Daisy Letourneur a commencé un blog super en 2017, la mecxpliqueuse. L'autrice évoque à quelques moments sa transidentité pour rappeler aux mecs que personne n'est dupe de ce qu'ils sont et font : des hypocrites du genre humain. Et les mots d'une camarade de promo sur la remise en question impossible des mecs qui semblait pour elle une impossibilité quasi génétique m'est revenue. Je pense que c'est une vision très lucide : il suffit de voir les stats sur ce compte et en particulier les personnes qui likent mes posts et me soutiennent de faits. Des femmes, des minorités de genre, des hommes gay pour les 97%. Bref, le but de cet ouvrage est simple : prendre les hommes eux-mêmes comme objets à expliquer, et avec beaucoup d'humour, je dois le dire, c'est extrêmement satisfaisant.


Ce splendide ouvrage se divise en 4 succulentes parties pour remettre les hommes à leur place et leur point de vue comme allant de soi à la poubelle :


La première évoque la "nature masculine" : elle commence par rappeler qu'il existe 5 sexes (chromosomique, hormonal, anatomique, social - ou genre - et psychologique). Je préfère cette vision à celle émise par Anne Fausto-Sterling parce que c'est beaucoup plus clair finalement et qu'à la base Anne est rappelons-le biologiste. Je me méfie beaucoup du discours "scientifique" sous couvert d'analyse sociale. Elle rappelle comment fonctionne le genre et se moque de la notion de "vrai mec". Elle évoque aussi la théorie de Raewyn Connell dont je vous parlerais plus tard. Daisy retrace les comportements des hommes en société : un homme ça prend de la place, ça ne sourit pas et ça ne pleure pas non plus, ça détruit la , ça se met en danger et ça veut gagner des tunes. Bon, c'est schématique, mais avouez que c'est quand même lourd de sens : dans ces conditions, qui veut encore être un mec ? Elle revient sur la super théorie de l'homme soja : en gros, les végétariens ou vegans sont plus féminin parce qu'il y a des phytooestrogènes dans le soja.


La deuxième traite de "ce qu'on dit des hommes" : Daisy explique pourquoi les hommes sont immatures... parce qu'ils le sont, factuellement. Bon, vous voulez quand même un exemple : alors si leur partenaire a un cancer, les hommes quittent celle-ci 6 fois plus que les femmes. Elle explique aussi que les hommes volent la jeunesse et la vieillesse des femmes, qu'ils sont des mauvais payeurs de pension alimentaire. Ils sont aussi souvent souffrant d'alexithymie : soit la difficulté à identifier, différencier et exprimer leurs propres émotions, et souvent aussi celles des autres. Et la bonne raison pour se couper de ses émotions : la misogynie et l'homophobie. Mais "refouler ses émotions, ce n'est pas les maitriser." Grosse erreur, parce qu'une pensée sans émotion est bancale. Évidemment, qui dit homme, dit père... "et les droits des père alors ouin ouin point d'interrogation" : vous êtes 89% à vous en foutre, on peut passer à autre chose ? surtout qu'on vous donne un peu plus souvent raison quand il y a conflit, donc redescendez. Sur ce terrain, là encore, ce sont les femmes qui en pâtissent : les congés parentaux pour les femmes, réduit d'un an, les ont conduit à rester au chômage à cause des frais de garde trop importants, les indemnisations n'étant que de 396 euros.


La troisième s'intéresse aux "hommes entre eux" : " Le patriarcat a beau être construit sur l'exploitation des femmes, celles-ci ne sont pas forcément au centre des préoccupations des hommes. Bien souvent, ils préfèreraient ne pas avoir à penser à elles. Quand on se considère comme supérieur, il est logique de rechercher l'estime de ses pairs. Le système patriarcal se construit ainsi en grand partie sur des relations entre hommes". L'Homosocialité. Même s'il y a du projet du coté de l'homosocialité institutionnelle avec la parité, Daisy pense qu'il n'y a qu'une révolution féministe qui peut aboutir à son anéantissement. Elle évoque aussi les antiféministes notoires qui confondent abolition du genre avec égalité de droits.


"L'erreur de beaucoup d'entre eux est, par misogynie, de croire que le pied qui les écrase porte un talon aiguille plutôt que des Weston Richelieu noires à 770 euros TTC."


La quatrième vient questionner les hommes "avec les femmes" : "Je pense que les zones grises ne sont pas le vrais problèmes. Pour le dire clairement, le viol n'est jamais un malentendu." Daisy revient sur la friendzone, la figure du nice guy, de harcèlement et pose la question suivante : qu'avez-vous fait concrètement contre le patriarcat ? On ne vous donnera pas une médaille pour ne pas nous tabasser ou nous violer en fait. Daisy reprend la célèbre métaphore de la tasse de thé pour parler du consentement et en réalité elle pointe le fait que les hommes se foutent du consentement puisqu'il trouve le "challenge" de violer excitant, le prennent comme un défi. (Pas pour rien qu'il existe le revenge porn, ou la catégorie "viol" dans les pornos. Demandez à une camgirl si les hommes sont excités par des choses "douces" et "tendres".)


Du coup, l'homme déconstruit, Daisy, elle en dit quoi ? Pas grand chose. En réalité, les féministes font le travail qu'ils devraient eux-mêmes faire en thérapie : accepter leurs émotions, libérer leur sexualité et celle de leur partenaire et d'ouvrir des cases alternatives à la masculinité hégémonique viriliste. En effet, très peu d'hommes ont écrit sur la question. Un des seuls que je connaisse s'est suicidé, Léo Thiers-Vidal. Elle se méfie des hommes qui se disent "pro-féministes" et je la soutiens bien que j'y ai cru, TROP longtemps. Le meilleur adage pourrait être : "Derrière chaque féministe, il y a un homme épuisé".


Citations :


Les qualités que l'on prête aux hommes blancs deviennent souvent pathologiques chez les hommes racisés et/ou des classes populaires. La testostérone passe du statut d'hormone miracle à celui de poison violent.


L'ironie c'est que nombre de ces qualités "masculines" me faisaient défaut quand j'étais un homme, quand bien même elles étaient encouragées par mon entourage. Aujourd'hui je les ai trouvé parce que transitionner m'a permis d'avoir enfin confiance en moi.


Je peux cependant témoigner que je sais ce que ça fait d’être coupé de ses émotions : c'est nul. C'est un acte d'automutilation psychique.


Les hommes vont avoir généralement avoir très confiance en eux face aux femmes comme moi par rapport à mon fils de six ans. Ils n'expliquent pas la vie à leur patron, à leur père, à leurs copains. Face aux femmes, en revanche, ils sont assurés de leur supériorité.

FministeLibertaire
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le 5 juin 2022

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