Cover Les films de 2022 avec aussi mon avis un peu claqué

Les films de 2022 avec aussi mon avis un peu claqué

2022 année d'la queue

Liste de

100 films

créee il y a plus de 2 ans · modifiée il y a plus d’un an

Enquête sur un scandale d'État
6.2
1.

Enquête sur un scandale d'État (2021)

2 h 03 min. Sortie : 9 février 2022. Drame, Thriller

Film de Thierry de Peretti

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Dans la droite lignée de son "Une Vie Violente", de Peretti s'aventure dans le film d'enquête sorte de sous-genre au polar remplit comme l'est le film de gangster de stéréotypes et de clichés. Sauf que la touche de Peretti se veut naturaliste, enfin je ne crois pas qu'elle se veuille naturaliste mais reste qu'elle l'est. En ce sens on peut noter la cohérence de la mise en scène, de ces cadres et sur-cadrages en nombre, jusqu'à l'emploi de plan-séquence et cette longue scène de repas, ces longues scènes de soirées qui sont déjà l'apanage de son style que je commentais longuement dans les pages de l'Invisible. Noter cette cohérence est un plaisir, mais ce qui est le plus plaisant est encore de noter la pertinence d'une telle mise en scène qui ne fait pas dans l'attendu. Suffit de voir pour s'en rendre compte les avis mitigés de ceux qui attendaient et désiraient du "spectaculaire", du "thriller haletant" et j'en passe. Heureusement "Enquête sur un scandale d’État" est autre chose, un film dossier qui fait fit du sensationnel pour montrer du réel. "Révélations" de Michael Mann existe déjà, pourquoi le refaire encore et encore à la sauce française ou je ne sais quoi ? Chez de Peretti on croit à cette rédaction de Libé', on croit à cette relation entre journaliste et indic', on croit à Vincent Lindon en grand-flic anti-stup', on croit à Pio Marmaï en journaliste, on croit à Roshdy Zem en indicateur trouble et donc au final on croit bel et bien à un scandale du stupéfiant en France. Sans avoir à passer par les trompettes, les complots mystérieux et tous les effets qui font la sève du thriller à l'américaine. En plus de Peretti est tout à fait politique lorsqu'il nous en montre au détours d'une scène, la seule dans laquelle nos personnages n'apparaissent pas, le résultat des politiques anti-drogues : des fusillades en banlieue Marseillaise. "Enquête sur un scandale d’État" est un film dossier assez prodigieux dans lequel ne se dissout en aucun cas le style déstabilisant de de Peretti, qui décidément fait du cinéma et pas n'importe lequel : le sien.

Vortex
7.1
2.

Vortex (2021)

2 h 22 min. Sortie : 13 avril 2022. Drame

Film de Gaspar Noé

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Putain Dario Argento était là, devant moi les potes ! Le réalisateur de "Dracula 3D" en chair et en os face à moi bon dieu ! C'était incroyable. Y avait Gaspar aussi et tous les autres, mais Gaspar je l'ai croisé un tas de fois; je fais partie du show-biz je vous l'ai dit 100 fois (y avait Elsa Zylberstein aussi, dieu ce qu'elle est élégante...) !
Bon. A part ça.
Je discutais avec un collègue réal il y a peu, de cinéma (je ne sais parler que de ça de toute façon), et il me rappelait très justement que la preuve ultime pour déceler l'auteur c'est quand tout à coup le type se lance dans quelque chose qui semblerait hors-sujet à son cinoche et que tout à coup la magie opère (par ex...euh... quand Scorsese fait "Le Temps de l'Innocence"). Eh bien en apparence "Vortex" c'est un peu ça. Que va nous foutre Noé dans un drame naturaliste sur deux vioques ? Sur le papier ça paraît insensé et, au delà du split-screen, on croirait presque ne plus être chez notre Argentin ultra-violent. D'abord c'est une belle surprise, mais ça met le doute sur l'intérêt d'une telle gymnastique et puis finalement les réflexes reviennent et sans jamais lâcher le naturalisme, en restant fidèle à son parti pris et à vrai dire sans multiplier les effets comme à son habitude, on se trouve en eaux troubles où règne folie, dégénérescence, violence et des visuels malades et crados. De son film le plus naturaliste, on constate le retour génétique à la Nouvelle Vague présente partout dans la mise en scène, le décor et dans Françoise Lebrun, qui performe à un point stratosphérique; du cinéma de genre stricto-sensus : les cadres, les éclairages, le sujet Stalincrack et Dario Argento, bluffant dans ce rôle un peu méta mais surtout hallucinant. Enfin Noé nous livre essentiellement un film sensible, parfois très doux mais surtout très juste, qui je sais a raisonné en chacun des spectateurs (je crois qu'1/3 de nos vieux sont touchés par des maladies dégénératives liées au cerveau, donc autant dire que tout le monde est concerné); et franchement je n'ai encore jamais vu, je crois, de plus beau film sur la fin de vie d'un couple (j'ai pas vu "Amour" faut dire) et, retour au split-screen, sur ce que c'est, de ce que ça veut dire d'être séparé de sa moitié par la démence puis par la mort. Il y a beaucoup de cinéma dans le film, une déclaration d'amour sensible à Argento et Lebrun et à tout ce qu'ils trimballent de ciné avec eux. Ne jamais crier au chef-d’œuvre trop vite alors je le dis à voix-basse.

