Devilman Crybaby
7.4
Devilman Crybaby

Anime (mangas) Netflix (2018)

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Devilman Crybaby ou la médiocrité célébrée

Ayant beaucoup apprécié le manga original de Gô Nagai (un indispensable de l'éditeur Black Box!), sa suite en manga ("Amon", toujours chez le même éditeur) dessinée par Kinutani Yû, et même les OAV animée des années 1980-1990, je me suis naturellement tourné vers cette nouvelle adaptation, signée Yuasa Masaaki et son nouveau studio Science Saru (excusez du peu! sachant que je place très haut une de ses oeuvres "Tatami Galaxy" dans mon panthéon personnel en matière d'anime), d'autant plus que celle-ci disposait d'une hype assez sidérante (beaucoup de critiques / gens parlant d'anime de l'année, voire de la décennie (!)...même si j'avais tout de même été un peu refroidi par certains extraits que j'avais pu voir, qui me semblaient tout de même assez faibles en matière de chara-design et d'animation - craintes qui se sont malheureusement confirmées, nous allons y revenir).
Bref, je cochais a priori un peu toutes les cases pour apprécier cette production, et force est de constater pourtant que, loin de l'apprécier, je l'ai trouvée tout à fait médiocre (le tout sans doute renforcé par le fait que je connaissais déjà bien l'histoire, et en particulier son dénouement).


Cette critique va surtout être pour moi l'occasion de dire toute mon incompréhension face à l'engouement à mes yeux totalement démesuré que génère cet anime chez certains (et même si mon avis, au vu des réactions aux autres critiques négatives sur le site, risque de ne pas me faire que des amis...). Car, de mon point de vue (je ne prétends pas détenir une quelconque vérité en matière de bons goûts), cet anime est bien faible sur beaucoup de points:



  • la réalisation, bien que traversée de fulgurances bienvenues, est la plupart du temps très légère, voire complètement dans les choux (combien de scènes affreusement statiques et ininspirées?); les scènes de combat sont, pour la plupart, affreusement bâclées, minimalistes et illisibles (quand on compare à certaines productions récentes - Kill la Kill, Kabaneri et j'en passe -, cela fait mal au cœur tant le récit se prête pourtant à de véritables moments de bravoure en la matière); sans parler de cette fameuse séquence à l'épisode 8 ou 9 (critiquée même par des défenseurs de la série), pourtant censée être un climax du récit, où Devilman s'interpose face à des humains lynchant d'autres humains, qui vire totalement au ridicule avec son angle de caméra totalement plat, son devilman inexpressif au possible (le charisme du perso en prend un coup), et des enfants qui finissent par venir lui faire un calin... :'-///


  • Pire encore, l'animation dans son ensemble, hormis peut-être certaines séquences des 3 premiers épisodes et des tous derniers épisodes (caractéristique des séries sans le sou), est tout simplement indigne d'un anime (avec quelques ambitions) produit en 2018! Les épisodes 7 et 8 arrachent même littéralement les yeux, pour peu que l'on soit sensible à la qualité de l'animation. Je lis par-ci par-là que "c'est juste le style du réalisateur qui est comme ça, c'est fait exprès, yo, t'as rien compris!"; j'encourage néanmoins les gens soutenant un tel non-sens à aller simplement jeter un œil aux réalisations précédentes du réalisateur; je suis désolé, mais l'animation de "Tatami Galaxy" ou de "Mind Game" est juste MERVEILLEUSEMENT belle et léchée en comparaison de ce Devilman Crybaby.
    Deux explications possibles et sans doute complémentaires (car Yuasa est tout de même, c'est le moins que l'on puisse dire, tout sauf un raté de l'animation): soit il n'a pas eu le budget et/ou le temps et/ou l'encadrement nécessaire pour mener correctement à bien ce projet (ce qui est possible pour une production Netflix, ce producteur ayant tendance à mes yeux à juste aligner les noms ronflants - dernièrement, Fincher pour le raté "Mindhunter" (cf. ma critique), Bong Joon-Ho pour un "Okja" loin d'être convaincant - pour au final aboutir à des œuvres au mieux passables); soit, tout simplement, Yuasa en a-t-il tout simplement trop fait en 2017 pour assurer une qualité minimale à toutes ses production: Science Saru a produit pas moins de 2 long-métrages d'animation en parallèle de ce Devilman (!)...


