POINT DE VUE

Bon... pour la faire courte, c'est ma première critique sur le site et c'est avec un peu de recul que je m'y attèle (j'ai regardé la série il y a une semaine). Mais ce qui me pousse réellement à faire cette critique, c'est le flot de conneries et de débilités que je vois passer ici et là (surtout sur Twitter) ; la première étant "c'est un 10/10" ou "un chef-d'oeuvre". Alors non, non et non. Dahmer est une série de merde. Point.

Mais commençons par LE point positif (on ne peut pas etre nul partout) : la prestation tout en retenue d'Evan Peters. Il est facile de se perdre en cabotinage quand on joue ce genre de personnage (oui, c'est à toi que je pense Joaquin Phoenix). Il est très convainquant et parfois vraiment effrayant mais surtout touchant. Oui, touchant. Parce que selon moi, toute l'essence et l'utilité de faire un film ou en l'occurence une série, sur un homme aussi dérangé que Jeffrey Dahmer, c'est d'essayer de le comprendre (comprendre, pas justifier ni excuser). Je pense notamment à cette scène terrible avec son père (joué par le très bon Richard Jenkins) et sa belle-mère (les plus affutés auront reconnu l'icone teen 80' du Brat Pack, Mollie Ringwald) où il s'apprete à leur dire qu'il ne va pas bien après sa première victime mais son père balaie sous le tapie. C'est bluffant, touchant, si humain et à mon sens totalement dans ce qu'aurait du aller chercher la série.

Au lieu de cela, la série se perd dans des personnages secondaires dont on se fout éperdument. Je m'explique.

C'est un véritable problème de construction scénaristique et de narration. La série commence dans le vif du sujet (par la fin : quelle mode de merde de commencer par la fin), de son point de vue à lui (la première scène dans son appartement est d'ailleurs plutot maitrisée. Profitez-en, c'est le seul moment de tension de la série). On est avec lui, on "s'attache" à lui.

Puis, au fils des épisodes on change de point de vue comme on change de slip si bien qu'on passe presque un épisode entier à ne pas le voir, c'est quand meme un comble. Si bien qu'il nous manque ! (mais ça, c'est plus en rapport avec la prestation de l'acteur).

Le personnage plutot réussi mais trop lisse, trop parfait, de Tony (ceux qui ont vu, savent) suffisait largement à nous mettre dans la peau des victimes et à nous faire ressentir de l'empathie pour les victimes de ces crimes effroyables. Si on était resté du point de vue de Dahmer du début jusqu'à la fin, l'effet choc et inhumain de ses meurtres auraient été encore plus fort et plus marquant. On le détesterait bien plus, on serait d'autant plus dégouté, si on était resté collé à lui toute la série. (comme on adore détester un Hannibal Lecter...)

Mais ici, on se retrouve du coup, le cul entre deux chaises, à ne pas savoir s'il faut le plaindre ou le détester et arrive alors, à mon sens, le plus gros problème de la série : ses personnages (et leurs points de vue) et ses thématiques.

Commençons par sa mère. Mal jouée (quand je parlais de cabotiner...). Très mal écrite. On ne sait pas (encore à cause de ces problèmes de point vue) si on doit la détester, si on doit se dire que c'est de sa faute si son fils tourne mal (ce qui est tout simplement odieux) ou si elle a raison... Tout le passage où on lui offre une promotion n'a rien à faire là (qu'est ce qu'on s'en cogne ??).

Meme constat pour le père... sauf qu'il est bien joué.

Pareil pour Scarver (également très mal joué) : faut-il etre réjoui qu'il tue Dahmer ? alors qu'on passe un épisode entier à nous dire qu'il essaye de se repentir, sincèrement ou non, là n'est pas la question, on nous le montre. Et c'est encore un problème de point de vue. (en plus, la preuve qu'ils savent le faire : ils montrent la mise à mort de John Wayne Gacy, un autre sérial killer, qu'ils arrivent à rendre détestable en quelques minutes). Faut-il considérer comme un héros cet homme (aussi condamné pour meurtre) qui massacre un autre homme ? Bref, je ne sais pas ce que la série veut me dire à ce moment-là et c'est problématique quand il s'agit de meurtre...

l'histoire de la gentille voisine, c'est bien gentil mais si j'avais voulu voir l'histoire de la gentille voisine, j'aurais regardé l'histoire de la gentille voisine !!

Pareil pour la famille laotienne. Et comble du comble, on nous montre plus la réaction du père et le racisme (encore et toujours de façon très subtil) qu'il subit alors qu'on a un survivant de Dahmer beaucoup plus interessant entre les mains (à peine exploité avec un cauchemar tout nul) !!

La série essaye de traiter de trop de sujets à la fois et le fait terriblement mal. Je passe sur le coté donneur de leçon si symptomatique de notre époque "le racisme, c'est pas bien", "l'homophobie, c'est pas bien", etc, etc... occultant deux thématiques que la série semblait mettre en place dans les premiers épisodes : les conséquences des divorces et la solitude.

Occultant surtout la véritable problématique : Dahmer a tué des gens issus des minorités avec une telle facilité, non pas par racisme mais parce qu'ils sont pauvres comme lui (je ne rentrerais pas dans le débat du "racisme systémique" ici...) !! Il est nettement plus difficile pour la police de faire son travail parmi les classes les plus démunies, les vagabonds et les homosexuels (à l'époque du sida) !! Bon... ceci étant dit, les deux flics avec le mome de 14 ans étaient deux abrutis complets...

En plus, la série a le culot de nous montrer la récupération politique des activistes comme un acte de charité et de lutte que je vois, personnellement, très cyniquement.

Non, là, comme partout ailleurs, le pathos triomphe de tout ! c'est tout simplement odieux. surtout dans une série sur un sérial killer qui met en évidence tout ce qui fait de nous des etres humains et donc par essence, relève du pathos ! C'est pour ça que je recommande chaudement Mindhunter qui ne fait pas dans le sentiment en plus d'etre instructif, bien mis en scène, bien écrit, bien joué et surtout TERRIFIANT ce qu'on est en droit de demander quand on regarde un truc sur un serial killer !

Je tiens également à relever le culot, l'hypocrisie et le cynisme à nouveau dont font preuve les créateurs en dénonçant les médias divers qui sautent sur la surmédiatisation de son procès et un début d'idolatrie du public (les américains sont vraiment cinglés) pour sortir des comics, des livres, des projets de films... et des séries. DES SÉRIES. Critique un peu schizofrene, non ? Peu importe comment tu décides de traiter du sujet, au final tu traite du sujet donc tu donnes quoiqu'il arrive la meme visibilité. Pas la peine de se justifier...

La mise en scène n'est pas extraordinaire, plutot fonctionnelle et un jour, il faudra arreter les filtres seventies (à cause de Fincher et son très bon Zodiac), qui rendent l'image fade et sans personnalité.

En ce qui concerne le point de vue, je ferais le meme reproche au film (je ne me ferais pas chier à écrire le titre) avec Zac Efron et Lily Collins sur Ted Bundy qui ne sait pas non adopter un PUTAIN de point de vue mais qui au moins n'a pas la prétention d'etre plus que ce qu'il n'est : un film netflix !

Bref Dahmer c'est raté, lisse, politiquement correct bien sur, donneur de leçon et surtout ambigue à cause de son écriture. Et je m'arrete là bien que j'aurais encore beaucoup à dire.

P.S : merde, je suis le seul à trouver que la série ne parle presque pas de Dahmer ?