Bruno Reidal - Confession d’un meurtrier
6.7
3.

Bruno Reidal - Confession d’un meurtrier (2020)

1 h 41 min. Sortie : 23 mars 2022. Drame, Biopic, Thriller

Film de Vincent Le Port

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Quelque part dans une jonction étrange entre "Journal d'un curé de campagne" et "Henry, portrait d'un serial killer"; "Bruno Reidal" est sans nul doute le film le plus âpre que l'année nous offrira; non seulement car il est extrêmement violent, notamment au cours d'une scène autours de laquelle est construit tout le film, mais surtout car il est radicalement tourné vers la psyché de son personnage et surtout sa façon d'entrevoir le monde et son acte. On a dans ce film un amalgame assez inédit entre bucolisme et sadisme, entre vue des mœurs paysannes du tout début du XXe et récit d'initiation à l'onanisme et au meurtre. Ce qui frappe avant même la violence et le sang, c'est l'extrême précision de la mise en scène, parfaitement alignée sur l'étrangeté d'un jeu d'acteur qui se trouve parfois sur la corde raide de l'amateurisme (en ce sens la composition de Dimitri Doré est lunaire, effrayante et donc génialissime). Globalement le récit glaçant, extrêmement abrupt et rude (et même si je m'attendais à de a dureté je ne pensais pas être confronté à des images si effroyables) s'accorde parfaitement et avec rigueur aux thématiques de l'expiation, de la culpabilité et une certaine ascèse dans la mise en image de ces éléments, en tout cas sans sensationnalisme (qui aurait rendu le film voyeuriste) et appuyé par une bande-son superbe que je m'en vais réécouter de ce pas. En définitive voilà un film qui laisse un goût amer dans la bouche, qui laisse entrevoir avec une justesse effarante les systèmes psychiques d'un véritable meurtrier, loin d'être une brute ou un inconscient... ce qui le rend terriblement familier, terriblement déstabilisant.

Nope
6.8
4.

Nope (2022)

