Goliath
7.1
Goliath

Série Prime Video (2016)

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David, où est ta fronde ? critiques de Goliath saisons 1 et 2 (S3 en cours)


SAISON 1 : David, où est ta fronde ?



Ancien directeur d'un grand cabinet devenu petit avocat commis d'office, Billy McBride (B. B. Thornton) représente la déchéance. Alcoolique solitaire, notre héros semble détaché de tout, tant son boulot (il ignore l'identité des prévenus qu'il défend) que sa famille (il est divorcé) et la société en général (son compagnon de boisson est soit le ciel étoilé, soit un chien errant, soit un SDF). Arrive la têtue Patty Solis-Papagian (Nina Arianda) pour bousculer son quotidien en lui présentant le cas d'un suicidé qui serait en fait victime d'un accident industriel engageant la responsabilité de son employeur, Borns Tech, un grand fabricant d'armes militaires. Cette affaire allumera le feu de la renaissance de Billy McBride. Pour affronter le géant de l'industrie militaire défendu par le grand cabinet d'avocats Cooperman & McBride, Billy se constituera une équipe de marginaux (une avocate de bas étage, une secrétaire bimbo prostituée et droguée, une secrétaire obèse, un expert schizophrène, des témoins immigrés, etc.). Je cite Billy : « Tu es peut-être fort mais moi, je suis dingue ! » David (Billy) contre Goliath au tribunal. Le concept est alléchant.


Là, on s'attend donc à voir un homme, armé seulement de son courage et de son génie, parvenir à exploiter la loi pour que justice soit faite. Oui mais... David E. Kelley, créateur et producteur de Goliath, habitué des séries mettant en scène des avocats, préfère verser dans les mélodrames personnels plutôt que nous servir la moindre claque judiciaire. Pas surprenant venant de lui certes mais tout de même décevant étant donné le ton sérieux que veut avoir la série. D'ailleurs, ça a beau traiter de droit et de problèmes supposément ancrés dans le réel, la crédibilité du scénario, Goliath s'en bat l’œil. J'ai presque eu l'impression de voir un anti-Law and Order (les séries de Dick Wolf, la plus connue étant New York, unité spéciale), tant ce n'est pas le texte de loi qui paie mais les sentiments des personnages. J'en veux pour preuve le final de la saison.


En effet, ce qui prime à l'arrivée, avec notre avocat démuni et sans pièce exploitable ou crédible, c'est son pouvoir de persuasion auprès du jury, son seul argument étant que le Goliath est trop puissant pour lui et pour son client. Alors je comprends le message : la voix du peuple tranchera pour rendre justice parce que la place du juré est aussi celle du spectateur. Cette conclusion est censée soulager le spectateur. Seulement, que puis-je y voir sinon un aveu de faiblesse ? La justice n'est donc pas aveugle, pas juste, inefficace même. Certes, nous savons que Borns Tech est coupable et mérite la sentence ; mais l'entreprise eût-elle été innocente, le jugement n'aurait pas été différent. En ce sens, le verdit relève plus du pugilat que de la justice.


Goliath a beau ne durer que huit épisode, la série prend son temps. Souvent, on comprend où va une scène en moins de trente secondes… mais voilà qu'elle s'étire sur une voire plusieurs longues minutes. La progression traîne la patte et est avare de rebondissements, au point qu'on pourrait presque la résumer à une suite de passages à vide que l'on peut zapper sans rien rater de l'intrigue. (Autant dire que quand on sort d’une série comme Bosch, on s'ennuie ferme.)
Comme la plupart des séries à la demande, Goliath se débat et peine à se trouver une identité. Les épisodes se suivent et se ressemblent, avec une réalisation propre mais impersonnelle, en dépit de quelques rares tentatives de sortir des sentiers battus — une bien piètre consolation sur plus de sept heures de trop long métrage.


