Cover Une initiation à l'art acousmatique

Une initiation à l'art acousmatique

Introduction à la musique acousmatique : https://www.youtube.com/watch?v=J2vNNW60yY8

La musique concrète — en tant qu'art acousmatique — est un genre musical permis par les techniques électroacoustiques : de l'enregistrement à l'invention de sons, quels qu'ils soient, jusqu'à leur ...

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19 albums

créee il y a presque 7 ans · modifiée il y a 6 mois

L'Œuvre musicale
8.9

L'Œuvre musicale (1990)

Sortie : 1990 (France). Musique Concrète

Compilation de Pierre Schaeffer

Annotation :

PIERRE SCHAEFFER
"Cinq Etudes de Bruits" (1948)

Les 5 études de bruits constituent les œuvres originelles de la musique concrète. Chacune porte un titre «programmatique» :
- Étude n°1 imposée ou Étude aux chemins de fer
- Étude n°2 déconcertante ou Étude aux tourniquets
- Étude n°3 concertante ou Étude pour orchestre
- Étude n°4 composée ou _Étude au piano
- Étude n°5 pathétique ou Étude aux casseroles.

On y trouve en germe les principales caractéristiques de la musique concrète: utilisation de sons issus de la vie quotidienne, juxtaposition a priori incongrue d’enregistrements hétéroclites, jeu sur le son par accélération et/ou inversion. Plus que tout, ces études reflètent les interrogations de Schaeffer sur la manière de passer du sonore (qui relève de la perception) au musical (qui dépend d’une structuration par le compositeur). Si l’amélioration du magnétophone va peu à peu conférer aux compositeurs une plus grande liberté de manœuvre, le premier support utilisé par ceux-ci est le disque souple sur lequel sont enregistrés sons et séquences. Pratiquement, les premières tentatives de musique concrète consistaient en un jeu simultané de plusieurs de ces disques sur différentes platines, chacun pouvant être interrompu et/ou repris à n’importe quel endroit, inversé par le changement de sens de rotation de la platine ou encore accéléré lors du mixage. L’enregistrement et l’écoute réflexive participent dès lors pleinement au processus de composition.

L’usage de ce dernier terme n’est pas innocent. En effet, si on prend par exemple l’Étude aux chemins de fer, on constate très nettement une organisation du matériel sonore qui rappelle des formes plus classiques. Sa première partie est un peu conçue comme un thème et ses variations où les bruits de train restent reconnaissables. Un deuxième « mouvement » utilise le même matériau, mais transformé, empêchant ainsi de l’identifier aisément. Enfin, le premier thème est évoqué dans une dernière section.

L’Étude pathétique est peut-être la plus fascinante. Y sont juxtaposés la voix de Sacha Guitry, les bruits d’une péniche, un harmonica et un orchestre balinais de gamelan. Schaeffer découvre que n’importe quel son, noble ou pas, peut servir de base à la musique. Il écrira : «La péniche des canaux de France, l’harmonica américain, les prêtres de Bali se mettent miraculeusement à obéir aux dieux des tourne-disques ; ils forment un ensemble savant.»

(Alexandre Galand)

https://www.youtube.com/watch?v=CTf0yE15zzI

Des années 50

Des années 50 (1998)

Sortie : 10 août 1998 (France).

Compilation de Pierre Henry

Annotation :

PIERRE SCHAEFFER & PIERRE HENRY
"Symphonie pour un Homme Seul : Erotica" (1950)

"L'homme seul devait trouver sa symphonie en lui-même, et non pas seulement en concevant abstraitement la musique, mais en étant son propre instrument. Un homme seul possède bien plus que les douze notes de la voix solfiée. Il crie, il siffle, il marche, il frappe du poing, il rit, il gémit. Son cœur bat, son souffle s'accélère, il prononce des mots, lance des appels et d'autres appels lui répondent."

L'idée était en fait plus radiophonique (ou littéraire) que musicale. Schaeffer était précisément un homme de radio – mais un homme de radio gauchi par sa rencontre avec la musique concrète. Cependant Schaeffer n'était pas un créateur de sons. Aussi bien les Études de bruits de 1948, que la Suite 14 avaient été composées avec des sons trouvés plutôt qu'avec des sons façonnés. Et précisément il recherche à ce moment-là quelqu'un qui puisse l'aider à créer de la matière première pour sa symphonie.

La rencontre de Pierre Schaeffer avec Pierre Henry, en 1949, est, de ce point de vue, providentielle. Pierre Henry est, lui, un inépuisable créateur de sons. Il avait déjà entrepris à cette époque des recherches personnelles sur des lutheries expérimentales. Il amenait avec lui la technique du piano préparé.