2 h 10 min. Sortie : 10 août 2022 (France). Science-fiction, Épouvante-Horreur

Film de Jordan Peele

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

En revenant aux bases pré-historiques du cinéma par le biais d'un jeu audacieux sur la diégèse, ses règles et sa représentation filmique (ne pas regarder la menace, ne pas pouvoir la capter sauf via des caméras à manivelle rappelant Muybridge), Jordan Peele vient de réaliser le film d'horreur, d'épouvante et de science-fiction le plus audacieux depuis pas mal de temps (je ne saurais le quantifier). Sous son aspect quelque peu cryptique, bariolé et haut-en-couleur, Peele nous donne à voir une cohérence toute naturelle d'éléments qui semblent sans cesse se contredire entre-eux voire s’évertuent à ne pas faire sens (et le tout à des fins politiques et sociales, via le propos en arlésienne sur le cinéma, les afro-descendants et les travailleurs de l'industrie). Le film, c'est on-ne-peut-plus-notable, laisse avec deux sensations : celle d'avoir vécu un moment de divertissement fameux (et de fait l'action est sans arrêt, absolument bien captée par le réalisateur qui ne se refuse aucunes idées saugrenues), efficace sur le plan horrifique car, toujours la menace inconnue et intelligible fera mouche dans le cinéma d'horreur, aux personnages forts sympathiques (Kaluuya est un génie, maintenant c'est sûr) mais nous laisse aussi avec une impression d'incompréhension, tout du moins de doute. Si l'on comprends bien le découpage animalesque du film et la dimension cosmique du scénario, le film laisse avec un certains nombres de questionnements fondamentaux sur le liens entre les éléments (et événements) présentés. Une réflexion spectatorielle fondamentale qui en vient par elle seule à questionner chacun sur ce qu'il a vu et son propre mode de représentation. Puisqu'en somme il ne s'agit que de ça tout du long. En conclusion nous avons au moins le retour d'une figure post-moderne du cow-boy américain, la révolution dans le mode de représentation de l'altérité extraterrestre et quelques vrais moments cryptiques filmés sans ambages. Semble-t-il Peele vient de réconcilier le cinéma de genre grand-public et celui des salles d'art et d'essais; ce qui fait au passage un film absolument formidable et un cinéaste désormais inoubliable.

Pacifiction - Tourment sur les îles
7
5.

Pacifiction - Tourment sur les îles (2022)

2 h 45 min. Sortie : 9 novembre 2022. Drame

Film de Albert Serra

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

"Pacifiction" occupe inlassablement ma pensée depuis ce matin 9h où je l'ai vu (j'écris à 00h). Il faut en détricoter le dispositif pour tenter de comprendre, au moins un peu ce que j'ai vu. D'abord j'y ai vu la beauté plastique, hors démagogie du plaisant pour l’œil, s'allier à un thème narratif très politique (les essais nucléaires) mais qui se tire en fait complètement de la narration et de l'image-action et donc ne peux se recevoir dans le classicisme. "Pacifiction" raconte bien quelque chose mais rien n'y évolue vraiment, tout tourne en rond dans une perte de sens qui n'est progressive que pour le spectateur. Sensation hypnotique généralisée analogue au génie de Weerasethakul et de sa matière-filmique-rêve. A la différence d'un film fait aussi de la matière-rêve mais sans aucun élément fantastique ou surnaturel (et sans jamais de rêveur à identifier). Pour autant le film est encrée dans son territoire géographique, politique et ethnologique (via la belle Pahoa Mahagafanau qui raconte quelque chose de l'incarnation de Tahiti) et ce qui fascine se sont ces corps dans des contextes (Tahiti, une boîte de nuit, un film). En particulier celui de Benoît Magimel (désormais indéniablement un grand acteur), et l'on revient au dispositif de Serra, qui est mis à l'épreuve de ces contextes en tant que personnage mais aussi d'acteur. Il est à l'aise dans ce dispositif et monopolise l'attention (et la parole) pour autant c'est une réelle (enfin) mise à nue de son jeu, de sa fragilité de comédien. Magimel manque de perdre pied dans ces dialogues longs et ses monologues qu'on devine improvisés, surtout dans cette intrigue en perte de sens et pourtant pas dans une logique évolutive classique (fragilité qu'on retrouve sublimée chez Mahagafanau, qui franchement est fascinante à divers titres sans faire quasiment rien dans le film). Parce que fondamentalement je crois que c'est cela qui occupe Albert Serra : faire reluire un équilibre très fragile qui se mélange sans cesse au niveau purement narratif mais aussi méta-textuel dans un mélange sans cesse onirique et psychédélique mais jamais hors du réel. Les lumières du films, de nature diverses, racontent un peu cela dans une scène de boîte de nuit bizarrifiée par la lumière noire qui change la peau et fait sur-briller le blanc. Scène où les corps sont rythmés par une musique électronique sombre et pesante, coupée par un son dansant et sympathique puis de retour à notre musique de départ. Le film est en fait très loquaces s

Contes du hasard et autres fantaisies
7.1
6.

