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La (petite) leçon de démocratie par papa Sorkin.

J'ai mis un certain temps avant de terminer cette série, mais je crois au final que c'est parce qu'elle le méritait. Parce que plus le temps passait entre chaque visionnage d'un épisode, plus le bonheur était grand lorsque le dit épisode passait devant mes yeux. Cette série est monument du paysage audiovisuel américain, et aura marqué son époque par plusieurs aspects qui font d'elle une série unique au monde.

Il y a tellement de choses à dire sur TWW que je ne sais pas trop par où commencer. Je sais déjà que j'oublierai des choses, je sais aussi que cette critique ne sera pas aussi longue que je l'aurais souhaité, je n'arriverai jamais à être complet sur cette série. Car elle est intelligente, car elle est portée par une pléiade d'acteurs formidables, parce qu'elle a révolutionné la mise en scène à la télévision, et parce que Aaron Sorkin. Oui voilà, c'est là que je vais commencer, ça me semble évident, Aaron Sorkin.

Un génie, un maître des mots, voilà qui est Aaron Sorkin. Il a une capacité incroyable de jouer avec les mots, de les manier à sa guise pour nous faire plonger dans son histoire et ne nous en faire sortir que lors du générique de fin. Cette dextérité qu'il possède ajoute un tel plus à l'écran, la série ne devient plus seulement une simple série politique, mais une succession de joutes verbales, véritables moteurs de l'histoire, que ce soit pendant les longs "walk and talk" (j'y reviendrai), dans le bureau ovale ou la situation room, ou tout simplement lors d'un simple échange entre deux protagonistes. Ce rythme dicté par Sorkin ne nous lâche pas, et personnellement, je suis un immense fan de ce travail là. Le pouvoir que de simples mots peuvent avoir c'est incroyable, simplement en faisant parler ses acteurs de la manière qu'il faut, il réussit à capter mon attention et à le suivre dans son délire. Et ce n'est que le début, car TWW présente une autre particularité qui permet de la qualifier de série pour les spectateurs, en ce sens où tout est pensé, tout est fait et tout est magnifiquement réalisé pour emmener le spectateur avec soi. Je veux bien sûr parler de la mise en scène, pleine d'idées et de prises de risques.

"Walk with me"
Cette réplique précède généralement ce que j'ai appelé plus haut, les "walk & talk". Je m'explique, pour ceux qui n'ont jamais vu la série, et qui la découvrirez sur le tard, comme moi, cette idée de mise en scène vous semblera normale, et loin d'être unique à la télévision.
Oui mais.
Oui mais la série sort en 1999, et va populariser à la télévision les longs travellings et les plans séquences audacieux, là où la plupart des sitcoms et drama américains se cantonnaient à un montage plus ou moins rapides pour rythmer l'histoire, les différents réalisateur de la série (dont Alex Graves qui a récemment diriger plusieurs épisodes de Games of Thrones, autre séries excellente d'un point de vue technique) ont privilégié gardé une caméra en mouvement constant dans les couloirs de la Maison Blanche, multipliant les changement de point de vue, pour donner cette impression de fourmilière en constante ébullition, et donnant lieu à de vrais moments de cinéma parfois. La mise en scène joue un grand rôle dans la réussite de la série selon moi, mais c'est surtout son association avec l'écriture de Sorkin qui donne ce résultat fantastique à l'écran, en témoigne cette séquence, qui, et je préfère le préciser, est tirée du 4e épisode seulement de la série, preuve que les idées de mise en scène sont présentes depuis le tout début de la série, => https://www.youtube.com/watch?v=il-DowDFDo4.

Mais bien sûr tout ce que je viens d'énumérer serait totalement vain, si les acteurs ne suivaient pas derrière. Et je ne pouvais laisser cette critique en l'état sans mentionner ce cast absolument fabuleux, chaque acteur donnant vie à son personnage respectif de la plus belle des manière. Et ça me permet également de préciser qu'en plus d'être un formidable dialoguiste, Sorkin développe ses personnages, durant 7 saisons, de la plus belles des façons, chacun d'entre eux possédant une profondeur qui lui est propre, et qui lui permet de s’épanouir jusqu'aux dernières secondes de la série. En ce sens, je pense qu'il vous sera préférable de les découvrir par vous même de la même façon que je les ai découverts, la saveur n'en sera que meilleure. Mais je ne peux m'empêcher de dire un petit mot sur le point central de la série, le pilier autour duquel gravite tous les autres, Martin Sheen aka POTUS (President Of The United States). Il est particulier en ce sens qu'il est beaucoup mis en retrait par rapport à son staff, et en deviendrait presque un personnage secondaire. Mais à chacune de ses apparitions, Martin Sheen dégage un tel charisme, une telle présence, à la fois drôle, touchant et figure paternelle, mais aussi colérique, parfois dur et têtu, il se dégage de cette étiquette de président parfait, admiré par les démocrates et les républicains que laissait entrevoir le pilote.

