House of Cards
7.6
House of Cards

Série Netflix (2013)

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House of Cards est une série à se taper le cul par terre. Si ce "très long film" de treize heures (pour chacune des saisons) est plus ou moins accessible à tous — quoi que j'ai trouvé la deuxième saison relativement complexe à appréhender — il est à mon sens encore plus jouissif à visionner lorsque l'on connaît et comprend un minimum les rouages et enjeux de la politique US ou du moins lorsque l'on s'y intéresse un peu. Car cela permet de saisir comment et pourquoi untel ou unetelle agit de telle façon, et ce qui va l'amener à se retrouver dans telle ou telle situation. Ici, la politique sert les intérêts des personnages et non l'inverse. La toile de fond n'est qu'un prétexte, le protagoniste Francis "Frank" Underwood (Kevin Spacey), machiavélique membre démocrate du Congrès et en même temps "Whip" de la majorité à la Chambre des Représentants (un peu l'équivalent de l'Assemblée Nationale en France) qui se voit refuser le poste de Secrétaire d’État (l'équivalent du ministre des Affaires Étrangères) qui lui avait été promis pour avoir joué un rôle décisif dans l’élection du tout nouveau président des USA, prépare minutieusement sa vengeance et vise, en secret, la fonction suprême. Entre faux-semblants, manipulation, chantage et pressions, tous les moyens sont bons pour obtenir gain de cause. C'est exactement l'inverse de ce pourquoi la politique existe mais c'est pourtant bien réel… Voici donc l'adaptation de la série britannique du même nom, elle-même adaptée du roman de Michael Dobbs, et antithèse parfaite de la toute première série politique, "The West Wing" de Sorkin.


Alors oui bien sûr, House of Cards c'est lugubre et volontairement ultra-cynique. C'est le côté pourri de la politique poussé à son paroxysme et l'on est au maximum de la dénonciation de l'hypocrisie américaine dans son ensemble mais pas uniquement. C'est juste l'histoire de l'humanité et des rapports de forces inhérents à notre nature. Underwood se plait donc à nous rappeler en apartés théâtraux, en fixant des yeux la caméra et en s'adressant directement aux spectateurs, que la cruauté est une qualité non négligeable voire même une nécessité, en particulier au sommet des marches. Chasser ou être chassé il faut choisir. La femme d'Underwood elle même, Claire Underwood (Robin Wright), l'autre personnage principal de HoC et directrice d'une ONG caritative du nom de CWI (Clean Water Initiative) oeuvrant pour l'accès à l'eau dans certains pays pauvres, se révèle être parfois plus cruelle et froide que son propre mari, aussi bien dans son travail que dans la sphère privée. Un comble? La série détrompe donc dans le même temps les idées reçues que certain(e)s peuvent avoir sur le monde de l'humanitaire qui n’est pas fait que de bons sentiments…


House of Cards est incroyablement réaliste et actuel dans le sens où c'est une pure série politique certes, mais qui ne se permet pas d'oublier de traiter d'autres sphères étroitement liés à cette politique, ce qu'aurait pu faire le trio de choc qu'est Willimon, Fincher et Spacey (rien que ça!) dans un soucis d'accessibilité, au détriment d'une complétude qui, du coup en l'état fait toute la différence: le domaine économique est bien au coeur de l'intrigue au même titre que le domaine social. L'autre point fort de HoC est tout simplement sa réalisation, son ambiance d'une noirceur stupéfiante que j'estime parfaite et je pense qu'avoir un certain goût pour le cynisme et le sombre facilitera grandement les choses. Sinon, c'est magnifiquement bien ficelé et très bien documenté. Les acteurs sont parfaits. Les dialogues sont délicieux, la mise en scène, la photo aussi. Tout est soigné et peaufiné au maximum. Les musiques de Jeff Beal collent parfaitement à l'atmosphère glauque de la série et d'ailleurs l'OST dans son ensemble déboite assez pour être écoutée à tout moment et hors du contexte. C'est totalement addictif, j'ai avalé les deux saisons existantes d'une traite et si l'on dit que le petit écran est devenu grand c'est tout simplement grâce à des oeuvres comme House of Cards (et Breaking Bad bien sûr, fallait que je le glisse quelque part…).


Pourtant, on pourrait justement pointer du doigt ce parti pris qui est de montrer la politique sous son plus mauvais jour et de faire de l'ultra-cynisme pour choquer et faire parler. Et alimenter cette idée des "tous pourris" en politique. Même s'il est clair que le personnage d'Underwood va très, très loin (puisqu'il a littéralement du sang sur les mains comme le montre l'une des images promo de la série), la capacité de nuisance, les magouilles et abus de pouvoirs sont par contre bien réels (certains hommes politiques ont murmuré que c'était très proche de la réalité) et l'on pourrait aussi arguer que certains politiques ont eux aussi tué mais indirectement. En même temps, la série pose quelques questions sur les failles de la démocratie qui reste un système facilement manipulable et qui n'est pas toujours exécuté comme il le faudrait… donc, House of Cards n'est pas si abracadabrantesque que cela, loin de là et même plutôt proche de la réalité selon moi.


Même si tout ou presque réussit à ce bon vieux Underwood, sa folle ascension n'est pas non plus du domaine de l'impossible puisque Gerald Ford a suivi le même parcours, de membre de la Chambre des Représentants il devient Vice-Président, puis ensuite Président en 1974: c'est le seul Président des États-Unis à ne jamais avoir été élu par le peuple américain, tout comme Underwood à la fin de la deuxième saison suite à la démission inéluctable de Garrett Walker.


House of Cards est à mon avis une série incontournable, même si vous n'êtes pas forcément branché politique vous risquerez fort d'aimer pour toutes les raisons décrites ci-dessus. Maintenant il va falloir attendre patiemment la troisième saison...

Smay
8
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le 14 mai 2014

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