Contes du hasard et autres fantaisies (2021)

Guzen to sozo

2 h 01 min. Sortie : 6 avril 2022 (France). Drame, Romance

Film de Ryusuke Hamaguchi

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Encore cueilli par Hamaguchi et son film à sketch d'apparence gentillette et de facture simpliste qui cache un film d'une grande sensibilité fait avec peu dans une esthétique de l'économie mais aussi de la poésie. La mise en scène anti-tape à l’œil pourra avoir tendance à répéter ses effets et à convoquer une grammaire un peu faible mais cette ascèse parfois contredite, cette rigueur et cette simplicité qui rappelle en un sens Hong Sang Soo, sont bien au service des récits (et des interprétations parfaites de l'ensemble du casting). Quand à ces récits, bien sûr on pense à Rohmer puisque le concept de conte nous est soufflé par le titre et que des histoires d'amours sont développés via le texte dialogué; cela paraît pertinent à plusieurs titres. Pour autant le film traite plus encore de hasard, le hasard des rencontres principalement comme seul véritable point commun entre les trois sketches. Ces hasards de la vie, parfois aidés par de véritables dispositifs scénaristiques (cf. le troisième sketch) sont autant de rencontres et de trajectoires (le motif de la route revient encore dans ce film là) développés dans la longueur et surtout dans la lenteur par le dialogue. Le dialogue est au centre de tout et devient tour à tour moteur du récit, tuteur de la mise en scène et seul outil des personnages (il faut voir dans le second sketch comment la voix, le texte littéraire, la façon de le déclamer retourne littéralement la situation). En ce sens les "Contes du hasard" se font plutôt poèmes. Et Hamaguchi qui filme souvent statiquement est surtout là pour le capter justement, en redoublant de douceur pour le lier sans jamais (ou presque) souligner ce qui se dit. C'est ainsi que je qualifierai la mise en scène d'Hamaguchi qui par l'épure réussi à créer une scène de dispute névrosée sous tension, par la retenu une scène d'un érotisme puissant et par le calme la force de vrais/fausses retrouvailles fortuites.

As Bestas
7.5
7.

As Bestas (2022)

2 h 17 min. Sortie : 20 juillet 2022 (France). Thriller, Drame

Film de Rodrigo Sorogoyen

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

L'un des films que j'attendais le plus cette année est enfin sorti, son argument est assez simple : un couple de paysans français en Galice se trouvent confrontés à un duo de voisins assez hostiles. "As Bestas" commence ainsi avec comme présupposée : la violence finira par éclater. Elle fait son chemin lentement et se niche d'abord aux détours de conversations conflictuelles dans un bar, puis dans une dispute, dans du harcèlement et enfin de l'agression pure et dure. Mais, alors qu'on voyait le film ne traiter que ce point de vue atavique sur le crescendo de violence, il s'aventure dans un second temps (inattendu) vers le temps de la recherche, de la compréhension (voire du pardon). Tout ceci est extrêmement géographique, pas aussi binaire que je l'écris (car la violence et le conflit point encore dans cette quasi-seconde partie), de fait on explore nos thématiques comme on explore les terres sur lesquelles tout se déroule. La mise en scène nous fait le constat de ce que c'est que d'être "plouc" au sens strict, de vivre mal, de vivre de l'effort, de vivre lentement, d'aspirer à mieux, d'avoir un territoire lié à des enjeux écologiques, économiques et artisanaux. Plus que le constater, la mise en scène organique de Sorogoyen nous l'a fait presque éprouver. Dans deux plans séquences majeurs par exemple (l'un parce qu'il est solide, l'autre parce qu'il est fragile), on nous montre des disputes de haute violence; qui ne coupent pas et s'encrent dans un décor unique qui sont à chaque fois les haut-lieu de la parole du film. L'un est porté par Denis Ménochet au meilleur de sa forme, masse robuste et profondément attachante, ainsi que la gueule méchante, retorse et le verbe acéré, gueulard de Luis Zahera; l'autre est porté à bout de bras par Marina Foïs qui redéfinit une forme de puissance fragile et prend la responsabilité de toute la fin du film et avec brio, face à la jeune Marie Colomb dont le jeu vacille carrément dans la durée du plan-séquence (ce qui rend la scène étrangement intéressante). "As Bestas" est donc un gros morceau, qui vient de transformer en thriller une partie des angoisses de la campagne profonde tout en ne quittant jamais son point de vue, impeccable, de chimiste (on met ça et ça ensemble, qu'est ce que ça donne) et de sociologue (mœurs de cette terre, étude de la ritualisation de la violence).

Top Gun: Maverick
7
8.