N'ayant pas pour volonté de paraître réaliste, la série se fait plaisir en dépeignant Billy McBride en opposition avec Donald Cooperman, style Sherlock contre Moriarty. Soyez prévenus cela dit, la subtilité a été laissée au vestiaire : Cooperman est un méchant « plus cliché tu meurs » (vieux fou maniaque qui vit dans l'obscurité au sommet de sa tour en écoutant des classiques d'opéra, et c'est pas fini), digne d'un mauvais cartoon.


Et comme s'il n'était pas assez détestable, il espionne ses employées et en abuse sexuellement en leur faisant miroiter une promotion sociale phénoménale. Tous ces éléments font de Donald Cooperman un personnage antipathique dont on attend rien d'autre qu'un face à face avec Billy McBride. Malheureusement, la confrontation sera courte et décevante. Parfois, c'est bien de jouer avec les attentes du spectateur... là, c'est juste frustrant.


Les autres personnages ne sont pas avares de défauts et se perdent souvent dans les lacunes (facilités grossières et incohérentes) des scénaristes. Dommage que les deux bras droits du héros aient un statut redondant voire superflu : Patty est avocate comme Billy mais elle est nulle et Brittany (Tania Raymonde) est secrétaire comme Marva (Julie Brister) à côté de laquelle elle semble bien moins efficace (n'ayant pour fonction qu'un conflit dramatique creux à la fin).


Cela dit, force est de constater : indépendamment du caractère sympathique ou non des personnages et de leur qualité d'écriture, le jeu d'acteur est indéniablement bon. Les interactions ont l'air étonnamment naturelles, même dans les relations artificielles et les situations forcées.


Pour ma part (et c'est tout à fait subjectif, j'en ai bien conscience), je suis au regret de n'avoir pas trouvé de charisme chez cet avocat rachitique incarné par Billy Bob Thornton. Oh, il joue excellemment bien l'épave ! mais au delà de l'impertinence, je ne lui trouve ni éloquence, ni prestance. Le fait que le personnage dissone avec sa présentation n'aide pas. En effet, Billy jure avec ses anciens collègues qui portent chaque jour un costume de luxe. La série insiste bien sur le fossé qui sépare Billy (et Patty et les autres) de ces modèles déshumanisés d'apparence si lisse et avenante — clairement des trompeurs professionnels. Or Billy doit enfiler le costard et est censé jouer le même jeu lisse et avenant devant le juge et au tribunal, devant les jurés. Et on nous dit plusieurs fois que c'est celui-là son monde, son terrain, le lieu où son identité (un avocat hors pair) s'exprime totalement. Aussi, on peut se demander : Billy est-il un marginal déguisé en avocat ou bien un avocat déguisé en moins que rien ? Est-il un personnage à part entière ou bien s'est-il tant déconnecté de lui-même qu'il ne subsiste qu'un rôle qu'il joue instinctivement (même pas l'ombre de la personne qu'il fut jadis) ? Des questions qui ne trouveront jamais de réponse.


Goliath pèche par sa prétention vaine et trébuche sur son écriture gauche. La série est rattrapée au vol, portée par le talent de ses acteurs. Mais ça ne suffit pas à transformer l'essai.
Ceux qui ne sont pas lassés des anti-héros irrévérencieux (Dr House, Shark, Mentalist, etc.) y trouveront peut-être leur compte.


5/10





SAISON 2 : On prend les mêmes et on recommence ?



Après la rédemption de l'avocat déchu qui se foutait de tout (sa fille et son chien errant mis à part), nous retrouvons un Billy (toujours alcoolique mais) riche et qui se soucie des personnes autour de lui. D'ailleurs, le patron de son bar favori a des ennuis : ses deux fils aînés sont morts et le dernier, Julio (Diego Josef), est accusé de meurtre. Mais Billy ne s'occupe pas des affaires de meurtre… du moins pas tant que les scénaristes n'ont pas décidé de la mort gratuite d'un personnage secondaire pour lui donner un prétexte en carton-pâte.
Certes cousue de fil blanc, la première saison avait pour mérite une prémisse efficace (des marginaux luttant contre une corporation malhonnête). Là… c'est carrément plus faiblard. (D'ailleurs, le générique a disparu.)


