Gomorra
7.8
Gomorra

Série Sky Atlantic (IT) (2014)

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Si on me demandait ce qui me fait regarder Gomorra, j'aurais sincèrement du mal à répondre : "le scénario dantesque" (puisque au demeurant, il est tout de même assez simpliste). A dire vrai, je pense que j'aurais réellement du mal à expliquer pourquoi je regarde cette série sans passer pour quelqu'un qui a fondu un boulon (et un gros).


Mais, je vais quand même essayer de vous l'expliquer.


Alors, Gomorra qu'est-ce que c'est ? Bon, déjà, pour ceux qui l'ignoreraient totalement, ce terme désigne la mafia napolitaine. A partir de là, je pense que vous situez à peu près dans quel genre de plat vous mettez les pieds en posant les yeux sur cette série. Donc oui, il y a des messieurs pas sympas, avec des gros flingues et des sacs de sports plein de pognons en petites coupures. Oui, il y a quelques strass et paillettes au détour d'un épisode, mais ce n'est pas vraiment le genre de la maison en vérité. Oui, ça gueule, ça jure et ça s'insulte régulièrement, mais pas que.


Gomorra, ce n'est pas uniquement les poncifs habituels des séries sur l'univers des gangsters. Là, on plonge dans un monde bien particulier où rien n'est vraiment beau, où rien n'est tout blanc ou tout noir, où rien n'est plus proche de l'appât du gain que la foi en Dieu.


L'histoire commence à Naples, mais pas celui des cartes postales. Un Naples noir, délabré, suintant par tous les murs de ces façades barbouillés de tags rageurs aux couleurs passées. Un Naples qui pue la déchéance, le désespoir et la mort. Un Naples gangréné jusqu'à la moelle par le trafic de drogues dirigé d'une main de fer par Pietro Savastano. La famille Savastano domine le quartier depuis des années, puissante, impitoyable, ses chiens efflanqués rôdant jusque dans le plus petit recoin de son territoire, prêts à sauter à la gorge de l'impudent qui a l'audace de déplaire à Don Pietro. Mais voilà, la famille Savastano a un "léger" souci : Gennaro Savastano, le fils unique du couple alpha. Rondouillard, goinfre, tir-au-flanc, bas du front, Genny pense plus souvent à sortir avec ses potes, dilapider du fric pour des broutilles et s'envoyer en l'air avec des pépés pas trop regardantes, que de reprendre les rênes de l'empire de papa.


C'est à peu près comme ça que l'on pourrait résumer le début de la saison 1. Une saison qui commence également sur un des paradoxes les plus prononcés de cette série, sans être particulièrement surprenant quand on connaît un peu les us transalpines. Un homme est mort - un homme de main de la Famille - et on aimerait pour lui un office religieux. Sauf que ce n'est pas possible parce que l'homme est mort l'arme à la main et ça, le Seigneur n'aime pas du tout. Les dents grincent mais on s'incline. Tout riche que l'on soit, on ne peut rien contre la loi divine. En fait, de bout en bout, ces hommes et ces femmes capables des pires atrocités conservent cette foi en l'Eternel et reviennent régulièrement vers lui sans jamais rougir de honte. La religion est omniprésente : dans un signe de croix rapidement effectué avant de zigouiller un gars, dans ces crucifix surplombant ces jeunes nettoyant consciencieusement leurs armes automatiques et dans ces madones en plâtre truffées jusqu'au voile de cocaïne. Une dichotomie qui peut faire sourire tellement elle nous paraît improbable mais qui est on ne peut plus logique quand on connaît la ferveur italienne vis-à-vis du Christ.


Mais ce n'est pas nécessairement ce paradoxe qui m'a fait enchaîner les épisodes de la deuxième saison avec effervescence. Non, en fait, je pense que ce qui m'attire le plus dans Gomorra, ce sont ces meutes d'hommes et de femmes qui s'observent, se jaugent, se frôlent, se défient du regard ou rabaissent les plus faibles d'une simple œillade noire. Ces êtres humains qui sont plus proches des fauves qu'ils ne l'imaginent et qui, au moindre signe de faiblesse de leur chef, désertent et s'entretuent jusqu'à ce que le plus fort s'installe sur le trône. Chacun, dans son coin, avec son petit surnom, racle les laissés pour compte pour se faire son petit clan jusqu'à ce qu'un plus gros poisson, plus charismatique, plus intelligent ou seulement mieux armé, vienne le dévorer.


En fait, en regardant Gomorra, c'est là qu'on se rapproche le plus de l'animalité de l'Homme, avec ses émotions à vif et cette musique presque tribale, toujours bien choisie, qui vient rajouter un peu plus de brutalité dans cet univers sombre et sans pitié.


Je n'ai, malheureusement, pas eu l'occasion de la voir en VOST, mais nulle doute que la langue de Casanova doit rajouter un plus non négligeable au jeu irréprochable de ces acteurs complètement inconnus de notre côté des Alpes.

NicodemusLily
8
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le 14 mars 2017

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6 j'aime

NicodemusLily

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