Tu m'as surpris en 2022

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Jafar Panahi : "Ceci est un film de mon fils... et il a fracassé takeshi29" (Oui oui il l'a dit)... (cf critique)

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Le plus beau film de la semaine, en tout cas celui qui m'a le plus bouleversé, est malheureusement l'un de ceux qui fera le moins d'entrées.

Il nous vient d'Indonésie, et si l'ouverture fait penser à Apichatpong Weerasethakul on comprend très vite que ce sera un autre réalisateur asiatique qui sera convoqué, glorifié en permanence. En effet Wong Kar-Wai est ici partout, dans les cadrages diaboliques, le violoncelle-ritournelle qui rappelle Umebayashi, l'élégance des robes à rendre envieuse Maggie Cheung, le travail sur le son et la post-synchronisation. Jusqu'à oser sans fard un plan qu'on pourrait croire extrait d'"In the Mood for Love".

Mais ce film n'est pas qu'un exercice de style, c'est aussi un portrait de femme(s) saisissant, un mélo vaporeux qui bien que pudique finit par bouleverser. A la manière d'un Naruse...

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Stéphane Brizé prouve une nouvelle fois à quel point il compte dans le cinéma français actuel. Car c'est un talent d'utiliser les erreurs de ses films précédents, en l'occurrence "La Loi du marché" et "En guerre", pour en tirer un troisième qui atteint une forme de grâce retrouvée comme à l'époque de "Mademoiselle Chambon".

Le cinéaste continue son passionnant travail "sociologique" mais remet surtout le sentiment au centre du jeu, il considère à nouveau que les regards ont souvent plus de poids que les mots, surtout ceux d'un acteur avec qui il ne fait désormais qu'un, qui semble être son porte-voix autant que son double.

Regarder le duo-couple Lindon-Kiberlain évoluer à l'écran devient ainsi aussi émouvant que troublant, on ne sait plus vraiment qui on voit, des interprètes ou de vraies personnes qui (re)joueraient à quelques nuances près la comédie de leur vraie vie.

Et c'est ça aussi le cinéma : brouiller les pistes, instiller le doute. De doute en revanche il n'y a pas quant au talent de metteur en scène de Brizé, ce dernier plan, d'une beauté et d'une simplicité renversantes, vu il y a déjà trois semaines, ne me quitte plus depuis.

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Philippe Faucon c'est de la rigueur, du cinéma sans artifice de cinéma, la simplicité du trait, donc "Les Harkis" c'est : des faits rien que des faits, des scènes brèves qui refusent systématiquement l'explicatif, pas d'effets inutiles de mise en scène, pas de musique qui surligne et indique ce que doit ressentir le spectateur, pas un brin de démonstratif ni de spectaculaire et pas plus de voyeurisme.

Bref je n'irais pas jusqu'à dire que Faucon c'est Bresson, mais il partage avec lui le souci de l'honnêteté intellectuelle et artistique. Et ce film est donc une des plus belles choses actuellement sur les écrans.

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Là on est typiquement dans ce que sait dénicher l'ACID en matière de documentaires de création.

C’est ce qu’on appelle un film coup de poing, de ceux qui vous secouent fort, vous font mal, vous questionnent longtemps, très longtemps après la fin de la séance. Je râle souvent à propos des documentaires qui devraient tranquillement se contenter d’une diffusion sur le service public, avec leur manque total d’idée de cinéma. “Soy Libre” est tout l’inverse, sans un rond il invente en permanence pour parvenir à avancer. À l’image d’un frère et d’une sœur qui rappellent que parfois l’art est un geste vital, une façon de crier pour ne pas tomber.

A découvrir le 9 mars.

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Ce "Nitram" avait tout pour se faire défoncer, surtout en passant derrière "Elephant" et "Bowling for Columbine", il eut été très facile de verser dans le voyeurisme et la complaisance, et nul doute que certains en verront, mais Justin Kurzel a l'intelligence de questionner plutôt qu'asséner des vérités, il refuse de juger quitte à être accusé de tous les maux.