Les défauts de la première saison sont toujours présent, souvent exacerbés même : la paresse scénaristique mène à trop de situations invraisemblables, l'intrigue freine des quatre fers pendant les deux tiers de la saison, l'aspect judiciaire est encore plus effacé que dans la saison précédente (ouille). Pire ! les personnages n'évoluent pas et l'histoire (l'idée de véhiculer un message via l'intrigue) a foutu le camp.
Billy a apparemment les moyens de vivre comme un nabab. Il a acheté une maison témoin (qu'il n'habite pas). Il a troqué sa vieille décapotable rouge polluante pour une voiture récente (qu'il n'utilise pas). Il se déplace exclusivement en taxi et donne plusieurs centaines de dollars de pourboire au chauffeur s'il a été sympa. Un soir, sa fille décide de faire le ménage chez lui : elle vide et jette des dizaines et des dizaines de bouteilles d'alcool.
Vous avez dit développement de personnage ? Eh bien non. Que dalle. Épisode 3, Billy est au volant de sa décapotable, comme si de rien n'était (il n'y a eu aucune scène le montrant revendre l'autre voiture ou récupérer celle-ci). Il ne prendra donc plus jamais le taxi et le spectateur ne le verra plus avoir une conversation avec un figurant (le genre de scène pouvant symboliser son attachement aux petites gens). La scène où sa fille jette toutes ses réserves d'alcool, point culminant d'une tension instaurée dès la première saison et jusque là soigneusement laissée en plan ? Ça ne mène nulle part, Billy est d'une éminente passivité et personne n'en reparlera jamais. Encore, toujours, Goliath a grand peine à traiter ses personnages et nous laisse seulement constater des situations.
Lorsqu'il reprend le dossier de Julio, notre protagoniste décide de réunir son équipe de la saison précédente, à savoir une avocate et deux assistantes. Pourquoi le fait-il ? Pourquoi accepteraient-elles ? La série n'offre aucune réponse satisfaisante (voire aucune réponse tout court). Brittany semble moins efficace que Marva ; et Billy n'a clairement pas besoin des talents limités de Patty qui n'a ni l'envie ni aucun intérêt à remettre les couverts, qui plus est bénévolement. Billy aurait pu trouver un prétexte (sincère) et dire qu'il a besoin d'elle pour se simuler une vie sociale ou quelque chose dans le genre. D'ailleurs, c'est peut-être l'idée ; mais comme à chaque fois dans cette série, il faut supposer des idées et ne jamais les voir exécutées.


C'est la saison des amours. Parmi les nouveaux personnages, trois fricoteront avec nos héros et serviront de romances « utiles » (du point de vue d'un scénariste plus intéressé par l'intrigue que par l'histoire) tandis que deux autres formeront une bromance battant de l'aile.
Tom Wyatt (Mark Duplass) sert d'héritier à Donald Cooperman dans la lignée des gros malades fétichistes avec beaucoup trop d'argent. Un point pour Tom : il n'est pas un stéréotype éculé de mauvais goût comme Donald (mauvais goût à fond certes mais beaucoup moins cliché). Sa romance permet même de l'humaniser un petit peu — bien que ses accès de colère et son stress permanent suffisaient amplement à le rendre faillible.
La romance phare de la saison est celle du héros. Billy nous inflige une amourette pseudo-idyllique avec Marisol Silva (Ana de la Reguera), candidate très populaire à la mairie de Los Angeles. Malheureusement, du point de vue du spectateur, la sauce entre les deux ne prend pas. Marisol a juste un comportement étrange qui échappe à l'entendement ; et Billy est tellement passif qu'on ne peut pas deviner s'il est vraiment amoureux. Contrairement aux autres romances de la saison (dont l'intérêt est déjà assez relatif), la relation entre Billy et Marisol n'apporte aucun éclairage nouveau ni intéressant sur les personnages. Cette romance si forcée et rébarbative a aussi le défaut d'être sans arrêt remise sur le tapis parce qu'elle est au cœur du scénario.
Reste la bromance. C'est peut-être la seule relation à tirer maladroitement son épingle du jeu. Danny (Matthew Del Negro) joue l'agent décomplexé, il est beau, grand, sportif et très heureux de réussir à son échelle, peu importe comment. Keith (Dominic Fumusa) de son côté vit de plus en plus mal de tremper dans les magouilles : il s'inquiète beaucoup pour lui mais aussi pour sa famille (femme et enfants) au point qu'il souffre physiquement (ulcère de l'estomac bonjour). Tous deux sont tellement en tension qu'on se demande pendant longtemps si leur relation est solide ou pas, si l'un va trahir l'autre (pour sauver ses fesses dans un cas, sa famille dans l'autre).