Top Gun: Maverick (2022)

2 h 11 min. Sortie : 25 mai 2022 (France). Action, Drame

Film de Joseph Kosinski

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

"Top Gun 2" s'avère une immense surprise pour moi qui suit largement fâché avec le cinéma des grands studios Hollywoodiens et par ailleurs pas du tout amateur du premier film, parangon du cinéma reaganien de propagande kitsh des années 80 (malgré un amour véritable du cinéma de Tony Scott). Pourtant cette suite, qui n'évite guère les affres de la nostalgie et du clin-d’œil lourdingue s'en sort largement et avec les honneurs en (au moins) deux points fondamentaux.
D'abord ce "Top Gun" semble être la correction de son premier volet dans la mesure où il est à peu de choses près la même chose (un quasi-remake) duquel on aurait enlevé toute la mauvaise substance sans pour autant dénaturer le potentiel kitsh (et malheureusement en conservant cette idée foireuse de ne pas nommer l'ennemi...). L'école Top Gun revit dans les mêmes termes les circonstances du premier volet avec des différences notables mais pas fondamentales (un nouveau casting, fameux, et quelques petits défis nouveaux). Et si normalement ceci serait une insupportable soupe servi aux fans de la franchise, ici le régime de mise en scène, franchement plus Scottien que le film de Scott, dépasse la simplicité de son scénario et son statut industriel. Il y a un savoir-faire énorme dans ce "Top Gun", technique en premier lieu, mais plus au-delà, un sens du romantisme, du premier degrés et une gestion millimétrée de l'émotion qui dépasse toutes les productions à succès du moment. C'est une forme de générosité dans l'effet allié à un sens inouïe de la mise en scène de l'action qui donne l'impression d'un univers absolument hors-sol et fantasmagorique mais étrangement agréable (un univers où Jennifer Connelly vit est forcement agréable de toute façon) qui vient être soutenu ou contredit, je ne sais trop, par des moments de violences ultra-puissants (toutes les scènes de vols sont à la fois un petit manuel du découpage de l'action et un shot sensoriel rarement égalé).
Dans un autre temps, et le sujet commence à être décliné par la critique, nous assistons ébahis à la confirmation d'un mythe contemporain : celui que Tom Cruise s'est lui-même créé autours de sa personne. "Top Gun" est une ode à l'acteur, producteur, cascadeur et à tout ceux qui l'aide à façonner sa propre légende (en ce sens la scène, très belle, avec Val Kilmer est l'hommage de la légende à une autre légende). Une ode virile qui revient autant sur la cohérence esthétique et narrative de sa filmographie que sur la personna (très sympathique).

À vendredi, Robinson
6.8
9.

À vendredi, Robinson (2022)

1 h 37 min. Sortie : 14 septembre 2022. Cinéma

Documentaire de Mitra Farahani

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Impossible de dire en quoi ce film serait différent, m'impacterais différemment du moins, sans la mort de JLG la veille de sa sortie... sans doute je ne l'aurais même pas vu. Une chose est assez troublante toutefois, c'est que le film dans une perspective quasi-prophétique met en scène tout du long une mort symbolique de Godard qui parlait alors beaucoup à l'époque de suicide et d'iconographie chrétienne (le film se tourne depuis 2014), double programme que comprend parfaitement Golestan ("il mourra" dit-il d'ailleurs à un moment après une hospitalisation) qui, lui, est bien décidé à s'accrocher à la vie dans un dernier acharnement, dira-t-il... voilà déjà un moment exceptionnel qui fait de cette dernière apparition du maître un document symbolique tout à fait exceptionnel (et émouvant) et donne déjà une dialectique au film. "A vendredi, Robinson" met donc en scène un dialogue (ou non-dialogue) épistolaire entre deux hommes; Godard et Golestan, deux légendes, deux Nouvelles Vagues, des centaines et centaines de films et surtout deux fins de vie. Radicalement différents dans leurs quotidiens et leur langage les deux hommes vont être poussés à échanger et échanger encore (des idées et des images, beaucoup); ce dispositif génial de la réalisatrice permet de filmer deux intimités, deux intellectuels au travail tout en constituant une partie créative vivifiante au film via le dressage d'une sorte de requiem (auxquels, musicalement, Farahani se rapporte constamment) et met en place ainsi un triple dialogue qui ne l'efface pas (du moins sa mise en scène) derrière nos deux monstres sacrés. Dialogue sans cesse questionné : fonctionne-t-il ? Existe-t-il vraiment ? Et mis en scène de façon souvent renouvelée (projections, mails, lettres, voix-off, interviews...) qui inscrit aussi cette recherche sur le plan esthétique. "A vendredi, Robinson" s'avère, par sa créativité et son important dispositif intellectuel, un documentaire exceptionnellement beau sur des gens qui n'ont pas finis de passionner et que Farahani aime profondément; mais aussi un document tout à fait exceptionnel sur une tentative tardive de dialogue entre deux mastodontes aux parcours parallèles (qui par définition ne se croisent jamais), dont l'un, Godard, du coup; nous apparaît une dernière fois comme on aimait à l'imaginer : vieux prophète perdu sur son île travaillant dur avec une cohorte d'images et de textes sans demander son reste mais ouvrant une dernière fois sa porte, éternels cigare et sourir