Les rôles se répartirent rapidement : Schaeffer se tenait dans la cabine du studio, pendant qu'Henry travaillait du côté du micro. Le premier faisait écouter au second des séquences ou des sons qu'il projetait d'utiliser. Henry devait y répondre par des improvisations au piano préparé. Cette manière de travailler transparaît dans l'œuvre, qui en garde, par endroits, une allure concertante.

La matière première contient essentiellement du piano préparé, des éléments vocaux (voix parlées, rires, sifflements... ) à quoi s'ajoutaient des éléments divers comme des pas, des souffles, etc. Les voix parlées sont le plus souvent passées à l'envers, afin de donner à entendre une poésie de l'intonation qui ne soit pas parasitée par le sens des mots. Le seul mot compréhensible de toute la Symphonie est "Absolument !" , répété en boucle, autour duquel est construit le neuvième mouvement. Est également fait usage des voix accélérées et ralenties.

La version primitive est faite de 22 mouvements, ultérieurement réduite à 12 mouvements. C'est cette version que l'on connaît aujourd'hui. C'est aussi celle qui fut utilisée par Béjart pour son ballet.

https://www.youtube.com/watch?v=V8dCdQ3iTrc

Arcana / Intégrales / Déserts
8.9

Arcana / Intégrales / Déserts (2001)

Sortie : juin 2001 (France).

Album de Edgard Varèse, Narodowa Orkiestra Symfoniczna Polskiego Radia w Katowicach et Christopher Lyndon‐Gee

PiotrAakoun a mis 10/10.

Annotation :

EDGARD VARESE
"Déserts" (1954)

Depuis ses débuts de compositeur, vers 1915, Varèse était certain que l'électronique et les machines accompagneraient l'homme à la recherche d'un nouveau langage musical. Pensée visionnaire car il fallut attendre la fin des années 40 et l'invention de la musique concrète d'une part, et celle, de la musique électronique d'autre part, pour que naisse une musique ne venant pas d'un instrument ou d'une voix mais d'une autre provenance. La musique concrète consistant en des sons et bruits enregistrés qui sont ensuite compilés, mélangés, mixés et réarrangés tout d'abord sur disque souple puis sur la bande magnétique à partir de 1951. La musique électronique emploie, elle, des sons "artificiels", qui n'existent pas dans la nature grâce, à l'époque, au générateur de fréquence et au modulateur en anneaux, aujourd'hui remplacés avantageusement par l'ordinateur.

Presque immédiatement après leur naissance, ces musiques fusionnèrent pour former la musique acousmatique (depuis le début des années 70 on préfère ce terme à celui d'électroacoustique) qui, tout en assumant l'absence d'instrumentistes sur scène, offrait un espace sonore et musical élargi. La question était alors posée de savoir comment convaincre le public de se déplacer puisque l'enregistrement de l'œuvre fixée sur un support audio suffisait seul à la faire entendre sur des haut-parleurs. C'est alors que, dans les années 1950, naquirent divers dispositifs de spatialisation plus ou moins complexes et que, dans le même temps, des œuvres de musique "mixte" virent le jour, mêlant parties instrumentales jouées en direct et partie électroacoustique fixée sur support.

Varèse, dont les idées et les œuvres instrumentales étaient celles d'un véritable précurseur, avait pressenti cela 30 ans auparavant.

Déserts est l'une des toutes premières œuvres du genre mixte. Varèse acheva de composer la partition en 1954, pour 14 instruments à vent, 5 percussions, 1 piano et un dispositif électro-acoustique. Le compositeur organise des interpolations de "son organisé", qui interviennent à 3 reprises et alternent avec les instruments traditionnels. Ceux-ci jouent une musique vive, dure, parfois brutale, furieuse et mystérieuse.

Pour les bruits primitifs des interpolations (essentiellement des bruits urbains ou d'usines) Varèse dut demander de l'aide à un pionnier de la musique concrète, Pierre Henry, pour "mélanger" les bruits des bandes.

https://www.youtube.com/watch?v=iRlCnMKa2bU

Gesang Der Jünglinge - Kontakte
8.2

Gesang Der Jünglinge - Kontakte (1962)

Sortie : septembre 1962 (France). Experimental, Electronic, Classical

Album de Karlheinz Stockhausen

Annotation :

KARLHEINZ STOCKHAUSEN
"Gesang der Jünglinge" (1956)

Cette œuvre emploie des sons sinusoïdaux, produits par des moyens purement électroniques, et des sons chantés qui s'articulent en un vaste ensemble allant de la parole nettement intelligible (citant le troisième chapitre du Livre de Daniel) aux bruits et aux sons complexes.

