Si je n'ai jamais réussi à être autant emballée que les foules quant à Mathias Malzieu, j'avais tout de même trouvé que le bonhomme s'améliorait de livre en livre, et c'est donc avec un enthousiaste sincère que j'entamais son dernier.

Hélas c'est plutôt à une régression qu'on assiste ici, tant Métamorphose en bord de ciel ne propose rien de nouveau ni à l'aune du paysage littéraire actuel, ni au sein de l'œuvre même de son auteur. Que Malzieu rebrasse ses thèmes habituels n'est pas gênant en soi (tous les auteurs ont leurs obsessions) mais qu'il ne les décline pas différemment donne un effet de redite, voire d'essoufflement pour qui aura lu ses ouvrages précédents.

Le vrai problème, c'est que cette Métamorphose... ne prend absolument aucun risque, à aucun point de vue. Ni dans sa narration (ultra linéaire, maladroite et peu organique quand il s'agit de passer sur un autre point de vue) ni dans son histoire (tout est dans la 4ème de couv).
On peut croire un moment que le récit prend son temps, mais c'est juste qu'il se dirige vers une issue trop évidente pour avoir véritablement quelque chose à raconter, et se contente ainsi d'étirer le peu de matière narrative. Les personnages sont unidimensionnels et n'existent pas en dehors de l'intrigue même, qui est plus que légère. Le petit Victor semble ne servir qu'à faire pleurer dans les chaumières, Endorphine est contenue toute entière dans son nom... Quant au héros, il souffre du même syndrome que le Jack de la Mécanique du Coeur : on y retrouve beaucoup, beaucoup trop l'auteur. Tom Cloudman n'est qu'un énième avatar de Malzieu qui pense et parle comme lui, d'où une forme foisonnante mais qui aurait mérité d'être resserrée.

Car le livre est très mince, littéralement comme littérairement, et peine donc à supporter le style se voulant débordant de l'auteur. De sorte que ce dernier opus ne propose rien de plus, comme finalement le tout premier, qu'un enchainement de jolies phrases, d'images plus ou moins évocatrices... qui finissent par jouer contre le livre. L'auteur en fait des tonnes et on a vite le sentiment que toutes ces fulgurances ne servent qu'à masquer le vide, l'absence de vrai projet romanesque. Malzieu se contente d'enchaîner les images plutôt que de créer un véritable style, une appropriation de la langue qui ne tenant ici qu'au vocabulaire, finit par être plus fatigante que poétique.


Pour la 4ème fois, le sentiment qui demeure le plus persistant est celui d'avoir lu une première ébauche, un texte qu'un éditeur aurait fait retravailler à tout écrivain qui n'aura pas déjà été célèbre. Et c'est d'autant plus dommage que la plume de Malzieu est intéressante et prometteuse, de ne jamais le voir approfondir ses démarches. Le cerveau de ce monsieur mérite toujours le détour, mais il serait peut-être temps de cesser de l'encenser au premier brouillon et d'exiger un peu plus de travail (...)
Julie_D
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le 20 oct. 2011

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Julie_D

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