Tout est inquiétant, sale, le chaos et l'horreur inéluctables planent de la première à la dernière seconde, mais c'est le hors-champ qui provoquera l'effroi. Et la cigarette d'une mère comme symbole de ce qu'on ne comprendra jamais. Ou plutôt qu'on préfèrera ne pas comprendre, ne pas voir, pour continuer à dormir la nuit...

(Caleb Landry Jones est prodigieux, rarement l'absence de vie dans les yeux d'un personnage n'aura autant provoqué le malaise, comme si tout ce qui était advenu et adviendra se trouvait là.)

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Actuellement le hasard me mène très régulièrement vers des films évoquant l'enfance, la jeunesse, et la façon dont le fait ici Richard Linklater m'a particulièrement touché. Ok on peut dire que ça ne peut que fonctionner avec des vieilles choses comme moi quand on convoque la nostalgie, les souvenirs. Mais je trouve épatant que Linklater ait choisi cet angle et s'y soit tenu du début à la fin.

Ce côté madeleine de Proust version XXL aurait pu lasser mais grâce au ton, au tempo choisis, le contrat est merveilleusement rempli, sans parler de ces trouvailles visuelles qui titillent notre mémoire, rappelant tantôt un moment d'histoire, un objet fétiche, un goût ou un parfum.

Et puisqu'on est dans l'animation, autre bon choix selon moi, que c'est doux pour la rétine de ne pas se trouver face à une surenchère technique mais juste à un dessin qui lui aussi va chatouiller notre enfance.

(Ne pas pouvoir avoir accès à un tel film en salle va au-delà de la frustration, mais peut-être raconte-t-il aussi cela, un temps où la sortie en famille avait encore un sens.)

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Des notes pourries comme s'il en pleuvait, des ajouts à mon flop 2022 plutôt qu'à mon top, vous allez finir par penser que je suis affreusement méchant ou en dépression, ou les deux à la fois, alors c'est le moment de vous rassurer en déclarant ma flamme à cette nouvelle formidable surprise belge.

Tout est étonnant dans ce "Rien à foutre", en particulier cette audace de ne pas faire rire alors que chaque situation s'y prête. Le constat est si noir, on le sait tellement lucide, sur notre société que le rire est arrêté, comme interdit. Autre audace, celle d'être un film peu sympathique, inconfortable que ce soit dans les cadres approximatifs, les plans sur le visage de la démente Adèle Exarchopoulos qui illustrent si bien le néant de l'époque, l'inhumanité du capitalisme mondialisé, de longues scènes de dialogues, comme cette discussion à 3 grammes d'un réalisme troublant, qui fait jaillir les aveux de souffrances enfouies.

Le soleil représente le malheur, l'inattendu changement de cap du récit la/nous fera quitter les sunlights du vide pour la vérité d'une image et d'un paysage plus grisâtres. Et soudain Cassandre eut une chance de briser sa malédiction...

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Selon moi le meilleur film sur les gilets jaunes parmi les très nombreux sur le sujet. Antonin Peretjatko imagine une romance, une parade amoureuse par toits interposés pendant que dans la rue "Un pays qui se tient sage" en prend plein la gueule.

Alma Jodorowsky, Damien Bonnard, des anonymes, une fiction perchée et solaire mêlée à du documentaire enragé et engagé.

Quand Antonin arrête de faire le malin il s'avère détonant.

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Le Belge Thierry Michel, grand spécialiste de la question, signe avec cet "Empire du silence" LE documentaire qu'il faut voir pour comprendre le passé plus que mouvementé du Congo. Tout y est disséqué, documenté, appuyé par des témoignages et des images d'archives parfois effroyables.

Passionnantes de bout en bout, montées de manière très adroite, ces 110 minutes passent à une vitesse folle mais vous marquent durablement.