Poulet frites
7.2
10.

Poulet frites (2021)

1 h 43 min. Sortie : 28 septembre 2022. Société

Documentaire de Yves Hinant et Jean Libon

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Quel bonheur de découvrir "Poulet frites" au cinéma, si longtemps après "Strip tease" : émission culte pour tout un tas de génération; et de constater par la même que nos voisins et amis belges savent (encore et toujours) faire des films à l'humour tantôt (!!!) noir, absurde et profondément humaniste. Car "Poulet frites" c'est un documentaire au sens strict, qui dans une certaine mesure ne fait rien d'autre que de montrer factuellement une enquête de police. Sauf que nous avons affaire là à une rencontre au sommet entre des réalisateurs rigolards, inventifs et passionnés par leur sujet, dont l'envie de faire un vrai polar est évidente et surtout un bon gros trio de personnages inoubliables : avec la fameuse juge Anne Gruwez, le commissaire héroïque Jean-Michel Le Moine et l'éternel innocent Alain Martens. La caméra de "strip tease" toujours à l'avant-garde des situations capte tout de ces dialogues tordants, absurdes, de ces répliques qui si elles avaient été de la fiction auraient été invraisemblables; de ces moments de haute absurdité et de noirceur extrême qu'on nomme "la vie". Les meilleurs épisodes de "Strip tease" ont toujours été de ce calibre là... mais ici avec "Poulet frites" nous avons en plus l'ampleur, réelle, d'une enquête aux multiples rebondissements et filmée sur le long terme, qui raconte mieux que milles films sociaux comment la police joue, littéralement, avec ses petits moyens, sa bureaucratie et, dans le cas présent, sa bonne volonté. Nous avons un personnage hautement tragique en la personne d'Alain, un raté pur et dur, que tout accuse toujours et qui est représenté avec une dignité touchante, effarante du haut de son innocence. Enfin la juge, sarcastique, efficace, expéditive... dont le ton bien connu depuis un autre film (TV celui-ci) "Strip tease" n'a pas changé. Tout ceci passe par de la mise en scène, en cela "Poulet frites" a beau avoir été filmé dans une perspective télévisuelle en 2003, le voilà monté en 2022 dans un cadre éminemment cinématographique. Impossible de bouder son plaisir, le film nous fait rire de situations ô-combien délicates avec ce second degrés et ce goût du trash et de l'absurde dont au final seuls nos amis belges (et associés) sont les dignes gardiens.

Ambulance
5.6
11.

Ambulance (2022)

