Le Monde d'hier
8.3
Le Monde d'hier

livre de Stefan Zweig (1942)

Les biographies de Stefan Zweig se basent sur des personnages qui, par la place qu'ils se trouvent à occuper, deviennent des icônes de la période dans laquelle ils ont vécu. Zweig, avec Le Monde d'Hier, porte sur lui-même la démarche qui l'a poussé à s'intéresser à telle ou telle figure historique.


Remettons tout de suite les choses à leur place, Le Monde d'hier est un récit autobiographique. Il nous renseigne sur la vie de l'auteur de ses ennuyeuses années lycées jusqu'au déclenchement de la Seconde guerre mondiale. Au travers de ses rencontres et de ses voyages, Zweig nous parle de sa vie d'auteur à succès, de sa vision de l'Europe et de ses angoisses face à la brutalisation des sociétés dans les années 1910-1940. Nous y découvrons son Autriche natale très traditionnelle, sorte de vieille puissance endormie, paisiblement vieillissante au cœur de l'Europe. Au cours de ses voyages, il nous présente cette France de la "Belle Epoque" très (pour ne pas dire exclusivement) centrée sur Paris et sur un mode de vie éminemment bourgeois. Les rencontres de personnages illustres qui ponctuent l'ouvrage confèrent une dimension presque onirique au récit, à l'image de sa rencontre avec Auguste Rodin.
Toutefois, l'élément le plus marquant est son témoignage de juif, autrichien mais aussi profondément européen dans un monde où la violence fait irruption dans sa vie. La lointaine Première guerre mondiale, la pénurie du début des années 1920, jusqu'à Hitler perché tel un aigle à Berchtesgaden... De formes diverses et se resserrant peu à peu, cette violence montre à quel point l'intérêt de Zweig pour la culture et l'échange se trouve mis à mal par la montée de l'idéologie nationale-socialiste qui, profitant du dérèglement politique et social de l'entre-deux guerres vient complètement écraser la vie de l'auteur.
Par tous ses voyages, Stefan Zweig témoigne de sa très grande connaissance de l'Europe de son temps. Il montre avec une très grande justesse à quel point la Première guerre mondiale a été un choc et une perte d'une certaine forme d'insouciance pour les Européens. Zweig incarne à lui seul cette forme d'insouciance, à l'instar du titre du premier chapitre du livre "Le monde de la sécurité". Stafan Zweig, comme beaucoup d'Européens se croyait en sécurité en Europe. La première moitié du XXè siècle a cassé ce sentiment.
Le Monde d'hier, à l'image du siècle témoigne d'une époque qui, aujourd'hui plus que jamais, n'est plus la notre.


Très juste dans sa façon de s'exprimer et ne passant jamais pour une sorte de faux-prophète. Stefan Zweig nous présente ici son témoignage comme une sorte de journal de voyage, de rencontres et de désillusions au cœur de l'Europe du XXè siècle.


NB: Pour aller plus loin sur la période Première guerre mondiale, je recommande la lecture de Les Somnambules de Christopher Clark, ouvrage très complet sur la situation en Europe (avec un très bon focus sur l'Autriche) des années 1890 à 1914.

Alexandre_Burban
8

Créée

le 27 mai 2020

Critique lue 63 fois

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