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Quand Batman comprit qu'il était temps de partir sur l'autre Reeves... (cf critique)

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Descendre Mia Hansen-Løve et dire le plus grand bien de Louis Garrel, longtemps considéré comme acteur/ réalisateur bobo par excellence, cela peut paraitre curieux, mais en réalité il y a bien longtemps qu'il navigue du cinéma de son père ou d'Honoré à des productions bien plus grand public comme chez Hazanavicius ou Maïwenn.

Et en tant que réalisateur, si l'on suit bien sa trajectoire, on a toujours senti une attirance pour la comédie, la romance, un cinéma modeste où il pourrait jouer avec son image, comme dans sa récente "Croisade". Mais étonnamment il y avait une sorte de grand écart entre ce qu'il semblait vouloir donner et ce que les spectateurs semblaient recevoir.

État de fait qui pourrait bien changer avec cet "Innocent" qui louche clairement vers les comédies populaires à l'ancienne, effet renforcé par "l'esthétisme 35 mm". C'est généreux, débridé, merveilleusement écrit, et surtout porté par des actrices et acteurs qui semblent se régaler, exploiter des registres qu'ils n'avaient fait qu'effleurer jusqu'ici. Garrel, Roschdy Zem, Noémie Merlant, Anouk Grinberg, tous sont à mourir de rire, mais pas que car cette comédie policière aux abords légers aborde en creux des sujets douloureux et graves.

Mais comme par politesse Louis Garrel ne s'y attarde pas, son film est une bouffée d'air frais et de plaisir, un geste qui je l'espère vraiment sera cette fois compris par le public le 12 octobre.

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Cette romance géorgienne est un pur bonheur, à la fois pétillante, émouvante, et surtout d'une originalité folle.

Un film sur le hasard, sur les petits bonheurs et malheurs du quotidien, sur ces détails qui changent une destinée.

Alexandre Koberidze pratique l'interactivité, s'adressant à nous - « Attention chers spectateurs, fermez les yeux quand vous entendrez le premier signal, vous pourrez les rouvrir quand vous entendrez le second », sort régulièrement du récit pour des pastilles politico-poétiques comme ces enfants jouant au football en nous rappelant à quel point la cupidité est en train de tuer le monde, pratique le surréalisme à la Otar Iosseliani car ici des chiens peuvent regarder le Mondial à la télévision.

Foncez, il est encore temps de débusquer le cinéma qui programme le film le plus fou du moment.

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D’un classicisme tout aussi ch… qu’envoûtant, l’endormissement possible étant sans cesse empêché par une scène d’une beauté formelle saisissante. Quant au fond cette histoire d’amour, de jalousie, est si sinueuse, pure et vénéneuse à la fois qu’elle se déploie sur près de trois heures sans vraiment livrer ses secrets, laissant l’imagination du spectateur voyager au-delà de la projection.

(Si je n’ai pas prononcé le nom de Léa Seydoux dans les lignes qui précèdent c’est plutôt bon signe, à moins que ce ne soit le charisme animal de Gijs Naber qui n’efface tout simplement les immenses lacunes de cette dernière.)

Clairement pour moi la plus belle surprise de la semaine : j'y suis allé en trainant les pieds et je me suis surpris à ne pas vouloir que ça se termine.

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Attention OFNI total actuellement en salles...

Il faut s'accrocher pour rentrer dans ce film bolivien qui, c'est le moins qu'on puisse dire, ne brosse pas le spectateur dans le sens du poil. Donc deux alternatives claires : soit on résiste, on ne voit que le côté abscons et on risque de bien bien souffrir durant ces 85 minutes, soit on se laisse absorber par cette folie des sens, ce travail sur le son assez dingue, cette danse endiablée qui sort d'on ne sait où, etc.

Un fond furieusement politique mais une forme jamais didactique, à la déstructuration passionnante.

