Ce premier roman de Nicolas Mathieu n'est pas le plus abouti de l'écrivain vosgien à mon avis ; j'ai préféré les deux suivants, et notamment l'exceptionnel "Leurs enfants après eux".
Pourtant, "Aux animaux la guerre" reste un excellent livre, mélange de roman noir choral, de récit initiatique, et de chronique d'un monde disparu, celui des ouvriers spécialisés à la française, salariés d'une même entreprise tout au long de leur vie.
On retrouve les pages de descriptions et d'analyses socio-psychologiques que l'on adore chez Mathieu : la classe moyenne et les paradoxes de la France périphérique, la solidarité ouvrière mélangée à la bêtise prolétaire, les tourments adolescents (avec une belle et longue scène de dépucelage par exemple).
On regrettera seulement que l'intrigue "policière" n'apparaisse pas complètement satisfaisante, à l'image de quelques arcs narratifs bancals ou abandonnés en cours de route (le mafieux russe notamment).
L'ensemble reste cependant une très belle réussite, grâce à des personnages authentiques et des situations marquantes, qui rendent la lecture mémorable, au même titre que le style inspiré de Nicolas Mathieu et son sens aigu des dialogues.