Intention louable, résultat désastreux

Attention, spoilers en pagaille.


C'est bien joli de vouloir redorer le blason des femmes scientifiques.
Mais le faire avec une gamine aussi insupportable que cette Matilda, c'est s'enfoncer un énorme pieu dans la jambe (au lieu d'une épine dans le pied) dès le départ.


Le roman est écrit à la première personne, alors autant vous dire qu'on est totalement dans la tête de cette préado de 12 ans, persuadée qu'elle est géniale, qui n'aspire qu'à une chose (être célèbre) et passe beaucoup de temps à mépriser ceux qui l'entourent. Tout le monde est stupide, inintéressant, faible à côté d'elle. Même sa grand-mère au début de l'aventure en prend pour son grade.
En tant que lectrice, j'attendais avec impatience que quelqu'un lui rabatte son caquet comme il se doit, mais en réalité, sa créatrice avait autre chose en tête, obnubilée par sa quête de défense des femmes injustement oubliées.
La leçon faite aux petites lectrices ? Peu importe que vous ayez un égo démesuré et que vous soyez méprisante, tant que vous pouvez vous vanter d'avoir réinventé le couteau suisse, vous serez excusées de tout !
Parce que, c'est bien connu, les personnes dotées d'intelligence n'ont pas le choix : elles ne peuvent qu'être condescendantes et prendre les autres de haut pour montrer leur grande valeur au monde (sarcasme).


Matilda prend vaguement conscience à un moment (un moment qui dure un paragraphe ou deux, grand max) que bon elle est dans la mouise quand même, et peut-être qu'elle n'est pas "si" forte que ça... Mais la romancière s'arrange bien entendu pour balayer toutes les difficultés avec de merveilleux deus ex machina en chaîne.


Même en mettant de côté le manque de sympathie que Matilda a suscité chez moi, le récit a des faiblesses aussi profondes qu'une faille abyssale. Un comédien très connu en France depuis des années, qu'on prend pour un Français depuis le début de sa carrière, mais qui en fait ne parle pas un mot de français correctement (what the fuck ?) / Un arrêt avec une montgolfière sur le haut de la Tour Eiffel, de laquelle on descend à l'aise Blaise / des adultes qui n'agissent pas comme des êtres humains mais comme des bouts de carton-pâte sans cervelle (à commencer par les forces de l'ordre françaises, les parents de Matilda, le vieux professeur qui va recevoir le prix Nobel, etc... En même temps, s'ils agissaient de façon cohérente, l'aventure de Matilda ne durerait pas longtemps...)
C'est pas parce qu'on écrit pour la jeunesse qu'on peut se permettre de bâcler autant ses personnages et la logique même d'une intrigue.


Et le pompon, c'est la faiblesse de l'élément déclencheur, matraqué pour bien que ça rentre, des fois qu'on aurait pas compris l'intention du bouquin : il se trouve qu'au tout début de l'histoire, Matilda, 12 ans, ramène à un concours scolaire une invention de son crû, une invention qui a semble-t-il demandé beaucoup de dextérité et de technique. Un truc qu'on imaginerait pas sorti du garage d'un enfant, quoi.
Et il se trouve aussi que ce n'est pas elle qui reçoit le prix du concours, parce que (je cite le membre du jury), elle n'est "qu'une petite fille" : personne ne la croit quand elle dit avoir fabriqué elle-même son invention.
Je me suis mise à la place du juré. Je vois un ou une gosse de 12 ans ramener un truc de haute technologie, je me dis simplement qu'il ou elle a triché.
C'est l'âge qui me fait tiquer, et pas son genre.
Comme tout le monde.
Ben ce qui choque Matilda, voyez, ce n'est pas l'injustice due à son âge. Non non. Elle, ce qu'elle retient mystérieusement, c'est qu'on lui a dit qu'elle était une "fille", et pas qu'elle était "petite". Le message de la romancière était si important, qu'elle a décidé de l'introduire au forceps dans son texte, avec autant de finesse qu'un pachyderme dans un magasin de porcelaine.


Je suis d'autant plus déçue que j'étais contente de découvrir un texte qui fasse la part belle aux scientifiques. Mais pas comme ça. Pas avec une héroïne détestable et un récit au rabais.


Ma note reflète tout de même ce que j'ai apprécié : le travail sur les illustrations et la présentation des scientifiques (toujours utile, même si on se serait facilement passé de propos sexistes du genre "on pardonne à Tim Berners Lee de ne pas être une femme parce qu'il a inventé Internet" - nul doute que ça fera s'esclaffer toutes celles et ceux qui pensent que l'égalité des sexes passe par le fait d'inverser des tournures machos pour faire avancer les choses...)

Linu
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le 20 août 2018

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