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J'étais curieux de voir comment le scénariste de Joachim Trier allait se dépatouiller avec le genre horrifique, même s'il avait déjà prouvé qu'il n'était pas manchot en matière d'étrangeté avec "Thelma". Curieux et un peu inquiet aussi car on pouvait croire que tout avait déjà été produit dans la description de petits coquinous tout mignons plus intéressés à casser la gueule des adultes qu'à faire des châteaux de sable.

Et le résultat est épatant, car non seulement Eskil Vogt réussit un formidable amalgame entre "Le Village des damnés", "Les Innocents" de Clayton et encore "The Children" mais surtout y apporte une touche personnelle, avec ces enfants empêtrés dans leurs super-pouvoirs dont ils ne savent que faire, comme un corps qui évolue et qui encombre.

"The Innocents" pose la question de la victime et du coupable, joue avec nos peurs d'enfant comme avec celles de ses protagonistes.

Dorénavant quand je croiserai une petite blonde au sourire aussi démoniaque qu'angélique ce sera un coup de fusil et ensuite seulement on discutera...

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Assurément l'un des films les plus désarçonnants de l'année, qui ose tout et se décale en permanence, qui présente à la fois une Corse de carte postale, avec son soleil, ses enfants qui jouent, ses grands-mères qui discutent sur un banc, ses jeunes qui parlent foot en buvant un coup, mais aussi ses frangins jaloux qui castagnent un pauvre gars, ses rencontres sexuelles plus qu'explicites, ses digressions politiques pas tendres pour les insulaires.

Bref c'est un objet forcément clivant, comme peut l'être du Guiraudie, qui tchatche et qui transpire, qui raconte beaucoup d'un monde et d'une époque où la mutation est plus que douloureuse. On y rit autant qu'on y souffre, on y croise ceux qui restent et ceux qui sont partis, comme une place de village qui vaudrait monde...

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Je n'y allais pas très confiant, pensant voir une grosse machine, mais c'était sans compter sur le talent de Thierry de Peretti et ce qu'il est capable d'insuffler de nouveau dans le cinéma français.

Comme dans "Une vie violente" il maitrise à merveille l'art de la tension, le danger diffus et l'explosion qui peut surgir à tout instant. Mais cette fois il n'en fera rien, ou plutôt pas grand chose. Et c'est justement ce qui est passionnant avec ce réalisateur, il ose prendre des risques, en l'occurrence ici jouer avec le déceptif. La facilité aurait été de faire dans le spectaculaire, lui choisit d'emprunter une autre voie et de privilégier une histoire d'amitié à un chaos politique qu'il semble pourtant promette dans la première partie du récit. Respect...

Et Roschdy Zem est énorme, et si ce n'est pas nouveau on ne l'avait jamais vu dans un tel rôle et oser une telle interprétation, aussi complexe que son personnage.

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Formidable surprise, ce "Tout le monde aime Jeanne" a quelque chose de très belge même s'il vient de France et se déroule au Portugal. Cette façon si détachée de parler de choses graves, de préférer rire quand on a envie de pleurer. Vous savez cette forme de politesse qu'on retrouvait par exemple dans le miracle "Une vie démente".

Ici on parle aussi du deuil, d'une forme de dépression, on joue avec la forme en utilisant l'animation, l'humour est souvent décalé, noir, mais il fait du bien. Et puis bien sûr il y a les actrices et acteurs, Blanche Gardin en tête qui n'a pas besoin de faire grand chose pour en exprimer des tonnes. Et Laurent Lafitte exceptionnel dans ce rôle complexe, celui du gars qui sort des vannes comme il sort de l'HP.

Bref c'est un film furieusement tendre, intelligent, qui rend heureux. Parce que c'est chouette de voir vivre des gens qui ont compris que ce monde est cassé mais qu'il nous reste encore deux-trois trucs : la tendresse, les bières, la vaisselle qui ne tombera plus bas, une maman qui cuisine alors qu'elle est passée par la fenêtre depuis un bon moment. Et quand en plus cette maman s'appelle Marhe Keller...

