Igniatius J. Reilly est un individu grotesque, grossier, obèse, il vit aux crochets de sa mère veuve qu'il a rendu presque alcoolique à force de supporter ses nombreuses frasques. A trente ans révolus, il mène une vie oisive entre l'écriture de cahiers contemplatifs sur les travers du monde contemporain et ses visites au cinéma. Lors de son long séjour à la faculté de la Nouvelle-Orléans il a connu une jeune fille du nom de Myrna, militante de toutes les causes, qui compte résoudre tout les conflits du monde par le sexe. Malgré l'antinomie fondamentale de leurs philosophies -Reilly étant un réactionnaire pure souche - ils se mettent à former un couple qu'on dirait contre-nature, leur relation restant évidemment platonique. Puis la jeune fille retourne auprès de son père fortuné à New-York et leur relation devient uniquement épistolaire, chacun se lamentant de la vacuité de la vie de l'autre. Un jour que Reilly attend sa mère devant un supermarché, attifé de son éternel cache-oreilles vert, il semble suspect à un agent de police qui se décide de l'arrêter. Notre héros fait alors un scandale abominable jusqu'au retour de sa maman, un vieillard ameuté par l'esclandre, prend parti et se met à traiter l'agent de "communisse", il sera finalement arrêté à la place d'Igniatius. Madame Reilly, sur les nerfs, emboutit le porche d'une maison en rentrant chez elle, le propriétaire lui demande 1000 dollars de réparations pour ne pas aller jusqu'au procès. Mise au pied du mur, elle enjoint son fils de se trouver un emploi au plus vite pour l'aider à payer cette somme. Il tente de l'amadouer en lui parlant de sa santé fragile, mais elle ne veut rien entendre, cette fois il devra mettre la main à la pâte.


On m'avait recommandé tout particulièrement ce livre, et ça faisait plusieurs mois qu'il était absent des rayons de la médiathèque, mais enfin le revoilà sur les rayons à ma grande joie! Cela peut paraître prétentieux, mais je crois que la plupart des gens, dont l'éditeur lui-même (qui a rédigé la préface) ont mal compris le livre. Je m'explique, le personnage de Reilly est taxé d'imbécile, idiot et autres... Je reconnais tout le ridicule du personnage, de par son langage, ses problèmes gastriques, son physique, sa tenue. Mais il est loin d'être bête, et c'est sûrement le personnage le plus sensé de tout le roman. Jones n'est pas complètement idiot, mais il ne peut même pas être comparé à Igniatius. J'irai même jusqu'à faire une comparaison un peu scabreuse, l'auteur de la Conjuration s'est suicidé à trente-deux ans, persuadé d'être un raté, un incompris, ça ne vous rappelle rien? Igniatius et Toole sont des marginaux, des inadaptés du monde moderne, ils nous font peur parce qu'ils ne sont pas d'accord avec nous. Quand Reilly prône les idées de Boèce et des philosophes médiévaux, sous la touche de dérision de l'auteur, on se moque, mais ce sont de très belles et nobles idées. On l'a justement comparé avec Don Quichotte. Pour prouver qu'il ne manque pas d'intelligence, il a manipulé tout au long de sa vie et du roman chacun des personnages pour arriver à ses fins, sa mère pour rester au domicile jusqu'à ses trente ans notamment. Cela m'a un peu rappelé 1275 âmes, sauf que cette fois le personnage doit plus à sa malice qu'à une chance insolente, lui pour qui la fortune est une vraie "catin". Igniatius J. Reilly est un personnage qui m'a touchée, parce que je le comprends. Pour ce qui est du roman en lui-même il est écrit à la fois en argot et quand il s'agit d'Ignatius en termes tout à faits abscons, il nous donne d'ailleurs de jolis échantillons d'insultes tout à fait innovantes comme "demi-mongolien". Pour couronner le tout l'action se déroule dans la ville de la Nouvelle-Orléans, il n'en fallait pas moins pour me séduire. S'ajoute une palette de personnages secondaires hauts en couleurs : un cacatoès, un balayeur noir avec une langue bien pendue, une comptable mort-vivante... Que vous le lisiez au premier ou au second degré vous rirez sûrement des aventures d'Igniatius perdu dans un monde moderne hostile.

Diothyme
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le 24 mai 2011

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