Breaking Bad
8.6
Breaking Bad

Série AMC (2008)

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Breaking Bad c'est bon. Plus que ça, c'est brillant. J'aurais rarement vu une série aussi bien écrite, maîtrisée de bout en bout. Et son titre lui sied si bien. Dire que la série possède l'un des meilleurs antihéros de l'histoire de la télévision est un euphémisme, car Breaking Bad me semble être la série ultime sur l'antihéroïsme.


Tout son contexte socio-économique pousse ainsi Walter White à être réinventé (et à se réinventer lui-même) en tant que héros moderne : une espèce de looser absolu qui n'a rien plus rien pour lui, rongé par un cancer, limité dans son métier, à sec, conditionné par son époque, en somme, à obtenir par les moyens les plus bas tout ce que cette-dernière lui refuse.


Et c'est en cela que Breaking Bad est géniale, car elle fait d'un homme lambda (du moins est-il extrêmement intelligent), presque médiocre, et terriblement ordinaire, tel que chacun d'entre nous pourrait l'être, un monstre d'amoralité. Il est fascinant d'observer ce père de famille attentionné, maladroit, se transformer, petit à petit, en calculateur éhonté, manipulateur invétéré, puis tueur de sang froid dans ses derniers retranchements. Puis remonter le temps et le retrouver dans son slip blanc au beau milieu du désert, à côté d'une caravane miteuse, bafouillant quelques excuses malhabiles aux flics à ses trousses.


C'est cette sorte de récit de formation inversé qui passionne, voir comment Vince Gilligan va parvenir à (dé)construire son personnage, à faire de sa métamorphose le grand intérêt de sa série, observant avec minutie son changement comportemental et distillant çà et là des détails qui traduisent une nature foncièrement tourmentée qui va finalement embrasser la banalité du mal telle qu'en parle Hannah Ardendt, celle qui germe en chaque Homme.


Un mal qui se révèle d'autant plus saisissant qu'il est souvent amené par rétrospection, avec une utilisation de l'unité temporelle cyclique, marquée de retours en arrière nombreux et cruciaux pour le développement des personnages mais aussi pour l'impact sur les spectateurs, qui se voient doublement trompés (l'épisode de la ricine) : Walt devient ainsi inaccessible, une figure que l'audience même ne peut plus capter, qui a dépassé les limites.


Rares sont les séries qui auront su faire preuve d'autant de pertinence dans l'écriture, suggérant plutôt que d'expliciter les comportements de ses personnages, au travers d'un focus, d'un élément qui va occulter tous les autres à l'écran, devenant la clé de voûte, le point de bascule ; la mise en forme est à ce titre d'une grande beauté esthétique et stylistique, cohérente, utilisant l'essence même de son art à son paroxysme, où quand il suffit d'un plan pour tout dire.


D'autant plus forte qu'elle amène ses dénouements avec une maîtrise hors-pair, jamais décevants, et disséminant toujours à propos des éclats de suspens tendus, des idées scénaristiques surprenantes et osées, voire totalement délirantes, mais jamais vaines. Qu'elle s'essaye à des exercices de style inattendues ou qu'elle déploie ses arcs narratifs avec une perspicacité effarante, l'on a systématiquement l'impression d'une constance, qu'elle sait où elle va, et ce qu'elle fait, ce qui, en soi, n'est pas un principe universellement applicable au format.

Lehane
9
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le 27 juin 2016

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Lehane

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