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De loin le film le plus original de la semaine ce mélange improbable de documentaire et de fiction nous fait suivre les pas d'un personnage aussi lunaire qu'attachant, pour qui le mot indolence semble avoir été créé.

Sous le soleil de la campagne italienne ce policier se crée des suspects pour justifier ses filatures-promenades, drague Paloma à la radio, refuse de couper les arbres de son jardin-jungle qu'on croirait sorti de chez Apichatpong Weerasethakul.

"Les Aventures de Gigi la Loi" est un pur bonheur car en ces temps où la vitesse et la frénésie semblent obligatoires au cinéma il se et nous permet l'ennui, comme à ses protagonistes, peut-être les véritables rebelles de la société actuelle.

Pas si loin d'un épisode de "Strip-tease", une légère tendance à la moquerie en moins.

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Film étonnant que je vous encourage vivement à tenter de débusquer, cette "Dernière nuit de Lise Broholm" peut faire peur dans son entame, avec son maniérisme tout en dévotion au Dieu Malick, mais petit à petit on comprend pourquoi UFO, distributeur toujours prompt à proposer des expériences, s'est intéressé à cet objet. Agonie d'une mère en couche parfois insoutenable, BO pas omniprésente mais envoûtante, photo splendide, ce film est plus que rude derrière son esthétisme léché, et propose une représentation de la condition féminine sans concession, une charge au bazooka contre la religion.

Bref ce premier film danois ne laisse pas indemne, et c'est tant mieux...

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Jamais je n'aurais cru écrire ça mais le plus beau film de la semaine est probablement signé Charlotte Le Bon. Car elle a réussi une chose très compliquée, adapter un roman graphique, parce qu'elle est parvenue à retranscrire à l'écran ce qui faisait l'essence du si beau "Une sœur" de Bastien Vivès, la douceur et la rugosité mêlées de l'âge adolescent, un récit initiatique où l'onirisme prend sa place naturellement, où les paysages ne sont pas des alibis pour flatter la rétine du spectateur mais des acteurs, où la peau, cachée ou dénudée, vit ses premiers émois.

Une réussite, et surtout à ma grande surprise une cinéaste, qui confirme après son court "Judith Hotel", qu'elle n'est pas là pour faire la maligne, car "Falcon Lake" n'a rien d'une démonstration de force, tout au contraire c'est humble, simple, du moins en apparence...

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Samuel Theis trouve la distance et le ton parfaits pour aborder un sujet pourtant bien bien casse-gueule, il sait ne jamais tomber dans le graveleux ni le misérabilisme tout en n'éludant pas le drame. Comment un garçon de 10 ans peut soudainement devoir composer avec deux désirs simultanés : celui de s'émanciper de sa classe sociale sans la trahir, ainsi que celui de son cœur et ses hormones qui l'attirent vers des contrées tout aussi inconnues.

Tout cela est traité avec nuance et sensibilité, embrassé par une mise en scène qui colle aux personnages sans jamais les enfermer, mais qui permet aussi au spectateur de respirer malgré la tension qui se cache jusque dans les scènes solaires, et interprété de manière magistrale par un gamin au jeu d'acteur chevronné, et celle qui joue sa mère, elle aussi non professionnelle et prodigieuse.

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Un très bel exercice de style, d'entrée excluant ou hypnotisant à l'image de cette danse qui capte ou repousse. Une photographie splendide, un noir et blanc très travaillé, une musique aussi envoutante que la voix off, le tout au profit d'un discours de résistance énigmatique sans être abscons. On est donc à la lisière du documentaire de création qui en ferait trop, frôlant l'esthétisant, en équilibre fragile permanent, ce qui renforce la fascination qu'il peut provoquer. Un œil d'or (Prix du meilleur documentaire) cannois bien mérité à déguster à partir du 13 avril.