C'est à l'épisode 5 que nous commençons à voir quelque chose qui se dessine — littéralement puisque l'introduction est un dessin animé contant l'enfance du « Goliath » de cette saison. Ensuite, les trois derniers épisodes sont sous le sceau d'une tension constante soulignée par la bande sonore. « Deux Cendrillons » (6e épisode) plonge notre héros en territoire inconnu et mystérieusement menaçant. Le luxe des festivités au Mexique contraste de façon ironique avec le malheur qui va s'abattre sur un innocent pauvre à Los Angeles. Billy sent que le terrain est miné mais il n'arrive pas à saisir pourquoi ni comment. Son seul repère est la sincérité des sentiments de Marisol. Pourtant, lorsque la détresse le rattrape, il ne va pas chercher le réconfort auprès d'elle. Billy, vulnérable, s'isole et plonge à nouveau dans le whiskey.
« Le diable vert » (épisode 7) est mon épisode préféré de par sa singularité. Billy est perdu, dans tous les sens du terme. C'est comme si Goliath se rappelait : Ah oui, à une époque les séries faisaient des épisodes atypiques et à l'intrigue contenue ; et si on tentait ? Je trouve l'expérience très bien menée. Le fait d'avoir un œil resserré sur l'inconnu (de n'avoir pas plus de données que le héros) est un procédé efficace pour faire pardonner les incohérences car le spectateur est trop occupé à être dans la tête du personnage. Les scènes longuettes de dialogue servent (enfin à quelque chose) à faire monter la pression, à nous transmettre l'anxiété de Billy.
Malheureusement, le soufflé retombe dans Muet (8e et dernier épisode). Suivre un Billy torturé par l'amour supposé qu'il éprouverait pour Marisol est d'un ennui… Je préfère occulter cet épisode et garder « Le diable vert » en mémoire.


On peut regretter que la série ait l'audace de proposer un dénouement tragique à cette histoire. (Il est vrai que le minuscule David perdant contre le géant Goliath est une fin cohérente en soi. Toutefois…) L'avalanche d'invraisemblances qui forme la série Goliath est tellement énorme qu'elle rend cette défaite — crédible dans un contexte réel — tout à fait bizarre dans le cadre de la série.


Deux grands maux planent sur les séries. Le premier guette celles qui savent où elles vont mais qui ont du mal à trouver leur style, leur rythme et à maîtriser leurs personnages. Le deuxième guette celles qui ont un concept fort mais qui, souvent, victimes de leur succès, n'ont aucune ligne d'arrivée et sont vouées à errer dans le néant, à ne plus savoir comment conclure. Goliath se trouve au croisement de toutes ces difficultés, avec un concept fort mais mal maîtrisé. Maintenant que la série semble en passe d'avoir un style cinématographique, j'espère sincèrement que la saison 3 scellera l'accord en donnant à Goliath ce dont elle a besoin : une direction.


6/10




SAISON 3 : Coming soon :-)

Apocatadys
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le 20 oct. 2019

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Apocatadys

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