis un grand "fan" (même si je déteste ce mot, mais bon) de l'univers de GRR Martin. Que j'ai beaucoup aimé le bouquin Fire and Blood. Et que, nonobstant la conclusion un brin catastrophique, GoT reste à mes yeux une claque quasi inégalée dans l'univers sériel.

Appréhension parce que bon, je reste un vieux con aigri et pinailleur qui trouvera toujours une bonne raison de râler.

Quel est donc le bilan? Bin pour ma part, c'est plutôt bon et positif même si c'est loin d'être parfait.

Commençons par ce qui ne va pas, ce qui m'a gêné, ce qui est "mouhé hop" ; 

- Déjà, le personnage de Criston Cole est foiré. Quasi de A à Z. Et c'est dommage parce que c'est pas n'importe quel personnage dans le Lore de ASOIAF. Entre son pétage de plomb pas crédible pour un sou durant le mariage, son attitude très en deça des bouquins lors du Conseil vert de succession (où il fait plus figure de sbire mal luné que de véritable meneur de la rébellion, justifiant mal son surnom de "faiseur de Roi") et ses motivations, rien ne sonne vrai ou à la hauteur des enjeux.

Par exemple, la façon dont Rhaenyra l'éconduit (sur le bateau) est beaucoup trop gentille et diplomate pour permettre de justifier convenablement la rancune mortelle que ce dernier lui vouera pendant des années. Du coup, le personnage passe juste pour un incel pathétique et pitoyable. Alors qu'il aurait suffit de faire en sorte que la princesse l'humilie vraiment (comme une princesse de 17 ans pourrait facilement le faire de son premier partenaire), par exemple en éclatant franchement de rire devant la proposition un brin décalée d'aller fuguer à l'étranger pour "vivre d'aumône comme un pauvre artiste" (pour qui aura la réf' : bisous ;-) ). Un tel rire, suivi d'un discours du type "t'es bien mignon, on s'est amusé, mais bon, y avait rien de sérieux entre nous mon pauvre garçon" aurait pu faire figure de coup de poignard à travers l'armure de dignité du garde royal et bien mieux expliquer son évolution. Bref.

- La guerre des Degrès de Pierre était d'un ridicule consommé. J'entends bien que l'idée était d'offrir un peu d'action et d'épic afin de ne pas perdre trop de monde en route dans ce début de série pleine de drame familiaux et où la bagarre était relativement discrète, mais y a manière de faire et manière de faire ; on retrouvait là tout ce qui n'allait pas dans l'action de GoT des dernières saisons ; beaucoup de spectacle et d'effets pyrotechniques, mais aucune logique dans ce qui nous est montré à l'écran. 

Je veux dire, la triarchie, ils sont terrés dans des grottes, ils peuvent pas mettre le nez dehors sans se faire cramer par des motherfucking dragons et on essaye de nous faire croire que la bande à Daemon, ils sont en train de perdre la guerre, que la situation est désespérée, que sans renfort du Roi, c'est foutu, que seule une mission kamikaze toute pêtée du Prince peut sauver le game.

Non, non, et non. Ca a beau être badass sur le papier de se pointer seul et de trucider du figurant par paquet de 15, une fois qu'on a branché son cerveau, ça n'est pas crédible un seul instant.

- La scène du Conseil vert que j'ai évoqué plus haut m'a semblé assez molle et pas du tout à la hauteur de l'enjeu et de la tension qu'on aurait du avoir vis à vis du bouquin. Elle est presque anectdotique dans l'épisode (tout est misé sur la scène de Fossedragon en fait), alors qu'elle aurait pu (du) être un moment charnière avec un peu d'effort de mise en scène.

- Aussi et avec plus de nuances, je m'interroge sur la pertinence de vouloir à tout prix "humaniser" ou "anoblir" les motivations de certains personnages... Que ce soit avec l'histoire de la vision de Aegon 1er, avec les larmes de Alicent devant la dépouille de Viserys, avec le quiproquo sur les 2 Aegon, on sent que la série cherche à montrer que les motivations des personnages sont moins égocentriques que ce qu'on pouvait soupçonner dans les livres. Et en soi je dis pourquoi pas ; c'est pas inintéressant comme approche.

Sauf que dans le dernier épisode où on nous vend un Aemon qui tue "par accident" son neuveu, là j'ai dit stop. Là ma limite est atteinte. Là le côté fatalité tragique qui s'abat sur des personnages qui n'avaient pas sommes toute de si mauvaises intentions trouve sa limite. Car non seulement l'aura de Aemon en prend un coup (le type semble ne pas du tout maitriser son Dragon ce qui la fout un peu mal), mais en plus ça rend la scène un peu grotesque vu que le type se lance à la poursuite aérienne de son neuveu avec un Dragon quoi ; "hey what did you espect?!" Evidemment que ça allait mal tourner et que il ne pourrait pas lui prélever "gentiment" juste un oeil et repartir chacun de leur côté, quitte et bons amis.