Stockhausen superpose la voix d'un unique jeune garçon à elle-même, afin de produire de véritables contrepoints vocaux d'une grande richesse. La construction générale est linéaire et les échelles de micro-intervalles largement utilisées. Gesang der Jünglinge est un des tout premiers exemples réussis de synthèse entre une musique purement électronique (réalisée à partir de générateurs sinusoïdaux) et une musique « concrète » (faite d'une voix enregistrée puis retravaillée).

La partition prévoit pour la diffusion cinq groupes de haut-parleurs disposés tout autour des auditeurs. Cette répartition spatiale du son répond – comme dans les autres pièces électroacoustiques de Stockhausen – à un souci éminemment structurel de la composition (jouant notamment sur la couleur, les changement de rythme ou de dynamique) et non à une simple extension des paramètres de la perception. La direction du son, son évolution dans l'espace exercent donc une action déterminante sur la forme même de l'œuvre qui appartient à ce que le compositeur nomme une forme statistique dans laquelle il essaie de « médiatiser des ensembles collectifs – organisés selon les lois des grands nombres – avec des groupes et des éléments particularisés. Le problème est de concevoir et de faire percevoir les mêmes éléments de manière qu'ils paraissent, selon certaines conditions, comme un ensemble collectif (c'est-à-dire sous forme de complexe déterminé statistiquement, de phénomène de masse) ou bien, de manière qu'ils soient perçus comme groupe ou en tant qu'éléments particularisés. » (Stockhausen)

d'après Patrick Szersnovicz

https://www.youtube.com/watch?v=UmGIiBfWI0E

Iannis Xenakis

Iannis Xenakis (2003)

Sortie : 2003 (France). Contemporary, Electronic, Classical

Album de Iannis Xenakis

Annotation :

IANNIS XENAKIS
"Concret PH" (1958)

En 1958, a lieu l’inauguration du pavillon Philips de l’exposition universelle de Bruxelles, élaboré par Le Corbusier et Iannis Xenakis. L’antre du pavillon était constituée d’environ trois cents haut parleurs, fixés sur les parois courbes, et placées de telle sorte que chaque spectateur puisse apprécier l’effet produit par la pièce musicale, quel que soit l’endroit où il se situait. Iannis Xenakis crée alors une interlude sonore incitant le spectateur à se mouvoir dans l’édifice avant et après la diffusion de la pièce de Varèse. Si bien que, “le public “participe comme une foule”, les spectateurs sont debout, et s’inscrivent dans la reproduction d’un flux, constituant eux-mêmes le mouvement du projet”. En effet, la jeune génération de compositeurs souhaitait alors bouleverser le concert en tant que théâtralisation socioculturelle et s’orienter vers un espace autre que celui de la salle de concert à l’italienne, c’est-à-dire, précisément, vers des possibilités spatiales mettant en scène, non seulement l’œuvre, mais aussi le public. En somme, dans le cas du Pavillon Philips, le public, debout, actif, était incité à forger lui-même l’identité de l’œuvre interdisciplinaire.

Iannis Xenakis note les conditions très particulières pour lesquelles la pièce Concret P.H. a été conçue : Concret P.H. "servait de mise en route du public au spectacle du Poème électronique". En outre, le travail que fit Iannis Xenakis, architecte et musicien, sur la spatialisation du son de la pièce musicale, tend à réaliser une "émanation réciproque de l'architecture et de la musique, sur le plan structurel et sur le plan de la matière". Selon lui, les possibilités de spatialisation du son utilisées pour la diffusion du son, participaient à la réalisation d'une relation étroite entre la conception architecturale du Pavillon Philips et la conception
de la pièce musicale.

https://www.youtube.com/watch?v=UDP8H5IK5nw (Concret PH)
https://www.youtube.com/watch?v=R-R3F3ZVbi8
(Poème électronique, Edgard Varèse)

Mix 01.0
9.2

Mix 01.0 (1999)

Sortie : 7 décembre 1999 (France). Electronic, Musique Concrète, Experimental

Compilation de Pierre Henry

Annotation :

PIERRE HENRY
"Variations pour une Porte et un Soupir" (1963)

Cette œuvre a été composée sur magnétophones avec des enregistrements réalisés par le compositeur à partir de trois corps sonores : la bouche pour l'émission de soupirs (inspirés/expirés), des portes dont il tire une grande variété de grincements et un flexaton.

Au départ, donc, une porte, celle du grenier d'une maison. "Pierre Henry ne se précipite pas pour l'enregistrer. Il s'exerce à en jouer, il fait comme au Conservatoire, ses "deux heures de porte" par jour. Puis il installe devant elle un micro, relié par un long câble au magnétophone contrôlé depuis le rez-de-chaussée. Alors il enregistre la porte systématiquement, "exhaustivement", déjà comme une musique, il la fait parler et crier de toutes les manières : tantôt avec de tout petits gestes du poignet, tantôt en la secouant comme un furieux, l'enfourchant, la faisant hurler." (M. Chion).