  • Le script n'est malheureusement pas en reste: souvent très confus, gérant mal son rythme - alternant séquences lentes et lourdes et séquences quasi-épileptiques -, il est clairement beaucoup moins maîtrisé que dans son manga d'origine. Particulièrement symptomatique de cette tendance, le 1er épisode, qui pose l'univers, est si embrouillé dans son propos et les événements si expédiés (là encore surtout comparé au manga et aux précédentes OAV) que je me suis véritablement demandé ce que pourrait bien y comprendre quelqu'un qui n'avait pas lu le manga (bon, heureusement, ça n'a pas l'air d'avoir freiné les enthousiastes de cette série).



En alignant tous ces problèmes majeurs, j'en arrive à me demander ce qui a bien pu, malgré tout, dans cette série, déclencher l'enthousiasme d'un si grand nombre de personnes (dont des gens, notamment parmi les critiques, qu'on ne peut pas soupçonner d'avoir peu de kms au compteur en matière d'animation et qui connaissent leurs classiques).


Le fond du récit présenté est-il, dans ses grandes lignes, si puissant, si marquant, archétypal, qu'il soit parvenu à transcender une forme totalement à la ramasse? Dans ce cas, qu'ils se jettent, si ce n'est déjà fait, sur le manga - je n'ose alors imaginer la jouissance esthétique qu'ils vont ressentir si ce Devilman Crybaby a su les satisfaire...


Est-ce simplement l'avalanche de violence et de sexe (souvent totalement gratuite, voire quasiment racoleuse, en particulier pour la 2e dimension; le contenu sexuel de la série va ainsi bien au-delà de ce que proposait le manga, Gô Nagai n'étant pourtant pas (euphémisme) l'auteur déjà le plus pudibond de la bande...)? Ce serait alors dommage, car la série n'excelle à aucun moment dans son traitement / représentation ni de l'une ni de l'autre. Les scènes de combat, outre une animation ratée, sont peu imaginatives, Devilman finissant par déchirer systématiquement ses ennemis en deux - c'est rigolo à l'épisode 1, mais au bout de la 50e fois, on pense fatalement que le réalisateur ne s'est pas foulé...) -, et les représentations sexuées trop grossières (voire vulgaires, selon les goûts) pour générer autre chose que de l'ennui.


Est-ce simplement parce qu'il s'agit d'une production Netflix? Toutes les séries / films qu'ils produisent, aussi médiocres soit-ils (et il y en a...), semblent en effet avoir une résonance médiatique et critique certaine, et souvent supérieure à la concurrence - ce que, encore une fois, je m'explique mal. Va-t-on vers une "Starbuckisation" d'une partie des spectateurs en matière d'anime, et plus largement de contenu télévisuel?


Pour finir cette sévère critique (suite à ma sévère désillusion), dans le genre adaptation de manga culte, je conseillerais fortement de se dispenser de ce Devilman, très cheap et surtout indigne de Yuasa, pour se tourner plutôt, par exemple, vers l'adaptation récente de "Parasite" par le studio MadHouse, beaucoup plus solide et réussie sur tous les points (et même, oserais-je le dire, juste moins prétentieuse...).
Pour autant, je ne désespère pas de Yuasa Masaaki (que je sais bien être un réalisateur aux productions très (top) dispersées et inégales); j'attends notamment beaucoup d'un de ses films produits en 2017,"The night is short, walk on girl", qui semble être une suite spirituelle à "The Tatami Galaxy".

Tibulle85
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le 9 févr. 2018

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Tibulle85

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