Blue Spanish Sky
7.9
Blue Spanish Sky

Morceau de Chris Isaak (1989)

Voici un texte que j'ai rédigé il y a plusieurs années et qui est inspiré de mon vécu, pendant une période personnelle qui était difficile.

Du folk dans mon iPod

Un peu de soleil. Du folk dans mon iPod. Ma démarche est nonchalante. Autour de moi, la ville semble désertique… On se croirait à « Big Tuna » ou quelque part dans les recoins d’une Amérique profonde, pré-mondialisation, l’étalonnage des films de David Lynch en moins.

Pas un seul gaillard à pipe du dimanche à l’horizon, pas de vieilles ménagères impatientes en attendant le bus, recouvertes d’un de ces trench-coats traditionnels. Jean évasé, lunettes Aviator, je me laisse porter par des guitares, une mélodie vocale et des percussions lentes, à la recherche d’une esthétique particulière dans mon panorama - un exotisme, un style, un ailleurs, une ambiance cachée, quelque chose de saisissant, d’inédit, de remarquable.

« It’s a big, blue, spanish sky…»

Il y a des messages dans l’air… Le printemps semble contenir les ingrédients d’un renouveau proche. J’ai retrouvé une identité perdue. L’ange femelle avait pris son ange mâle pour l’emmener au paradis avant de devenir un monstre par le coup d’un monstre, tout en brûlant mes ailes.

Suivante.

Le ciel et les nuages rappellent ces dessins coloriés à la maternelle. La maternelle me fait penser à la récréation. La récréation aux potes de banlieue. Les potes de banlieue à la famille. La famille à Lisbonne. Lisbonne aux jolies filles. Les jolies filles à ma queue. Ma queue à l’amour, et l’amour, à la mort… Je viens de faire le tour de ma vie.

« I Lay on my back and watch clouds roll by ».

Un panel d’émotions vastes a traversé le temps et l’espace avant de virevolter autour de moi comme dans un carrousel, sans flash-back ni odeur… « Like I do…Like I do… Like I do… »

Sous énergie, mon corps est connecté à un mini réseau, bout de design aux tiroirs numériques constamment suspendu autour de mon cou qui le balance.

Mon tempérament varie selon les leads, leurs mélodies, selon les rythmes et les leurs frénésies, selon les percussions, les synthés, les cordes, selon leur tonalité et leur amplitude avant la venue d’un crescendo ou decrescendo final.

Mes sens sont dominés par le cercle tactile de mon baladeur digital…

A l’intérieur du bus, je suis en apesanteur. J’avance au ralenti. La chaleur agréable de l’après-midi laisse place à un confinement aussi tiède que moite. Ma chaise est comme un nuage. Je tends mon genoux droit pour une décontraction supplémentaire, obtenir l’ergonomie la plus complète. Je regarde la vie défiler par la fenêtre. Le vent qui s’échappe de l’issue de secours entrouverte est comme de la nourriture, une brise hypnotique, de l’oxygène thérapeutique… Dans un état doux et flegmatique, je suis insensible aux stress exprimé par la conduite du chauffeur.

En me dirigeant à l’extérieur, la violence du système d’ouverture des portes à air comprimé me rappelle que celui-ci a déjà produit plusieurs morts par étranglement.

Une inconnue fait tomber un des boutons de sa veste. Une veste légère pour la saison, mais d’un brun mordoré, couleur automnale. Je la rattrape en tentant d’être élégant. Je lui tends son bouton.
Sourire. Petite vanne. Deuxième sourire.

Ces instants sont tellement bons lorsqu’ils sont vierges de tout… Pas le temps du sourire numéro trois. La demoiselle est pressée.

J’ouvre les yeux… Pourquoi suis-je ici?

Je retire mes lunettes. Je suis assis au bord d’un banc du centre-ville. J’ai dû passer chez le libraire. Dans ma main, j’ai le nouveau numéro du magazine « Première », qui tente l’énième formule éditoriale, ce qui me rappelle le degré de ravage d’Internet sur la santé de la presse papier.

Je parcours ma petite barbe avec mon pouce et mon index. Je suis certainement passé chez le buraliste aussi. J’ai une clope au bec. Elle n’est pas encore allumée. Mes yeux sont entrouverts… Le soleil éblouit. Blanc. Le son disparaît. Je n’entends plus rien. Le soleil brille à nouveau. Blanc. Le son disparait. Blanc. Encore… Je suis entouré d’enfants descendus d’un bus de sortie scolaire, prêts à jouer avec tout ce qui favorisera leurs créativités espiègles. L’horizon se penche à trente degrés. Les cheveux sont lumineux. Tout s’accélère. Fluide. Il y a comme une ombre sur ma paupière. C’est très doux. Tendre. Je ne sens plus rien. J’ai des vertiges. Je suis certainement attendu quelque part. Il me suffit de trouver où. Chaud. Fulgurant. Retentissant. Ça brûle.
Il y a du sang sur mes narines.
Ce n’est rien…

Mon inconscient est en train de purger.

OkaLiptus
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le 29 mars 2023

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Oka Liptus

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