Quant au soupir du titre, il est double. Il est d'une part un "vrai" soupir : une prise de son d'une inspiration et d'une expiration, et d'autre part un soupir dit "chanté" et qui est en fait un son provenant d'un flexaton. (Il s'agit d'un instrument fait d'une lame d'acier flexible, fixée à un manche, et frappée par deux boules de bois retenues par des sortes de ressorts. Le son est clair et est surtout accompagné d'un glissando caractéristique dû aux flexions de la lame résonante. Si bien qu'on peut l'entendre comme des "cloches lointaines" ou des "hululements de chouettes".

Les registres de la porte sont très riches et très étendus; ils vont du grain isolé (craquement), du son granuleux grave et ultra grave jusqu'aux extrêmes aigus acérés et lisses.

Les Variations posent la question de l'instrument de musique. La porte en devient un, produisant à travers la permanence de son "timbre de porte" une collection de sons différents qui en sont autant de variations en grains, allures, glissandi, ... Il faut préciser ici qu'à aucun moment le compositeur ne "triche". Il joue de la "porte sur gonds" et n'utilise à aucun moment des sons dérivés, comme le seraient des sons de percussion faits avec la porte. Enfin, le caractère glissé, ou tout au moins inconstant, de ces sons de porte, rend toute détermination scalaire des hauteurs impossible. Le flexaton participe de cette indétermination grâce à sa sonorité particulière sans cesse mouvante.

https://www.youtube.com/watch?v=aHgKZgNtsEk
https://www.youtube.com/watch?v=oOzlTvNlJiM (extrait du ballet)

Camera oscura; Espaces inhabitables

Camera oscura; Espaces inhabitables (2000)

Sortie : 2000 (France). Electronic, Musique Concrète

Album de François Bayle

Annotation :

FRANCOIS BAYLE
"Espaces Inhabitables" (1967)

Cette musique est considérée par son auteur comme sa "vraie première œuvre".

Espaces inhabitables pose le problème des sons "anecdotiques" ou "figuratifs" et de leur rapport avec les sons "abstraits". Les premiers magnétophones stéréophoniques portables venaient de faire leur apparition, et une partie des matériaux utilisés pour l'œuvre provient de prises de sons en extérieur. Notamment : coups sur des coques de navire sur un chantier naval, klaxons dans le radôme de Pleumeur Bodou (fonctionnant comme un réflecteur de sons), divers bruits marins, pas sur des graviers, etc. Ce matériel fut complété par des prises de sons de cordes, de cithare et de piano.

Le travail sur la référence causale des sons permet dans cette pièce, non pas l'évocation pittoresque ou littéraire, mais au contraire son dépassement au profit d'une attention à l'avènement du musical à travers eux. L'écoute de "la nature" n'est pas ici recherche d'impressions, mais de lois sur lesquelles prendre appui.

Ainsi "Jardins de rien" est un mouvement où les sonorités sont pensées selon le critère énergétique allant du fluide au solide, et leur composition envisagée selon des principes de mutations allant de l'un à l'autre. A l'ordre du solide appartiennent : les notes de cithare, les attaques résonance en général, les figures chromatiques descendantes. A celui du fluide appartiennent : les bruits de graviers foulés, les bruissements de vagues, les mouvements brusques se dissolvant.

"Géophonie" : travail sur des oppositions entre des "sons fusants" et de violentes percussions résonances; "Hommage à Robur" : progression du flou au net, du sourd au précis; "Le Bleu du ciel" : constante équivoque mélodique et dessin repérable bien que masqué par des harmoniques; "Amertumes" : suite et reprise du premier mouvement.

"Espaces inhabitables, c'est tout simplement un propos théorique : celui d'explorer une autre géométrie que celle de la gravitation et des rapports d'échelle habituelle des sonorités normales – c'est à dire d'avoir un champ plus large qui autorise des modalités énergétiques en mutation, et donc un espace qu'on ne connaît pas. C'est pourquoi j'ai dit "inhabitable" " (François Bayle).

Cette démarche fait écho aux conceptions développées par Paul Klee dans sa Théorie de la Figuration, que Bayle connaissait dès cette époque.

https://open.spotify.com/album/5dc2DkOTve0HoNoWVf8LJj

Presque rien
8.8

Presque rien (1995)

Sortie : 1995 (France). Non-Music, Field Recording, Electronic

Album de Luc Ferrari

PiotrAakoun a mis 10/10.