Attention, ce paragraphe risque d'être confus car je ne sais pas trop encore comment exprimer ce que j'ai en tête.

Je voulais rebondir sur ce que je viens d'aborder, cette idée de président parfait, dont la série arrive à très vite se détacher, preuve de son intelligence. Mais c'est justement cette intelligence, qui en ferait son plus gros défaut. En 1999, lorsque sort la série, avec donc un faux président démocrate, Georges Bush Jr, le républicain, est sur le point de prendre la place de Bill Clinton, le démocrate, à la Maison Blanche (la vraie cette fois).
J'ai beaucoup vanté les qualités d'Aaron Sorkin jusqu'ici, mais il reste qu'il se pose un gros problème jusqu'à la fin de la saison 4. Les démocrates qui sont au pouvoir ne peuvent pas perdre, quoi qu'il arrive. Les républicains semblent totalement impuissants et ne sont que trop peu exploités. Et c'est un regret, puisqu'il faudra attendre le retrait de Sorkin dans l'écriture de la série pour permettre de voir ce point abordé plus sérieusement.
Si j'ai mentionné Bush et Clinton plus tôt, c'est parce que ce sont deux figures réelles qui ont fortement influencés la série. Les différentes réformes et les différents points politiques défendus par Bartlet reprennent le programme du double mandat de Clinton et concernant les années Bush, marqués par les attentats et la guerre en Irak, la série était une sorte de contre poids, une réalité virtuelle qui permettait aux téléspectateurs de s'imaginer dirigés par Martin Sheen. Encore une fois cela me gêne un peu, car, autant l'idée de suivre les idées réelles des démocrates est bonne, autant créer un monde semi paradisiaque par rapport à la réalité, me dérange. Après il se peut aussi que c'était tellement le bordel dans la réalité que n'importe quelle arc narratif aurait pu passer pour un monde de bisounours, je ne sais pas, j'étais bien trop jeune pour m'en rendre compte, et surtout je ne suis pas américain pour m'en faire une véritable idée. Enfin bref, passons.

Je voudrais terminer sur cette transition, saison 4/saison 5, qui marque le retrait des scénaristes de Sorkin. La série perd en qualité d'un point de vue narratif c'est indéniable, la saison 5 est très clairement la moins bonne, mais elle gagne donc en cohérence comme je l'ai précisé plus haut. Les arcs narratifs développés ne sont pas intéressants et semblent tourner en rond constamment. Bref, c'est pas très cool, je dois dire avoir été assez déçu de ce point de vue là, mais la série a su rebondir de très belle manière avec des saisons 6 et surtout saison 7, dont le final m'émeut (il faut vraiment que j'arrête avec ce mot, il est vraiment horrible) encore, qui sont des modèles du genre, et bien plus proches des premières saisons dans les idées de narration.

Les années 90 auront vu naître des séries fantastiques, et The West Wing s'inscrit parfaitement dans la droite lignée des réussites que sont Twin Peaks, Friends, Seinfeld, Les Sopranos ou autre Oz. Une série qui a changé à jamais le visage de la série politique, qui a révolutionné à sa façon la mise en scène à la télévision et qui restera dans les mémoires pour ses grands moments (fins de saison 2-3-6-7 !). Mais l'héritage qu'elle laisse est immense en ce sens, où l'on retrouve énormément son influence dans divers domaines pour les séries politiques qui sortent aujourd'hui.

The West Wing restera un point de repère immense, un pilier solide autour duquel de nombreuses séries actuelles tirent leur inspiration, des propres oeuvres de Sorkin à toutes les séries politiques actuelles, de Boss à House of Cards.
Un monument.

PS : je ne l'avais même pas remarqué, mais voilà que c'est ma centième critique, j'aurais aimé écrire plus, surtout ces derniers temps, mais bon les vacances tout ça, tout ça, ben ça occupe pas mal au final. Donc ça me permet de vous remercier, vous tous qui me lisez régulièrement, abonné ou simple visiteur qui ne compte pas rester plus longtemps, et de vous promettre une écriture plus régulière, bien que je sais que je n'arriverai pas à tenir cette promesse. Enfin bref, pleins de bisous sur la truffe !

Créée

le 17 août 2014

Modifiée

le 17 août 2014

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Strangelove

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