- Pour finir, même s'il se justifie pleinement, le côté saut dans le temps répété avec changement d'acteurs pour suivre une période très longue fait un peu perdre en immersion (encore une fois, comparaison avec GoT oblige).

Mais bon, tout ça, c'est un peu du détail.

Globalement, la série est une très bonne satisfaction et on y retrouve cette bonne vieille vibe Gameofthronesque à l'ancienne.

Les acteurs et les dialogues, sans être aussi globalement excellents que dans la Série mère, sont plutôt bons et certains sont même pour le moment excellent. Mention spéciale à l'interprète de Viserys qui était magistral. Vraiment un personnage attachant, que d'aucun jugerait faible (ce qui au regard de l'univers en question n'est pas forcément faux), mais que je trouve avant tout incroyablement humain et touchant.

La réalisation est franchement pas mal et pour une première saison, il y a déjà une ou deux scènes qui m'ont marquées et m'ont donné un petit frisson ; je citerais l'accouchement de l'épisode 1 et surtout la marche de Viserys et le repas de famille de l'épisode 8 (mon préféré de loin!).

Les effets spéciaux, on pourra toujours faire la fine bouche, mais franchement, ils font carrément le café.

Sur l'histoire elle même, vu qu'elle suit le déroulement de la Danse des Dragons de Fire and Blood, y a pas trop de crainte à avoir (contrairement à RoP où c'est en roue libre par exemple, j'y reviens) ; c'est un boulevard scénaristique solide qui s'ouvre devant eux et sauf cataclysme, y a pas trop de raison de se planter (d'autant que là, contrairement à GoT, on aura pas le problème des Showrunner qui doivent d'un coup s'affranchir des livres).

En plus ce n'était jusqu'ici que la mise en bouche ; les choses sérieuses ne font que commencer. Vraiment hâte de voir la suite et une série qui pour le moment, n'a franchement pas à rougir de son illustre ainée.

Je terminerai histoire d'être original, par une petite comparaison gratuite et méchante avec la concurrence Ring of Power, qui de ce que j'en ai vu (pas encore été bien loin, mais vu suffisament pour ne pas être emballé), fait piètre figure à côté. 

Déjà RoP ne sait pas quoi raconter là où HotD adapte un livre clair net et précis. 

Ensuite RoP roule au bulldozer sur la personnalité de ses protagonistes, là où HotD tente de les développer, de les nuancer.

Et puis, RoP en fait des caisses niveau effet visuel pour cacher la misère de son histoire (qui n'est qu'un jeu de cache cache abscond) là où HotD joue plus dans la sobriété et la subtilité.

Enfin, même sur la question "woke" on voit à quel point HotD s'en sort mieux que RoP, puisque là où la série d'Amazon se contente d'un "progressisme" bourgeois de façade, complètement creux et purement cosmétique (que j'avais déjà critiqué dans Mort sur le Nil), qui consiste à nous balancer une Marie-Sue en personnage principal et à mettre des éléments de diversités de manière complètement random (abimant la crédibilité de son univers et prêtant par la même le flanc à la critique émanant de franges haineuses et racistes à qui ont a tendu le bâton pour battre), House of the Dragon au contraire maitrise adroitement et malicieusement cet aspect :

D'une part en posant la question de la place de la Femme et de son exploitation (d'où le nombre et la mise en scène très dures des accouchements) comme un véritable thème central de son récit (c'est finalement cette domination arbitraire des Hommes qui est à l'origine de tous les évènements en chaine qui conduirons à la guerre et au carnage! et donc, par extension, on montre que l'application de critères discriminants dans une société conduit quasi mécaniquement à des catastrophes), et d'autre part en "blackisant" la maison Velaryon, ce qui a le double effet kiss-cool de caractériser cette maison jusque là inconnu dans les supports sériels et d'être au fond plus crédible dans la logique de l'Univers que ce qu'avait écrit Martin lui même. Car là où on peut se demander ce que vient foutre une reine nain noire dans un peuple qui vit de façon autarcique et souterraine dans des grottes, on peut également se demander pour quelle raison les Targaryen, originaires des contrées de l'éternel Eté au sud-sud-est sont tous plus blancs que le cul d'Isabelle Adjani et plus blond qu'un Pierre Richard mal chaussé... si ce n'est à cause de réflexes mentaux très "Européano-centré" (dirons nous pour être gentil) conscient ou non de la part de Martin... En gros, par ce choix habile, la Série ne peut décemment être accusé de nuire à la crédibilité de son univers, mais en plus, elle pointe du doigt les stéréotypes raciaux de l'auteur qui a conceptualisé ses Targaryens comme les occidentaux conceptualisent habituellement l'ami Jésus Christ, dans un réflexe ethnocentrique absurde.