Annotation :

LUC FERRARI
"Presque Rien n°1 : Le Lever du Jour au Bord de la Mer" (1970)

Bruits de ressac, formes sonores indistinctes, caquètement d’une poule, braiment d’un âne au loin… On sent qu’il fait encore nuit. Le moteur d’un bateau est mis en marche, une cigale frotte ses élytres et s’arrête. On est d’emblée fasciné par la transparence et l’ampleur de l’espace dans lequel tous ces éléments prennent place et s’articulent. Plusieurs cigales se sont mises de la partie: le soleil a commencé de se lever… Pour réaliser cette «restitution réaliste la plus fidèle possible d’un village de pêcheurs qui se réveille», il a placé ses micros au bord de la fenêtre de la maison qu’il habitait, face à la Mer Adriatique. Viendront plus tard, en studio, les subtiles retouches qui porteront la gradation de ce lever du jour à un «plus vrai que le vrai» musicalement magnifié.

Des enfants s’appellent et leurs voix résonnent en échos, une voiture passe, une femme éclate de rire et chante une complainte, tandis que les cigales s’emparent peu à peu de tout l’espace sonore en une musique «répétitive» absolue.

Brusquement, tout s’arrête: c’est la fin de la bande.

Tout à la fois délicieusement panthéiste et, en ce demi-siècle de destruction progressive de notre environnement naturel, ironiquement provocateur, l’éclair de pensée que constitue le titre de cette œuvre est en lui-même, avant que le moindre son n’ait encore retenti, la première manifestation d’une inspiration poétique peu commune. La réussite de cette pièce de musique électroacoustique sera de maintenir, tout au long de son déroulement, l’attention de l’auditeur en conjuguant une apparente liberté sonore d’événements imprévisibles avec l’architecture harmonieuse d’une polyphonie secrètement ordonnée.

https://www.youtube.com/watch?v=aKq-LRYv1Q4

De natura sonorum
8

De natura sonorum (1975)

Sortie : 1975 (France). Electronic, Musique Concrète

Album de Bernard Parmegiani

PiotrAakoun a mis 10/10 et a écrit une critique.

Annotation :

BERNARD PARMEGIANI
"De Natura Sonorum" (1975)

Suite de douze mouvements, constitués en deux séries de six.

La première série se compose de six mouvements dont la plupart mettent en relation, généralement par couple, des sons électroniques avec des sons instrumentaux et plus rarement concrets.

"Incidences/réso­nance" met en jeu d’une manière contrôlée des résonances “par sympathie” d’événe­ments sonores d’origine concrète avec des processus qui permettent l’entretien (pro­longation d’un son) variable de sources électroniques. Les “incidents” ici sont oppo­sés aux “accidents” ponctuels du second mouvement.

"Accidents/harmoniques" : dans ce second mouvement, des événements parfois très brefs d’origine instrumentale viennent modifier le timbre harmonique du continuum qu’ils entrecoupent ou sur lequel ils se superposent. Par ailleurs le jeu de hauteurs réduit au minimum créé une zone d’attention à d’autres phénomènes géné­ralement masqués par la forme mélodique appliquée au jeu instrumental.

"Géologie sonore" s’apparente au survol d’un terrain dont les différentes couches “sonores” émergeraient les unes après les autres à la surface. L’électronique et l’instrumental en viennent à se confondre par fusion vus de si haut …

"Dynamique de la résonance" est une exploration microphonique d’un seul corps sonore mis en résonance par différentes formes de percussion.

"Étude élastique" confronte entre eux des sons dus à différents “touchers” de peaux élastiques ou instrumentales (baudruches, zarb) ou cordes vibrantes et différents gestes instru­mentaux comparables à ce “toucher” mais réalisés par l’intermédiaire de processus électroniques générateurs de bruits blancs.

"Conjugaison du timbre", dernier mouvement de cette série, utilise la même matière pour appliquer des formes rythmiques sur un continuum dont le timbre est en continuelle variation.

La 2ème série de mouvements fait davantage appel au concret et à l’électro­nique cependant que l’instrumental y appa­raît de façon très éphémère.
(la suite de l'analyse :
http://brahms.ircam.fr/works/work/36893/)

https://www.youtube.com/watch?v=c_JHjUFfOs8

Erosphère
8.2

Erosphère (1990)

Sortie : 1990 (France). Electronic, Musique Concrète, Avantgarde

Album de François Bayle

PiotrAakoun a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

FRANCOIS BAYLE :
"Erosphère III : Toupie dans le Ciel" (1979)

"Toupie dans le Ciel" fait partie du cycle "Erosphère" fait de trois grandes parties, précédées et suivies de trois " Eros " (bleu, rouge et noir), courtes pièces composées sur des sons d'ordinateur, à partir de la voix humaine, comme de belles flammes électroniques sveltes et insaisissables qui tourbillonnent dans un vent mystérieux.

