Euphoria
7.8
Euphoria

Série HBO (2019)

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*Critique écrite en Décembre 2020, uniquement sur la première saison"

A 17 ans, Rue Bennett, fraîchement sortie de désintox, cherche à donner un sens à son existence. Le jour de la rentrée, elle fait la rencontre de Jules, une jeune adolescente trans, avec qui elle commence à tisser des liens très forts. Plusieurs camarades de classe se joignent au tout, et l’on suivra leurs mésaventures dans un monde empli de vice, ou l’alcool, la drogue et les névroses sont monnaie courante.
Imaginez Life Is Strange, mais Chloé serait une enfant de cœur à côté du reste de la classe. Ajoutez-y de la drogue, réseaux sociaux, plan cul, mini-jupe. Shakez, et servez frais.

La première chose qui saute aux yeux, c’est le visuel de la série : ça pète dans tous les sens. Les lumières sont irréelles et omniprésentes, vives et chatoyantes. On a droit à du néon rouge et bleu dans des rues désertes, des stroboscopes violacés nauséeux à toutes les soirées, du vert dégouline des boutiques de nuit et d’étranges lampadaires orangés baignent les parkings d’une atmosphère intemporelle.

Tout comme la vie de ses protagonistes, la série file à 100 à l’heure, avec une caméra énergique d’une liberté peu commune pour une série de ce genre ; les travelling rapides deviennent vite un gimmick accrocheur, on se scotch sur un personnage pendant quelques instants, on capte un regard, et nous voilà propulsé vers son receveur, pris dans un mouvement de folie. Il en va de même pour le montage, étonnement clair au vu de du rythme soutenu qu’il s'impose pendant les multiples fêtes et soirées qui jalonnent la série ; non seulement on zigzague de point de vue en point de vue, mais la temporalité est rarement respectée au sein d’un même épisode, et plusieurs évènements qui s’entrecroisent à l’écran appartiennent rarement au même moment, et ne sont finalement reliés ni par leur temporalité ni par leur localité, mais uniquement par leur protagoniste. On va avoir droit à une scène d’un match de football alors même que les joueurs sont en train de fêter le dit match. C’est à double tranchant, on ressent mieux la confusion qui les habite, mais l’impact de certaines révélations s’en trouve amoindri.

Enfin, la mise en scène oscille entre inventive, délirante et plan-plan. Certains interludes viennent ponctuer les épisodes, comme un cours sur les Dick Pic, ou encore une fausse enquête policière à la film noir, et ils sont tous très réussis : décalés et totalement assumés, tout le monde en fait des caisses, ça s’amuse et c’est jouissif. Des épisodes entiers, comme le 4eme, qui se passe exclusivement dans une fête foraine, nous en mettent plein la vue, et on se laisse prendre par la surenchère visuelle qui nous est généreusement offerte. On en redemande !
Et pourtant, il arrive qu’on retombe à contre-coeur dans des discussions plus mollassonnes, à base de je t’aime moi non plus, qui ne sont pas toujours des plus captivantes...

Mention spéciale aux costumes et encore plus particulièrement aux maquillages, dans la veine du reste, brillant de mille feux, très inventifs, chaque nouvelle soirée s’accompagnant d’un nouveau look que l’on est impatient de découvrir. Ce qui pourrait s’apparenter à de la vulgarité de prime abord (le -18 est le bienvenu), aussi bien dans les tenues très voyantes que dans les nombreuses scènes de nues, se révèle être le quotidien d’une jeunesse américaine, complètement dévergondée, déconnectée du monde réel, et assujetti à des malaises en tout genre, dans un monde surmédiatisé ou le privé ne le reste jamais longtemps.

La série ne veut pas se résumer à un feu d’artifice visuel, et les thèmes abordés sont nombreux : addiction, acception de son corps, le deuil, la parenté, la dépression, l’orientation sexuelle ou le changement de genre sont tous présent, traités à travers un cast majoritairement féminim (toutes plus âgées que moi pour jouer des ados de 16 ans) qui reprend des personnages plutôt détestables de prime abord, mais dont on comprend la construction au fil des épisodes. Au final c’est bien là que je me suis légèrement désintéressé de ce qu’avait à dire la série, le développement de plusieurs personnages étant plutôt inégal, et certains sujets ne me touchant pas particulièrement.

A noter que deux épisodes spéciaux COVID sont sortis, le virus ayant retardé la saison 2, et qu’ils dénotent fortement avec le reste, prenant ici tout le temps pour engager la discussion et la réflexion autour de Rue et Jules, franchement attachantes.

Finalement, est-ce que je conseillerais cette série ? Oui, mais pas à n’importe qui, on est sur l’autre face d’un Sex Education, les couleurs ne sont plus seulement pétantes mais criardes, et le ton résolument acide. Je m’y suis engagé en cherchant une esthétique franche, et bien que je l’ai trouvé, sa base principale reste ses personnages et leur histoire, la mise en scène retranscrit simplement un mode de vie tout aussi hors norme et décalé que leur quotidien. Mais c’est également là son point fort, puisqu’elle permet une meilleure compréhension de cette amérique tellement … américaine ? Elle doit résonner bien plus fortement outre-atlantique que chez nous.
A regarder sans binge watcher, en prenant les mêmes drogues qu’à l’écran (bonne chance pour la fentanyl).

LeSerpentMarrant
8

Créée

le 1 janv. 2023

Critique lue 1.5K fois

11 j'aime

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11

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