2 h 16 min. Sortie : 23 mars 2022 (France). Action, Gangster, Thriller

Film de Michael Bay

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

On ne sera jamais trop dire, chez Michael Bay, qu'est-ce qui esthétiquement découle de son auto-dérision ou de son aveuglement autistique. Néanmoins, il y a une chose sur laquelle il faut se rassurer : il est le maître incontesté du film d'action décérébré. Et, bizarrement, tellement décérébré qu'il est hautement cinématographique et, donc, se pense comme n'importe quel autre film d'auteur. Les lieux communs ayant été énoncés, disons clairement que "Ambulance" est un nouveau délire purement Baysquien (Bayesque ? Bayien ?), avec ses tropes habituelles et un déluge d'auto-citation (hilarant), où il prend un malin plaisir, dans une radicalité toute nouvelle, à ne jamais faire un seul plan un tant soit peu "calme" (si ce n'est à la toute dernière seconde). Le parti-pris esthétique de ce nouveau film est la caméra zinzin. Une armée de cadreurs complètement fous courent dans tout les sens, en cercle, en travelling, via des drones nouvelles générations et font tout un tas d'acrobaties sans queues ni tête pour cadrer la moindre petite action. Les caméras volent, chutent, sont percutées par des voitures, les cadreurs cavalent partout, font des saltos, survivent à des explosions, se font renverser par des camionnettes de 7 tonnes. La routine, en mieux. Et le montage prend un malin plaisir à garder ces petites imperfections, caméras brinquebalantes et bousculées, qui font l'apanage du style de Bay. L'un des sommets du film est bien-sûr l'éternel travelling circulaire autours de ses persos, ici doublé, voire triplé, cuté par-ci par-là, dans un sens et puis l'autre, les acteurs bougeant, tournant sur eux-mêmes... et tout cela avec une lisibilité parfaite qui tient du surnaturel. "Ambulance" c'est une histoire dont on se fout qui va être le prétexte à 2h non-stop de poursuites, de vannes, de cascades et de destructions dans un Los Angeles dédaléen qui n'a aucun sens en terme d'urbanisme; rendant dans le même temps toute la saga "Fast and Furious" complémentent caduque. "Ambulance" c'est Gyllenhaal et Abdoul-Mateen II en roue libre et la belle Eiza Gonzales (qui ressemble étrangement à la femme de mes rêves tiens...) qui vient personnifier le corps médical américain (Michael Bay applaudissait les soignants à 20h, lui). "Ambulance" c'est un film tellement généreux qu'on en sort complètement soul. Mais au-delà de la blague il faut en souligner absolument la rigueur, la cohérence artistique et l'envie de spectacle, de spectacle total qui en découle.

Massacre à la tronçonneuse
4.3
12.

Massacre à la tronçonneuse (2022)

Texas Chainsaw Massacre

1 h 21 min. Sortie : 18 février 2022. Épouvante-Horreur

Film de David Blue Garcia

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Alors là je dois dire que je me trouve sur le cul. Grandement surpris et très enthousiaste pour ce film que je n'attendais pas et que j'ai vu quelque peu par dépit. Cet énième "Massacre à la tronçonneuse" est tout ce que les reboots, suites, remakes de "Scream", "Halloween", "Vendredi 13" et j'en passe, ne sont pas. Cet opus est un petit film, une série B comme on en voit trop peu. Avec à sa tête des personnages un peu nouveaux (et ça fait plaisir car le genre ne fait que ressasser) balancés très vite dans une situation de slasher (oui, car là on nage en plein dedans) avec ses codes, ses références et même son fan-service (il me paraît assez réduit dans ce film là mais à ma décharge je n'ai pas grand souvenir du film de 74 et je n'ai pas vu ses suites). Le film catapulte des bobos en plein Texas, littéralement en plein décor de cinéma, et on pense qu'il va passer son temps à ironiser sur la dichotomie, il ne le fait pas. On pense qu'il va disserter pompeusement sur son genre, il ne le fait pas. Le film introduit une survivante à un massacre lycéen qui doit faire face à son trauma alors on imagine que le film va sans cesse s'y référer et le faire revivre, il ne le fait pas vraiment. On imagine même que le film va se mettre à moraliser, psychologiser les actions de leatherface, il ne le fait pas vraiment. Tout ça aurait teinté le film de cette atmosphère débilisante qu'on tous en commun ces films d'horreurs qui se croient intelligents sans jamais l'être. Ce "Massacre à la tronçonneuse" là est un shocker extrêmement violent, gore et généreux qui a très peu de tendresse pour ses personnages et pour ses spectateurs mais surtout ne se prend pas pour ce qu'il n'est pas. De par ce fait, mettant de côté l'aspect méta, woke, malin de son scénario; le film se concentre sur une mise en scène de l'horreur et de la tension souvent très fine et d'une violence sacrément impactante qui me rappelle les quelques remakes réussis de l'Alexandre Aja des grandes périodes. Sans nier les défauts évidents du film, je ne peux qu'applaudir la sincérité et la simplicité de cet artisanat que j'aurais aimé découvrir au cinéma au lieu de Netflix contrairement à ce "Scream" tout claqué qu'on a dû se coltiner.