Érosphère repose sur l'idée d'une grande arche qui partirait des choses terrestres (notre environnement sonore quotidien, notre réalité sociale, technologique et urbaine – ondes parasites, messages, monde policier... ), pour aboutir à un grand arc-en-ciel perdu dans les nuées... "Nous vivons dans l'érosphère, le désir est notre destin."

"La substance de cette musique extraordinaire a été élaborée à partir d'un réel son de toupie, d'un pattern mélodicorythmique simple et de flux électroniques. Il y a ici une inversion des modes de jeux traditionnels de la musique. Alors que les hauteurs et le balancement rythmique restent imperturbablement les mêmes – ce qui peut faire entendre cette musique comme "minimale" – les variations (accentuations, désynchronisations, variations de densités, de mobilités, etc.) créent un bougé incessant, rendant la matière sonore quasi vivante, se réaffirmant toujours, toujours la même, toujours renouvelée. Notre écoute se trouve prise dans un nid sonore, délimité dans le grave par une pédale roulante, et dans l'aigu par un roucoulement ininterrompu, volubile et irisé, qui enfle et décroît en continu.

Mais si cette musique est une berceuse, c'est de celle d'un tigre dont il s'agit ! Cette protection recèle une férocité et une menace d'autant plus puissante qu'elle ne se montre pas au grand jour. Elle n'est interrompue que par de grands sons en arche frottés-roulés, qui passent lentement, et déclenchent parfois des déflagrations électriques qui s'élèvent en zigzags. Au cours de ces failles sonores, (que l'auteur nomme des "ciels"), "tout à coup de la liberté, de la légèreté surgit."

(François Bayle)

https://www.youtube.com/watch?v=tyCfJbJ8ZSI

Études pour Kafka

Études pour Kafka (2009)

Sortie : 2009 (France).

Album de Francis Dhomont

Annotation :

FRANCIS DHOMONT
"Chroniques de la Lumière" (1988)

Chroniques de la lumière est une écoute impressionniste d’événements visuels, une rêverie personnelle de la lumière, sur une idée de l’artiste montréalais Luc Courchesne. Évocation de phénomènes lumineux, de rayonnements naturels ou de multiples artefacts, l’œuvre complète comporte trois mouvements: Miroitements, Artifices, Météores; ou, si l’on préfère, Adagio, Allegro, Presto-Finale. Miroitements s’inspire de mutations progressives de la lumière telles qu’elles se présentent dans la nature: aurore et crépuscule, lente ascension de la lune blafarde, évolution au sol de l’ombre portée d’un nuage, reflets solaires dans une eau tranquille …

https://www.youtube.com/watch?v=Xq1ZUmOwTCc (Miroitem.)
https://www.youtube.com/watch?v=biOdz5TEbdE (Artifices)
https://www.youtube.com/watch?v=44xQ0kk6TQk (Météores)

Sonic Waters

Sonic Waters (1984)

Sortie : 1984 (France). Experimental, Electronic

Album de Michel Redolfi

PiotrAakoun l'a mis en envie.

Annotation :

MICHEL REDOLFI
"Crysallis" (1992)

Michel Redolfi s’intéresse à l’océan qu’il côtoie au quotidien et qui « l’interroge ». Il entre ensuite comme chercheur à l’Université de Californie à San Diego : « Là bas, plus qu’ailleurs à l’époque, la mer est liée aux sciences de pointe, à l’hédonisme, à l’écologie, bref à une vraie qualité de vie et à la réflexion sur notre futur. » Redolfi se demande comment traduire ça en musique. Il reçoit l’aide du centre océanographique Scripps et de la marine américaine qui a beaucoup travaillé sur les conditions de diffusion du son en milieu marin.

Peu à peu, il donne forme à un nouveau concept : la musique subaquatique. Il crée des compositions originales qui sont diffusées dans la mer ou dans des piscines au moyen d’équipements ou d’instruments conçus spécialement à cet effet. Le public les écoute en flottant sur l’eau ou en s’immergeant. « Sonic waters », sa première œuvre est présentée en juin 1981, dans la Baie de San Diego et quelques jours après aux Rencontres Internationales d’Art Contemporain de la Rochelle.

En 1986, il rentre en France. Il s’installe à Nice où il prend la direction du CIRM (le centre international de recherche musicale) qui organise le festival Manca, dédié aux musiques nouvelles. Parallèlement, il continue à développer la musique subaquatique.

En 1992, il présente « Crysallis », le premier opéra subaquatique avec la soprano Yumi Nara immergée dans une immense bulle de plexiglass. Depuis, le concept s’est imposé au niveau international. Des concerts sont organisés avec succès dans le monde entier.

https://www.youtube.com/watch?v=g9K3VyZaBfs

Tangram
7.7

Tangram (1994)

Sortie : 1994 (France).

