Premier livre de Michel Onfray à me passer entre les mains. Je l'ai abordé avec une certaine peur, celle de passer à côté, celle de ne pas comprendre ses propos philosophiques, celle d'être irrémédiablement lâché dès les premières pages. Ne m'attaquais-je pas à une lecture trop ardue pour moi qui n'ai jamais considéré les cours de philo au lycée autrement que comme du temps pour avancer mes devoirs de math et de physique au fond de la classe ?
Et bien non. Et j'avoue avoir été un peu surpris. Même s'il est évident que beaucoup de choses m'ont échappé, le discours d'Onfray a été tout à fait abordable (avec un petit dictionnaire sous le coude, néanmoins). Cette peur initiale passée, c'est une profonde jubilation qui est apparue. Jubilation de lire un texte profondément blasphématoire. Jubilation de voir écrites mes idées sur les religions.
Athée. Un mot construit à l'aide d'un préfixe privatif. Alors que le vocabulaire religieux est extraordinairement riche, l'athéisme n'est formé que de mots négatifs et/ou reflétant un manque (athéisme, incroyant, areligieux, impie...) et mettant en évidence la suprématie de la Religion. Si « athée » signifie « qui nie l'existante de Dieu », le terme a rapidement été élargie pour être assimilé à toute forme d'hérésie et à servi l'Eglise pour condamner au bûcher les hétérodoxes.
Après un petit historique de l'apparition de l'athéisme (Onfray cite notamment l'Abbé Meslier et d'Holbach et regrette de ne pas retrouver leur trace dans les manuels scolaires), l'auteur poursuit son essai en relevant les nombreuses similitudes existant entre les trois religions abrahamiques monothéistes : la culture d'un seul Livre au détriment des autres (autodafé), la haine de l'intelligence (qui mène à la réflexion et aboutit à la contestation), le culte de la soumission et de l'obéissance, la haine de la science, la haine de la femme (sur les épaules de laquelle repose le pêché originel), les pulsions de mort, l'intolérance, la haine de l'autre. Et d'innombrables contradictions : les trois Livres contiennent tout et son contraire, si bien qu'ils permettent de tout justifier, l'amour du prochain comme la torture et l'extermination des infidèles.
Une partie entière est ensuite consacrée (sans jeu de mot) au Christianisme. Beaucoup d'invraisemblances dans le Nouveau Testaments, de contradictions, d'improbabilités voir d'impossibilités. Jésus a été dénoncé par les Juifs (origine de la haine que vouent les chrétiens à ce peuple déicide). Ponce Pilate, plus haute autorité locale, s'entretient gentiment avec Jésus durant l'interrogatoire de ce dernier. Habituellement décrit comme cruel par les historiens, le Nouveau Testament semble courtiser le représentant de l'Empire romain. Et comment expliquer que la plus haute autorité de l'époque s'entretienne personnellement avec un homme qui n'est encore qu'un prisonnier de droit commun ? Exemples parmi d'autres. Paul, à qui l'on doit cette écriture, est présenté comme un avorton obséquieux et hystérique, soumis à l'autorité en place, doté de tares invalidantes (impuissance entre autre, responsable de son insuccès auprès des femmes, de sa frustration et expliquerait cette haine des femmes qui émaille son texte). De ces invraisemblances et contradictions, Onfray conclu à Jésus conceptuel.
L'auteur rappelle que le christianisme doit beaucoup à l'Empereur Constantin, converti à cette religion au cours de son règne au début du IVe siècle. Cet habile stratège a-t-il vu dans cette secte prônant l'obéissance, la soumission et l'acceptation de la misère un intérêt politique ? En 380, sous l'impulsion de l'Empereur Théodore, le christianisme devient religion d'Etat et le paganisme est interdit douze ans plus tard. Il rappelle également les accointances entre le Pape Pie XII et Hitler durant la Seconde Guerre Mondiale (et la messe de Requiem qui fut dite en mémoire du Führer).
Alors qu'Onfray conclut sur l'intérêt d'un développement d'une philosophie athée, la jubilation qui m'a tenu durant une bonne moitié de ma lecture a laissé place à un certain malaise, une certaine nausée. Car au-delà des mots (même si je garde une certaine distance, un certain esprit critique face à ce pamphlet), il y a des atrocités qui ont été commises au nom de Dieu. Les religions étant les plus importants vecteurs de guerres, de destructions. De génocides.
Un livre très fort qui m'a beaucoup impressionné.
BibliOrnitho
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le 26 juin 2012

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BibliOrnitho

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