Hollywood
6.8
Hollywood

Série Netflix (2020)

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Hollywood c’est un peu le grand huit, avec un milieu de série intéressant mais un début et une fin clairement à côté de la plaque. La série pose vite son postulat, qui serait de montrer les coulisses du rêve hollywoodien dans les années 50, qui connait encore l’âge d’or des studios et dans l’essor du cinéma parlant. La reconstitution est bien réussie, si ce n’est une musique beaucoup trop « flamboyante » dans les premiers épisodes. Mais les costumes, les décors, les tics de langages, montre un travail soigné. Hollywood mélange également à ces personnages fictifs plusieurs personnages historiques, que ce soit Georges Cukor, Rock Hudson, Vivian Leigh et Hattie McDaniel. Un mélange qui pose d’ailleurs des questions rapidement : est-ce une série qui se veux historique, ou est-ce une pure fiction ?


Le premier reproche que je fais à Hollywood est son rythme extrêmement mal maitrisé. Sous prétexte d’un montée en crescendo reliée à l’avancée de ses jeunes ambitieux, on passe 3 épisodes (sur 7) à enchaîner des scènes de sexes ; qui plus est plutôt embellies et romancées pour de la prostitution. Les personnages sont tous immédiatement posés dès le premier épisode, ce qui est même un peu trop vu leur nombre. Et donc les deux épisodes ne nous apprennent pas grand chose, et l’intrigue se traine complètement. Il fait vraiment s’accrocher et attendre le 4ème épisode pour avoir une intrigue qui décolle : Enfin, on parle de cinéma, de réalisation, d’écriture. Et on parle d’enjeux d’époque, avec un scénariste et une comédienne noirs, un réalisateur philippin, une femme qui se retrouve propulsée à la tête du studio… 3 épisodes plus effrénés, avec une vraie émulation dans le fait de réaliser un film. Le rôle de chacun, les sacrifices nécessaires, l’équilibre en rentabilité et convictions. C’est par moment un peu gros, avec la mise en avant d’un groupe de jeunes arrivants ambitieux mais solidaires entre eux, bienveillants et dont l’union fait la force. Mais à ce stade, la bienveillance sirupeuse de Netflix passe encore.


Et là, tellement bouffie de ses bonnes intentions, la série s’effondre dans son épisode final, où on ce demande sincèrement si on part dans une utopie fictive dont un twist final à la Black Mirror nous rappellerait cruellement la réalité — où si on assiste à du révisionnisme pur et simple, où le rêve américain est accessible à tous si on en a la volonté, où les faibles peuvent gagner face aux puissants, et où les minorités ne sont finalement pas si oppressées. C’est mon deuxième et principal reproche : Je trouve que ce choix scénaristique minimise les combats pour les droits civiques et pour ceux des minorités, que ce soit ceux des femmes, des personnes de couleurs, des homosexuels. Si dans les années 50 un homme noir peut embrasser un autre homme, lui blanc (et ayant en réalité caché son homosexualité la majeure partie de sa carrière) sur le tapis rouge des oscars, pourquoi est-ce toujours un sujet sensible en 2020 ? Je ne peux que donner ma vision en tant que femme et c’est : « non, malheureusement, ça ne passait pas comme ça. Et aujourd’hui encore, cela peut être très ardu d’accomplir ce que ces personnages accomplissent. » La série aurait été plus marquante si elle avait pris un tournant plus tragique mais plus réaliste, pour montrer combien la lutte a été difficile, qu’elle n’est pas « finie » et qu’il ne faut pas l’oublier.


Visiblement la série présenterait sur son affiche : et si vous pouviez réécrire l’histoire ? » Phrase que je n’ai vu nulle part, je l’apprend en lisant d’autres critiques. Ce qui laisserai donc entendre que la série assume d’être une uchronie, et qu’elle montre un Hollywood fantasmé qui sert ses idéaux. L’intention peut paraitre louable, mais la plupart des utopies (et uchronies) qui travaillent par contraste pour critiquer une situation réelle montre très clairement leur position, offre une distance, une forme d’explication de texte. Avant de lire les autres critiques je n’avais pas compris son intention. J’imagine que je ne suis pas seule et que beaucoup d’autres spectateurs ne saisiront pas le recul nécessaire face à cette série, et y verront uniquement une vision biaisée de l’histoire des USA. Hollywood embellit aussi bien l’image de la prostitution, de la condition des femmes, des minorités sexuelles et raciales. Mais même dans sa vision utopique, elle reste superficielle : si un noir et un blanc peuvent s’assoir côte à côte dans un bar ou avoir la même cantine (des éléments montrés dès le premier épisode), pourquoi est-ce alors si dur d’avoir un rôle dans l’industrie du cinéma ? Netflix fait une ségrégation sélective, brouillant encore plus son intention. La série flatte le monde de la production cinématographique. Dans une scène courte mais brillante, un personnage pose une question sur le film Meg : « Quel est le message que nous voulons faire passer ? ». Étrangement, la série en elle-même ne me fournit pas de réponse claire quand à ce qu’elle cherche à accomplir.

AlicePerron1
5
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le 28 juin 2020

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Alice Perron

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