Album de Robert Normandeau

PiotrAakoun a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

ROBERT NORMANDEAU
"Tangram" (1994)

Emprunté au titre de l’une des œuvres de ce disque, Tangram représente l’idée selon laquelle on peut donner au réel des formes inédites et insoupçonnées en quantité presque infinie à partir d’éléments aussi simples que la voix d’une enfant, le son d’un train qui passe ou encore de quelques notes de musique classique. Quoique de nature contrastante, les œuvres présentes sur ce disque ont plusieurs points en commun.

Le premier de ceux-ci est la nature des sons utilisés qui sont tous, sans exception, de nature acoustique. La plupart proviennent d’enregistrements personnels réalisés à l’aide d’un magnétophone DAT portatif.

Le second point commun est la diffusion multipiste à laquelle ce cycle d’œuvres est destinée. En effet, le mode de travail en studio a été élaboré de manière à permettre une diffusion directe de chacune des pistes de la bande originale (16 pistes, 1/2 pouce, Dolby S) sur un haut-parleur distinct sans avoir à retoucher les niveaux ou les égalisations. Le mixage des différentes voies s’opère donc acoustiquement plutôt qu’électroniquement. Ainsi, la spatialisation des sons fait partie du processus de composition et l’espace devient un paramètre sonore au même titre que la hauteur, la durée ou l’intensité.

Le troisième point commun découle directement du second: afin de conserver autant que possible l’impression d’espace qui se dégage lors de l’écoute multipiste, nous avons eu l’idée, Jean-François Denis et moi, de recourir à ce même type de diffusion pour l’enregistrement en studio. Ainsi, la bande finale stéréophonique de toutes les pièces a été enregistrée grâce à un système de diffusion à multiples haut-parleurs simulant le concert.

Enfin le dernier élément et probablement le plus important est la perspective générale à l’intérieur de laquelle se situe tout mon travail depuis plusieurs années: celle du cinéma pour l’oreille. Essentiellement, cette démarche se résume à l’idée de puiser en dehors du musical, et plus particulièrement dans le monde cinématographique, les sources d’inspiration et les thèmes qui sous-tendent les œuvres. Ces thèmes, directement issus des titres mêmes de celles-ci, deviennent les pôles autour desquels la composition s’élabore et se construit, et constituent des balises, des points de repères pour l’auditeur confronté à ce monde de l’inouï.

https://www.youtube.com/watch?v=KVBRdbjQJbM

Trilogie de la Mort
8.5

Trilogie de la Mort (1998)

Sortie : 1998 (France). Electronic, Drone

Album de Éliane Radigue

PiotrAakoun a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

ELIANE RADIGUE
"Kyema" (1998)

La Trilogie de la mort est une des nombreuses œuvres qu’Éliane Radigue composera en rapport avec le bouddhisme tibétain. La Trilogie de la mort est cette fois influencée par le Livre des morts tibétain mais aussi par sa propre pratique de la méditation. Le premier volume de la trilogie, Kyema tire son nom des différents stades de transition entre les six états de la conscience : la naissance, le rêve, la contemplation et la méditation, la mort, la lumière pure et la traversée et le retour.

Entendre le texte récité ou le connaître par cœur devait suffire à libérer le défunt du cycle des vies, de la succession de renaissances, et surtout de l’existence sous l’emprise de la souffrance, de l’attachement et de l’ignorance. Il est lu en présence du corps et s’adresse à la conscience du disparu afin de l’accompagner et de l’aider durant la période de transition entre cette vie et la réincarnation suivante. L’esprit détaché du corps y flotte, baigné de pure lumière blanche, dans un état de totale libération.

De la même manière la pièce d’Éliane Radigue s’adresse à la conscience de l’auditeur, réclame son attention. Elle évolue lentement, traversant plusieurs stades par des transitions subtiles, à peine audibles. Elle est composée entièrement sur son synthétiseur, par une exploration méticuleuse du comportement du son électronique, à travers ses accidents, ses battements, son feedback. En modifiant minutieusement les paramètres de ses potentiomètres, elle prépare une série de longs fragments musicaux qu’elle va ensuite assembler au mixage en une pièce unique, aux coutures invisibles. Comme elle l’explique : «Je fais en sorte qu’un son glisse sur un autre, c’est ce qui donne ce sentiment de continuité presque sans aspérité. Mais il y a toujours des accidents.» C’est cette méthode de travail qui l’a poussée à conserver si longtemps son instrument, refusant de passer comme beaucoup d’autres au matériel numérique. Alors que le son numérique est discontinu, le son analogique est continu et ainsi se prête seul selon elle à son mode de fabrication du son, très artisanal, comme du tissage. Dotée d’un pouvoir de fascination quasi magnétique, sa musique, comme elle, prend son temps. Elle demande une concentration soutenue, pour sa composition comme pour son appréciation.

