Vous l'aurez compris, j'ai eu un mal de chien à me forcer à regarder la série en entier, mais à force de longs soupirs et de quelques moments de profond désespoir, j'en suis venue à bout.
J'articulerai mon dégout sur trois niveaux : l'intérêt pédagogique, le propos et la valeur de l'objet médiatique.
Pour commencer, donc, qu'ai-je appris ? D'une part, les cartes et les dates données au début de chaque épisode, ou nouvelle destination, m'ont permis de mieux appréhender la chronologie et la géographie du conflit. D'autre part, j'ignorais tout des escales à Melbourne, mais le traitement en est si romancé que l'intérêt historique s'arrête là. Enfin, je n'avais jamais entendu parler de la bataille d'Okinawa, mais là encore, en dehors du fait que ce fut manifestement une vraie boucherie, je n'ai pu en retirer davantage d'informations.
Du point de vue pédagogique, au vu de la dizaine d'heures qu'on y passe, l'efficacité de la série ne me semble donc pas fulgurante !
Passons, à présent à son propos. Celui-ci me parait, en effet, très ambigu. D'un côté, les témoignages des vétérans en introduction, qui semblent indiquer une volonté pour les créateurs de la série de leur rendre hommage, la musique patriotique très appuyée du générique, l'affirmation de plusieurs personnages qu'ils font ça « pour une bonne cause » et la démonstration des souffrances endurées par les soldats ; tout ce traitement, cet habillage semble nous indiquer que nous avons affaire à l'apologie de héros de guerre.
D'un autre côté, personne ne semble en mesure d'expliquer quelle est cette « bonne cause » qui justifie l'engagement de tous ces soldats pour l'enfer, voire la mort. La réponse qu'y apporte l'un des soldats de retour au pays manifeste par l'absurde ce vide : « c'est pour la télévision », dit-il !
"Band of Brothers" souffrait de cette même volonté d'évacuer toutes les questions du pourquoi, qui conduiraient forcement à des propos politiques ou des affirmations culturo ou ethno-centrées, forcément à éviter lorsqu'on a pour ambition de s'adresser au public le plus large possible. Néanmoins, la libération des populations, puis du camp de concentration, donnait une justification implicite à l'ensemble de l'action.
Ici, au contraire, afin de bien nous faire partager les souffrances et les raisons du traumatisme des soldats, l'absurdité et la cruauté du conflit sont menées à leur paroxysme. Les héros y sont non seulement cyniques et désabusés, mais aussi et surtout racistes et violents. Leurs buts est clairement défini : il s'agit d'exterminer tous les Japs.
Ce qui en fait des héros, ayant droit à être traités comme tels, repose donc sur le seul fait qu'ils soient américains. Propos dangereux, s'il en est !
Enfin, nous en arrivons à la série en tant que tel. Soyons clairs, le générique est magnifique et la manière de filmer est parfaitement maitrisée. Bref, on voit qu'il y a des moyens derrière. Par contre, le casting est un vrai casse-tête. Rien ne ressemble plus à un beau jeune homme blanc et sale en uniforme qu'un autre beau jeune homme blanc et sale en uniforme, ce qui fait qu'on arrive à n'identifier quasiment personne. A la fin, il est expliqué ce que sont devenu chacun, le problème c'est que pour la majorité d'entre eux je ne savais pas qui c'était, malgré les photos !
Ensuite, les trois épisodes consacrés presque entièrement à la vie privée des « héros » alourdissent énormément l'ensemble, en y donnant un côté romance larmoyante et chiante à mort !
Malheureusement, les combats ne sont pas beaucoup mieux traités puisqu'on y assiste en restant totalement extérieur à l'action. A aucun moment, le récit n'arrive à nous embarquer avec lui, tant le but et la stratégie nous restent étrangers, tant les personnages sont interchangeables et peu attachants, tant les scènes qui sont sensées nous émouvoir sont pathétiques.
Je terminerai en remarquant combien il est intéressant que la conclusion atomique du conflit ne fasse l'objet que d'une phrase, en passant. Le tabou reste manifestement encore très lourd sur cette guerre du pacifique et j'imagine que ça explique en grande partie le ratage monumental que constitue la série.
Le fossé qui la sépare de "Band of Brothers", alors qu'il s'agit des mêmes gars (même époque, même armée) nous en apprend d'ailleurs finalement plus que « The Pacific » en tant que tel.
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le 31 déc. 2010

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