Bon je suis peu emmerdé je dois dire, j'ai dû écrire plus de 200 critiques dans lesquelles je parle de mise en scène, de caméra, d'acteurs, de Michael Bay ( oui il faut toujours le mentionner quelque part ) de réalisation et là il va falloir que je fasse sans toutes mes armes habituelles. Je pourrais peut être pour palier ce manque parler de James Dean et son histoire tragique ou fait que Marlon Brando et Montgommery Cliff auraient pu interpréter les deux personnages principaux mais ça risque d'entacher un peu le propos.

Il y a des livres qu'on apprend à aimer au fil d'une lecture, il y a ceux qui nous accrochent rapidement puis nous trahissent en cours de route pour ne laisser qu'un maigre souvenir, il y a des œuvres difficiles à finir, pénibles par moment mais dont on est fier de voir le bout. Et puis il y a À l'est d'Éden, l'élu, le roman dont on ne voudrait jamais voir la fin, laissant un vide considérable, une perte immense une fois la dernière page tournée. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour rallonger sa durée de vie, je me suis retenu d'enchaîner les pages alors que j'en avais une furieuse envie, j'ai dû me contenir à chaque entrée de chapitre, chaque saut dans le temps, mais je n'avais pas le choix, je savais que je tenais entre les mains quelque chose d'unique et que je ne revivrais probablement jamais cette expérience.

Difficile d'expliquer mon ressenti et de vous le transmettre en quelques mots, À l'est d'Éden est une merveille d'humanisme, à l'optimiste débordant qui dégouline à travers chacun des mots employés par Steinbeck qui aborde pourtant un ensemble de thèmes casse gueule. La philosophie, la place de l'individu, les valeurs morales, l'anomalie héréditaire ou encore la religion pour ne citer que ça sans jamais la moindre condescendance. Dans cette fresque monumentale se déroulant sur trois générations, la narration donne offre un confort phénoménal au lecteur, lui donnant l'impression d'être un voyageur du temps. En anéantissent à chaque page la distance ressentie pour laisser place à une intimité empathique autour d'une multitude tas de personnages que l'on verra évoluer avec un naturel hallucinant dans la simplicité du quotidien ou les complications les plus abjectes, on appréciera de voir ces différentes familles grandir, mûrir, vieillir, mourir. On boira les paroles pleine de sagesses d'un Samuel Hamilton qui devient pour moi l'un des personnages les mieux écrits de la littérature, on méprisera les agissements d'une Cathy qui devient pour moi l'un des personnages les plus diaboliques de la littérature, on aura envie de foutre un coup de pied aux fesses d'un Adam Trask apathique.

East of Eden est au fond une vitrine géante de la vie, injuste, frustrante, parfois répugnante elle n'en reste pas moins unique. Et comme l'a si bien démontré Capra quelques années auparavant, il se dessine à de rares moments des profils de personnalités fabuleuses qui change les perspectives ce que Steinbeck met en lumière avec une aisance et un savoir faire magistral. Métaphore biblique également par son titre évocateur, il ne cessera de jouer avec ses codes pour arriver à l'un des plus beaux passages du bouquin. Dites vous bien que si vous avez aimé le film d'Elia Kazan, plutôt réussi au passage, vous allez être subjugué par l'immense face cachée que la partie visible de l’iceberg pouvait laisser paraitre. À titre de comparaison simpliste, ce serait un peu comme regarder Le Retour du Roi directement, alors foncez vite rejoindre la Californie du début du XXème siècle, vous allez faire un fantastique voyage qui ne pourra vous rassasier seulement lorsque vous aurez tourné cette dernière page.
Kobayashhi
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le 6 août 2014

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