Je ne suis pas certaine d'avoir vu cette charge lourde contre la méchanceté humaine au meilleur moment : les dérapages droitiers de la campagne électorale en cours m'avaient déjà bien sapé le moral, il n'était pas forcément nécessaire de m'infliger pareille estocade. Mais bon, le documentaire I am not your negro de ce même Raoul Peck vu juste avant constituait un argument en faveur de cette série en 4 volets qui ne m'a guère encouragée à tergiverser. J'aurais peut-être réagi autrement si j'avais pu lire ma critique avant de voir ces épisodes. En l'absence de paradoxe temporel, j'ai subi presque 4 heures d'images chocs, voire choquantes, alignées les unes au bout des autres, avec quelques contrepoints ironiques, malgré tout, et un commentaire introspectif déprimant. Je suis toujours là pour en parler, c'est à mettre à mon crédit. Alors, pourquoi avoir autant chargé la barque alors que je n'ai exterminé personne récemment et que j'aurais mérité un peu de répit entre deux reportages sur la surenchère intolérante des candidats à la présidentielle de mon pays ? Il faut se rendre à l'évidence : Raoul Peck ne s'adressait pas à moi, même si je suis une occidentale à la mélanine modérée. J'ai pris sa tarte dans la figure à la place d'un autre, c'est une erreur judiciaire ! Et j'imagine que cet autre porte un patronyme qui commence par un T, vient de la téléréalité et possède une machine à UV dysfonctionnelle. Sinon, je me m'explique pas pourquoi on me destinerait pareil cocktail de massacres, d'injustices et de forfanterie. La relecture de l'histoire du monde à l'aune du suprémacisme blanc a certainement du sens pour un citoyen étasunien à forte pigmentation, pour n'employer aucun mot qui fâche (suprémacisme blanc m'a néanmoins mise dans une colère noire...). De mon point de vue, j'emboîterais davantage le pas de Borges, qui fustigeait l'infamie universelle plutôt que l'impérialisme blanc. Eh oui, et les commentateurs n'ont pas manqué de le relever, la cruauté et l'abus de pouvoir ne sont pas l'apanage d'un type cutané. En cherchant bien, on verra que tous les peuples du monde ont certainement été tour à tour bourreaux et victimes, sur un segment de temps suffisamment étendu. Je ne m'offusque pas de la culpabilisation de l'homme blanc; il ferait effectivement bien de balayer un peu devant sa porte. Il me semble également évident que mon propre pays a largement participé à exporter sa violence en son temps. Et même encore aujourd'hui. Néanmoins, se borner à chercher des illustrations de la sauvagerie occidentale non seulement enfonce une porte ouverte mais aussi risque de se révéler contre-productif. Il ne manque plus qu'à une réalisatrice l'envie de dézinguer le caractère belliqueux de l'homme de toutes les couleurs au cours de l'histoire. Ou à un enfant réalisateur surdoué d'épingler la lamentable gestion du monde des adultes. Continuons à nous jeter la pierre d'une catégorie à l'autre, et perdons encore davantage d'un temps précieux à éviter le sujet qui risquerait de mettre un terme définitif à la violence...

Créée

le 15 févr. 2022

Critique lue 279 fois

2 j'aime

Critique lue 279 fois

2

D'autres avis sur Exterminez toutes ces brutes

Exterminez toutes ces brutes
SombreLune
10

LE RaTé dU mONDe !

L'HOMME ! Il est né en Afrique...un comble, au milieu de scorpions et d’animaux féroces de toutes espèces. Savez-vous comment j’appelle l'HOMME ? Le raté du Monde. Voilà le seul nom qu’il mérite...

le 16 sept. 2022

7 j'aime

6

Exterminez toutes ces brutes
ZutuX
9

Ce n'est pas le savoir qui nous manque ?

La série ce termine sur ces mots que, pour ce qui me concerne, je ne cesse de me dire et redire encore. Comment ce fait-il que nous sachions et que pourtant nous laissions encore et encore se...

le 4 févr. 2022

5 j'aime

1

Exterminez toutes ces brutes
Budokick
10

Montrer l'histoire : l'expression de la subjectivité

Raoul Peck nous livre ici un long reportage en 4 volets sur le suprémacisme blanc, de l'intérieur, de l'extérieur, et surtout à sa manière.Loin d'être objectif, il nous montre un monde sous un angle...

le 7 juin 2022

5 j'aime

6

Du même critique

Watchmen
ChristineDeschamps
5

Critique de Watchmen par Christine Deschamps

Il va vraiment falloir que je relise le somptueux roman graphique anglais pour aller exhumer à la pince à épiler les références étalées dans ce gloubiboulga pas toujours très digeste, qui recèle...

le 18 déc. 2019

20 j'aime

3

Chernobyl
ChristineDeschamps
9

Critique de Chernobyl par Christine Deschamps

Je ne peux guère prétendre y entendre quoi que ce soit à la fission nucléaire et, comme pas mal de gens, je présume, je suis bien contente d'avoir de l'électricité en quantité tout en étant...

le 9 sept. 2019

13 j'aime

5

La Vérité sur l'affaire Harry Québert
ChristineDeschamps
2

Critique de La Vérité sur l'affaire Harry Québert par Christine Deschamps

Un livre que j'avais vraiment dévoré adapté en minisérie par le maître Jean-Jacques Annaud. Il y avait de quoi être impatiente, même sans avoir vu le moindre teaser indécent de TF1, chaîne dont je...

le 24 déc. 2018

9 j'aime

3