Girls
6.6
Girls

Série HBO (2012)

J'ai hésité entre le 5 et 6 : finalement, 5, ça retranscrit mieux mes impressions mi-figue, mi-raisin face à cette série.


J'aime le projet initial : parler de l'effritement progressif des illusions de jeunesse face à la réalité de la vie active ou des relations humaines, laisser tomber le glamour (quoique...) et les corps idylliques pour parler "vrai", faire du corps féminin un objet de discussion/de comédie/offert dans sa banalité et non plus un simple objet de désir. Cette ambition d'honnêteté et de réalisme est assez séduisante - et New York semblait le cadre parfait pour de sarcastiques leçons en désillusion.


Je n'aime pas le traitement new-yorkais bavard-décousu qui transforme chacune des girls en archétype : l'écrivain narcissique en quête d'expériences et de son "moi profond", la princesse qui s'accroche à son image lisse même quand tout s'effondre, la vierge effarouchée qui aime Sex in the city mais ne sait pas comment gérer les conséquences de son dépucelage, la bobo à la vie destroy qui essaye de se faire passer pour une vieille âme pleine d'expérience...
Je n'aime pas non plus le sous-texte de la série, voulant qu'on exagère les défauts des personnages pour qu'ils servent de miroirs déformants à ceux du spectateur : on peut ne pas vouloir se projeter et se sentir agressé par de telles modèles qui, malgré leurs failles respectives et leur profond sentiment d'insécurité, sont souvent plus agaçantes qu'humaines. De plus, je trouve qu'il y avait tout de même tout un éventail de possibilités à explorer entre le "y en a marre des personnages féminins parfaits" et le "mettons en scène des déséquilibrées narcissiques". Je n'ai pas réussi à les voir comme des filles paumées, sans doute parce que j'ai souvent été agacée par leur manque de remise en question et surtout d'empathie pour les êtres qui les entourent, et parce que je suis assez insensible aux discours marketés pour faire de la sublimation du pire un ressort comique/ironique.


J'aime la justesse de certaines scènes, comme la dispute dans la maison de vacances de la 3e saison et des fragments de la vie de couple d'Hannah et Adam, qui reflètent bien cet espèce de langage secret qui se construit au sein d'un couple quand il apprend à devenir complice. Il y a, entre deux moments trop bavards, des petits instants de grâce, qui répondent au projet initial.


Je n'aime pas, du coup, le traitement très artificiel de certaines thématiques graves (l'avortement, les TOC, les cures de désintoxication, le viol au sein d'un couple, la dépendance affective), abordées comme des prétextes pour nourrir certains épisodes ou par le biais de fils narratifs qui s'effilochent parce que les personnages ne sont pas suivis de manière consistante.


J'aime - et c'est ce qui m'a fait tenir certains épisodes ratés - le personnage d'Adam : d'abord introduit comme un gigantesque et nauséabond cliché (un sociopathe au comportement abusif dans les relations sexuelles), il est le seul à avoir une évolution intéressante au sein de la série. Ses déviances, sa part d'ombre, son comportement brusque et brut de décoffrage finissent par trouver une vraie profondeur (qui n'excuse en rien ses assauts de violence) et laissent place à un personnage à la sincérité écharpée, aux pensées libres de tout conformisme, qui finit par trouver dans le sexe une complicité qu'Hannah ne perçoit pas (centrée qu'elle est sur la consommation d'une relation dans laquelle elle cherche l'étrangeté, source nourricière pour ses écrits). Le revirement du personnage dans la saison 4 et le massacre régressif de la saison 5 m'ont beaucoup déçue, malgré l'interprétation magnétique d'Adam Driver.
De manière générale, je trouve les personnages masculins assez intéressants. J'ai eu l'impression qu'on essayait ici de renverser les rôles habituels (les hommes sont tous des salauds/les filles des victimes), mais sans aucun sens de la mesure. Là encore, un juste milieu m'aurait paru plus réaliste que l'égoïsme outrancier d'Hannah, le flirt débridé de Jessa, le "je suis belle donc tous les hommes doivent être à mes pieds" de Marnie ou le "je suis à côté de mes pompes" de Shoshanna. Désacraliser l'image de la femme amoureuse au cerveau déformé par un trop-plein de comédies romantiques, d'accord, mais peut-être pas au prix d'autres clichés ?


Je n'aime pas, mais alors pas du tout le personnage d'Hannah, sur lequel repose la série : son narcissisme revendiqué, son manque total d'empathie, la déconnexion entre ses prétentions d'écrivain (se faire la voix d'une génération en se laissant submerger par les expériences de celle-ci) et son comportement égoïste... et surtout son manque d'évolution/la faiblesse de son évolution, malgré les épreuves et les doutes qu'elle traverse, me plongent dans des abîmes de perplexité.


Peut-être qu'en cela, Girls est une réussite : elle dépeint finalement les comportements qui m'insupportent le plus dans la société moderne (manque d'empathie, incapacité à écouter les autres, amitiés reposant sur l'apparence plutôt que l'être et le partage). Dommage qu'elle ne leur propose aucune alternative ?

LongJaneSilver
5
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le 26 avr. 2016

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LongJaneSilver

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