Se lancer dans la lecture du cycle La Roue du Temps revient à entamer un voyage littéraire aussi remarquable que long. Et il ne semble pas exagéré de le qualifier également de lent.


Si Robert Jordan s’est laissé emporter par sa plume à plus d’une reprise, il faut dire que cela lui aura permis de créer un monde crédible et incroyablement vaste, aux jeux et enjeux politiques captivants, aux us et coutumes variés et cohérents selon les régions. C’est également à travers ses personnages, masculins et féminins, vivants ou décédés, qu’il se sera le plus amusé. Cela se ressent à la lecture, il aimait ces personnages. Il les aimait tellement qu’il en a parfois trop fait, trop dit.


Et certains passages se sont rallongés à l’excès, au point de jouer avec la patience du lecteur.


Cela ne doit pas effrayer. Mais il vaut mieux en avoir conscience pour mieux apprécier ce cycle. Lire LROT, c’est aussi aller au-devant de passages parfois redondants parfois ennuyants. Il ne s’agit pas de la majorité du récit, si cela peut rassurer.
Aussi, certains tics vont se développer au fil des pages et en lasser certains. Ça ne dérange pas lorsqu’on lit un chapitre ou deux avant de dormir. C’est fatiguant lorsqu’on lit ce roman plus d’une heure.


Lorsque Bragelonne a annoncé se lancer dans l’aventure en éditant l’intégralité de la série sur la base d’une nouvelle traduction et d’une tomaison respectueuse de l’œuvre originale, je n’ai pas pu m’empêcher de pousser un soupir de soulagement. Tous ceux qui, comme moi, avaient déjà entamé cette lecture il y a plus de dix ans ont dû entrevoir le bout du tunnel tellement la traduction précédente et la scission des tomes avaient donné un goût de cendres à cette lecture, sans compter les retards de parution. J’avais fini par jeter l’éponge.
Ayant patienté quelques années que paraissent plusieurs tomes, version Bragelonne, j’ai repris ma lecture depuis le début pour mieux savourer l’aventure.


Première remarque, la traduction est excellente. Fidèle à la tradition, la maison Bragelonne a soigné également la couverture et la qualité du papier. Les livres ne sont pas donnés mais valent leur prix.


S’agissant de ce premier tome, L’OEil du Monde, il convient de préciser qu’il ne s’agit pas du plus trépidant. Longue mise en place des différentes pièces sur l’échiquier du monde créé par Jordan, ce volume est une délectable introduction à l’univers, parsemée de moments épiques dans un océan de dialogues et descriptions. Il faut se montrer patient jusqu’à arriver aux dernières pages et comprendre que l’aventure va prendre une ampleur considérable.


Il y a une alternance entre gravité et légèreté qui, à mon sens, rend ce livre agréable à lire, en tant que tome introductif. Si l’on comprend rapidement que l’avenir du monde est particulièrement sombre, les facéties et chamailleries des natifs du Champ d’Emond les rendent rapidement sympathiques au lecteur.


Sans que l’on s’en rende compte, le monde et son histoire s’impriment dans notre tête, les enjeux se révèlent, les liens se tissent. Beaucoup de personnages importants pour la suite sont croisés et il est réellement enthousiasmant de s’en rendre compte en redécouvrant l’ouvrage.
Robert Jordan savait très bien ce qu’il faisait. Dommage qu’il ne résistait jamais à l’envie de créer des scènes aussi bien écrites qu’inutiles.


Le tout est incroyablement cohérent pour un premier tome, surtout si l’on sait ce qui va suivre. Le final de ce roman est notable, car il démontre parfaitement ce que Jordan sait faire lorsqu’il veut donner un souffle épique à son récit. Le lecteur perçoit comme il s’était retenu, jouant avec sa propre frustration de ne pouvoir en écrire plus, plus tôt. Mais le gain pour le lecteur est énorme car c’est un ouragan qui s’abat sur lui dans les derniers chapitres.


Après un tel final, l’histoire aurait pu s’arrêter là. Le roman se suffisait à lui-même. Mais Jordan réservait le meilleur pour la suite avec l’entame de La Grande Quête.


C’est un livre que tout amateur de fantasy devrait lire ou essayer de lire. La longue mise en place est rebutante pour certains. Je l’ai au contraire appréciée, à raison d’un chapitre ou deux par jour. Et lorsqu’on sait ce que suit, on se dit que ça vaut le coup de souffrir un peu durant les séquences trop lentes.

Flibustier_Grivois
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Créée

le 5 oct. 2016

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