https://www.youtube.com/watch?v=PnbGirPTgF0

Sonars

Sonars (2001)

Sortie : 4 juin 2001 (France). Electronic, Techno

Album de Robert Normandeau

PiotrAakoun a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

ROBERT NORMANDEAU
"Palindrome" (2006)

Un palindrome est une suite de signes graphiques (lettres, chiffres, symboles…) qui peut se lire de gauche à droite et de droite à gauche. «Laval» est un exemple de mot palindrome. L’écrivain français Georges Pérec (1936-1982) est célèbre pour son fameux palindrome de 1247 mots écrit en 1969, Le grand palindrome, surpassé en nombre de mots en juillet 2004 par Le palindrome de Saint-Gilles de Pol Kools qui comporte 2119 mots! En musique on peut trouver des exemples de cela dans le canon cancrizan.

Dans Palindrome, le palindrome tient tout autant à la forme qu’aux matériaux employés. Tout a été fabriqué de manière à ce que l’expérience d’écoute soit la même dans les deux directions, des sons eux-mêmes jusqu’à la structure de l’œuvre, en passant par les canaux stéréophoniques, la spatialisation 24 pistes, les niveaux de mixage des différentes pistes et les phrases musicales.

La forme est identique et symétrique dans les deux directions et elle est constituée de deux mixages constitués des mêmes 96 pistes dont le «poids», plutôt que l’exacte similarité, est identique du début à la fin et vice versa. La seule différence entre les deux mixages, que j’ai introduite pour des raisons musicales, est que le premier est constitué d’un decrescendo qui commence avec un tutti qui est progressivement filtré vers le registre aigu, alors que le second est fait d’un crescendo qui commence dans le registre grave et qui s’amplifie vers le tutti. On peut considérer cela comme un palindrome vertical!

Palindrome s’inscrit dans un cycle d’œuvres d’écoute attentive qui en lieu et place d’une musique constituée par une série d’articulations précises, comme c’est souvent le cas en électroacoustique ainsi que dans mon propre travail, propose plutôt une écoute de l’intérieur du matériau sonore. Peu ou prou d’événements, une succession prévisible de changements et une évolution lente caractérisent ce genre d’œuvre. Celle-ci prend véritablement son sens dans l’écoute en situation de concert, lieu idéal du rituel.

https://www.youtube.com/watch?v=s_iNPop_8BY

Dix portraits / Douze mélodies acousmatiques

Dix portraits / Douze mélodies acousmatiques (1997)

Sortie : 1997 (France). Electronic, Musique Concrète

Album de Denis Dufour

Annotation :

DENIS DUFOUR
"Variations acousmatiques" (2011)

Compositeur depuis 1976 (plus de 180 opus à ce jour), il est l'auteur de nombreuses œuvres instrumentales (orchestrales, de chambre, vocales) et électroacoustiques où il joue, dans la fluidité d'un phrasé baroque, de la mobilité des figures, de l'exploration des morphologies nouvelles (issues du travail du support), des couleurs et des articulations, dans un style aux accents et au lyrisme affirmés. Dans ses dernières œuvres acousmatiques, il réintroduit la voix humaine, ses effets dramatiques et narratifs, dans l'univers très formel de la musique de support dont il fait le lieu d'une nouvelle théâtralité.

Il fait partie des quelques trop rares compositeurs français qui œuvrent avec la même envie dans ces deux univers (instrumental et acousmatique) pour lesquels il crée des œuvres d'une égale maturité stylistique et d'une ferveur rigoureuse et iconoclaste.

Dans ce document, Denis Dufour détaille pas à pas les principes d'écriture du thème de ses Variations acousmatiques :
https://www.youtube.com/watch?v=FrH9n6WQ1mY

https://www.youtube.com/watch?v=UWvD484IwBw

Frankenstein Symphony

Frankenstein Symphony (1997)

Sortie : 1997 (France). Reggae, Dancehall

Album de Francis Dhomont

Granulations-Sillages / Franges du Signe

Granulations-Sillages / Franges du Signe (1978)

Sortie : 1978 (France). Electronic, Musique Concrète

Album de Guy Reibel

PiotrAakoun a mis 7/10.

Triola ou symphonie pour moi-même

Triola ou symphonie pour moi-même (2012)

Sortie : décembre 2012 (France). Electronic, Musique Concrète

Album de Ivo Malec

PiotrAakoun l'a mis en envie.

PiotrAakoun

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