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Vicky Krieps sait tout jouer et pour mon plus grand bonheur elle squatte actuellement les écrans. Ce qui ne m'a pas empêché d'aller voir ce "Plus que jamais" avec quelques craintes, de par son sujet qui donne le plus souvent lieu à d'insupportables chantages à l'émotion.

Mais Emily Atef ne tombe aucunement dans cet écueil, choisissant de décaler son récit en même temps qu'elle décale géographiquement son personnage principal. L'histoire d'amour, la souffrance, les questions existentielles, rien de tout cela ne sera éludé mais sera travaillé en pointillés et en complexité. L'émotion du spectateur ne sera pas bridée mais respectée, elle adviendra en douceur, au fur et à mesure où 'éloignement de cette femme vis-à-vis de l'homme qu'elle aime fera sens.

La fin du film m'a saisi, pour plusieurs raisons, entre autres pour ce qui dépasse l’œuvre elle-même, parce que soudain mon émotion a été rattrapée par la vraie vie, une forme de mise en abyme vertigineuse. Comme si Vicky disait à Gaspard, à moins que ce ne soit l'inverse : "Serre-moi fort"...

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Malgré le tout frais prix Jean Vigo j'y suis allé à reculons tant j'avais trouvé le précédent d'Axelle Ropert, "La Prunelle de mes yeux", exécrable de prétention.

Et quelle divine surprise, ici elle change de genre, assumant totalement le drame, mais surtout de registre cinématographique, louchant très clairement du côté de gens comme Claude Miller ou même Pialat. Ça va donc forcément passer pour quelque chose de démodé alors que c'est plutôt un objet hors du temps donc indémodable, avec son grain à lui seul émouvant, la volonté de laisser la lumière naturelle faire les choses à l'écran rappelant à quel point nos yeux de spectateur ne sont plus habitués à cette image fluctuante, et surtout très belle.

Et puis il y a le jeu des acteurs, délicieusement décalé, et pas qu'en raison de la présence de Philippe Katerine, avec la révélation majuscule Jade Springer que la caméra épouse sans arrêt et en tout sens, saisissant la complexité, la fragilité, le foisonnement émotionnel d'un âge.

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En sortant de la salle le Professeur Raoult aurait déclaré : « C'est une grippette j'vous dis. » (cf critique)

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Après le ravissant "Crash Test Aglaé" Éric Gravel signe un drame en forme de thriller, de ces trucs anxiogènes qui vous attrapent dès la première seconde pour ne plus vous lâcher. On finit la séance éreinté, physiquement et psychologiquement, à l'image de cette héroïne des temps modernes, broyée par la lessiveuse urbaine.

Cette femme qui court au rythme d'une musique qui vous essore autant qu'elle vous stimule, c'est Laure Calamy, et là pas besoin d'en rajouter, ceux qui la voient évoluer de film en film savent...

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Selon moi la proposition de cinéma de loin la plus excitante dans cette cuvée de l'ACID 2020 car ce film pose clairement la question de la limite de la fiction dans le documentaire. Question morale s'il en est quand le thème abordé est la folie.

Ce thème Ilan Klipper le travaille depuis le début de sa carrière, le malaxe pour arriver ici à se poser en quelque sorte en anti-Depardon, n'hésitant pas à user de la mise en scène pour basculer parfois dans le film de genre. C'est donc du cinéma qui questionne, mais aussi plus instinctivement amuse et émeut. Troublant, vraiment très troublant...

Il arrivera enfin en salles le 16 mars.

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Très très belle surprise la suite, avec cette histoire de fratrie à hauteur d'enfant.

Yohan Manca semble avoir déjà tout compris à ce qu'est le cinéma, soit une histoire de distance et de ton. En effet si cette chronique familiale est empreinte de douleur il n'y a pas une once de misérabilisme dans le regard posé, au contraire c'est la légèreté et le sourire qui l'emportent.

Une parfaite illustration de ce que chantait un certain Charles : « Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil. »