Je ne donnerai pas mon avis sur l'entièreté de ce livre : tout simplement parce qu'il ne vaudrait pas grand-chose.

La modestie c'est de reconnaître qu'à vingt et un ans, on n'est loin d'avoir tout compris (ce dont je me rends de plus en plus compte), et il y a des thèmes qui sont abordés dans ce livre envers lesquels je ne pense pas avoir assez de recul pour dire quoi que ce soit - du moins pas encore.

Mais je peux dire que c’était très intéressant (même si on est pas d’accord) : il y a des idées qui sont avancées, des développements desdites idées, tout ça en nous renvoyant à des auteurs, etc. Puis, elle écrit magnifiquement bien, elle écrit avec ses tripes, et c’est émouvant à certains moments.

Je trouve qu’elle est aussi beaucoup plus fine (et plus intéressante) que dans son premier livre (Les Blancs, les Juifs et nous) où - malgré des beaux passages (notamment quand elle parlait de son enfance, « l’aéroport avec ses parent ») et un style littéraire toujours au rendez-vous - elle avait tenu des propos que j'avais trouvé être à la limite de ce qu'on peut appeler (disons-le franchement) des propos réactionnaires (haro sur la « République est une et indivisible »…).

C’était plutôt mal parti pour réunir quoi que ce soit.

Bref, ce livre est l’occasion pour Houria Bouteldja de parler d’Alain Soral (...« un spectre hante la pensée politique depuis les années deux-mille »…) : c’est honorable, elle ose affronter de front ce qu’on peut appeler (elle y compris) le « soralisme ».

Alain Soral a eu une influence dont beaucoup ne mesurent pas l’importance (non, Soral n’est pas qu’un mème internet). Il est l’un des premiers à avoir proposé cette alliance des « beaufs » et des « barbares » : à sa façon. A sa façon, c'est-à-dire en caressant des affects parfois peu glorieux et en flirtant souvent avec le complotisme (c’est quelqu’un qui connaît très bien la pensée de Soral qui dit ça).

Bouteldja, tout en lui reconnaissant du mérite (et à raison, il faut avoir le courage de le dire, et ce courage elle l’a eu) prétend « réussir là où Soral a échoué ». Mais je pense qu’elle se fourvoie totalement.

Parce qu’en fait, elle ne le dépasse pas. Je dirais même qu’elle tombe bien en-deçà de l’auteur de Vers la féminisation. Tout aussi imparfait que ce dernier ait pu être dans sa tentative (et il faut dire qu’il est tombé dans de drôle de thématiques…) Alain Soral invoquait encore, lui, la République et la France comme moyen de « réconciliation »…

Alors que Houria Bouteldja, sur quoi se fonde son projet « d’alliance » ? Comment compte-elle s’y prendre pour que ce « eux » devienne un « nous » (comme elle le dit) ? C’est là que le bât blesse. Houria Bouteldja ne propose pas grand chose, et n’a pas l’air d’y croire elle-même, en réalité.

Parce qu’en vérité, malgré les critiques qu’a pu émettre Houria Bouteldja envers SOS Racisme (et à raison) - cette mascarade créée de toutes pièces par un parti socialiste qui voulait faire oublier 83 et qui n’a jamais aidé concrètement les descendants d’immigrés : tout dans le discours, rien dans les actes (le meilleur livre sur le sujet, à mon avis : Voyage au centre du malaise français: L'antiracisme et le roman national de Paul Yonnet) - cette dernière a toujours fait sienne cette maxime de l’époque de la « marche des beurs » : l’assimilation (ou l’intégration mais qu’importe ici), c’est du néo-colonialisme.

« Rester barbare » comme le dit sa compère, mais il faut une politique du « nous ».

Bref, ce que je vois : un hiatus. Un hiatus dans lequel elle se meut. Il suffit d’écouter son entretien avec François Bégaudeau : elle-meme ne crois pas à la solution qu'elle proposes pour mener à bien son projet.

pascalmercadier
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le 10 juin 2023

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