Betty
8.1
Betty

livre de Tiffany McDaniel (2020)

Prendre le temps nécessaire pour rédiger cette chronique. Choisir les mots, relire les phrases pour être certain de bien faire ressortir toutes les émotions ressenties à la lecture de ce roman à la fois sombre et lumineux. Portée par une écriture poétique d'une grande beauté, l'histoire de l'enfance innocente souillée par le désir malsain des hommes.


Betty, la narratrice, est née en 1954 et jusqu'à ses dix-neuf ans elle va nous raconter la vie de sa famille, ou plus exactement de sa tribu, elle vient d'une famille de huit enfants, nombre d'entre eux sont morts dans leur première jeunesse. Il y a des gens qui ont reproché à Dieu de ne pas en avoir pris davantage. D'autres ont accusé le diable d'en avoir laissé encore trop en vie.


Betty est une P'tite indienne comme aime à l'appeler son papa, elle descend des Cherokees, pendant toute son enfance son père lui a parlé de ses ancêtres pour s'assurer qu'elle ne les oubliera pas. Leur mode de vie traditionnel, la répartition des rôles entre hommes et femmes.


Elle est aussi libre qu'une plante, son papa est une véritable encyclopédie de la nature, il prépare des tisanes et des décoctions, pour lui, même la plus petite feuille a une âme. Il fabrique aussi de l'eau-de-vie de contrebande. Elle apprend plus de choses avec son père que dans cette stupide école où elle subit la bêtise et le racisme des autres enfants. Son papa lui raconte des histoires, où sur la plage on trouve des bocaux remplis du sable qui mesure notre temps sur terre ; des récits où les araignées chantent, dans les nuages habitent les mangeurs de peur, des Attrapeurs cueillent sur l'arbre aux étoiles, des étoiles pas mures.


Sa maman est si belle que les miroirs se lamentent de son absence. Avec ses frères et soeurs, elles partagent la même imagination, elle écrit des poèmes, qu'elle met dans un bocal qu'elle enterre :
« Mon papa vit dans un flocon de neige. Il a froid. Je le vois en hiver seulement. Une fois, j'ai voulu le serrer contre moi. Mais aussitôt il a fondu dans ma main. Mon papa vit dans un flocon de neige. Il a froid. En été, il me manque énormément. »


Leur église c'est la nature, elle offre des fleurs de cerisier et des grillons à la rivière en guise d'offrandes en espérant que l'eau lavera la couleur brune de sa peau. Leur demeure est construite avec du ciel et des étoiles, ils sont attachés à la palpitation de la vie, ils n'ont pas le moindre sou en poche, mais ils ont la richesse du monde en eux. Betty sait qu'un jour elle arrêtera de croire aux récits de son papa, elle provoquera une nouvelle fêlure dans cet homme déjà brisé. La jeune femme qu'elle est en train de devenir sait qu'à la mort de son père ce sera la mort de son enfance. Peu à peu elle va prendre conscience de ce que signifie être une fille et que la chose la plus lourde à supporter dans cette vie, c'est un homme qui est sur toi alors que tu ne veux pas qu'il y soit.


Un portrait magnifique d'une jeune fille sur fond de pauvreté et de racisme, mais aussi un récit basé sur le culte de la nature et des racines ancestrales transmis par un père qui déborde d'amour pour ses enfants. La beauté côtoie en permanence l'ignominie. Un roman enchanteur.

feursy
9
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Créée

le 11 janv. 2021

Critique lue 1.4K fois

10 j'aime

Yves MONTMARTIN

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