Inexorable
6.4
13.

Inexorable (2021)

1 h 38 min. Sortie : 6 avril 2022. Thriller

Film de Fabrice Du Welz

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

On se trouve d'abord chez Amenabar lorsqu'on arrive dans cette demeure grande-bourgeoise perdue dans les Ardennes, les meubles encore couverts par des draps blancs fantomatiques qui matérialisent la présence d'un passé douloureux qui pourrait, pourquoi pas, venir torturer le présent. Mais ce n'est pas tout à fait de ce passé là qu'il sera question puisque on se met à verser du côté de chez Stephen King quand la vie paisible de ce grand écrivain; sa femme, issue de la grande bourgeoisie de l'édition (sublime Mélanie Doutey) et leur fille va se trouver toute chamboulée par l'arrivée pas du tout impromptue de Gloria. Enfin malgré un lot de références et de liens à effectuer (autant chez Polansky que chez Julia Ducournau pourquoi pas) nous sommes bien en plein cinéma Du Welzien et en ça le style ne nous trompe pas. "Inexorable" est un film corporel, une fois de plus, où la présence en question n'est pas celle d'un fantôme ou la menace d'un espace (quoique certains couloirs du château soient assez effrayants), mais celle d'un corps d'acteur et celle, palpable, d'un malaise. Très fidèle à l'esprit "Calvaire" lorsqu'un malaise organique parcourt péniblement les événements du films et le teinte d'un macabre tantôt épouvantable tantôt cocasse selon s'il verse du côté de l'inceste ou du quiproquo de classe (c'est aussi Jacky Berroyer, fidèle à son génie, qui apporte cette couleur avec lui). La transformation matérielle du malaise en film est le cœur de l'ouvrage et se traduit par de fastidieux travellings, des longs plans campagnards très Hooperiens, puis des shots de violences beaucoup plus découpés et tout cela souligné par la lumière exceptionnelle du formidable Manuel Dacosse (la scène de discussion rougeâtre au déclin du soleil est en ce sens une des plus merveilleuses idées que j'ai vu cette année au cinéma). Enfin comment ne pas parler à la fois de la révélation Alba Gaïa Bellugi et de la performance désormais inoubliable du grand Poelvoorde tel qu'on ne l'a jamais vu. "Inexorable", vous l'aurez compris, est remplit de choses bien connues et déjà vues avant; mais tout est invoqué avec un sens inouï du style et de l'ambiance ce qui en fait, inexorablement (désolé), un grand moment brutal du cinéma de genre francophone.

Leila et ses frères
7.7
14.

Leila et ses frères (2022)

Leila's Brothers

2 h 39 min. Sortie : 24 août 2022 (France). Drame

Film de Saeed Roustaee

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Continuant dans une perspective de fresque d'ampleur familiale la puissance de feu de son excellent "La Loi de Téhéran", Saeed Roustaee met à plat la thématique la plus incontournable au cinéma iranien : l'hypocrisie de la réaction, des codes socio-religieux, qui régissent le pays, les familles et les êtres. Oui, il y a un peu du "Parrain" dans ce film, d'abord en références claires et typiques (portes qui se ferment sur des réunions auxquelles on a pas accès) mais aussi dans l'aspect quasi-choral de la fresque familiale à grande échelle qui prétend raconter au moins deux déclins : celui de la cellule et de la nation. En ce sens "Leila et ses frères" magistralement porté par un quintette de comédiens magnifiques et une mise en scène ultra-vive; se permet même deux séquences de danses, de réunion, douces et amères déchirantes qui sont parmi les plus énergiques et inoubliables de l'année. Sans jamais oublier d'être drôle, ironique, touchant et souvent très violent; Roustaee touche du doigt deux absolus du naturalisme : l'universalité et le réalisme et tout ceci sans oublier les leçons des cinéastes baroques via une mise en scène qui se permet des excentricités (notamment en prenant les accents du thriller) et même un montage parallèle au début du film qui contient déjà tout le propos antinomique et en dernière analyse profondément nihiliste du film. A noter, et ce n'est pas rien, qu'en seulement deux films Roustaee vient de s'affirmer comme le nouveau cinéaste incontournable pour l'Iran et le monde.

Fumer fait tousser
6.3
15.

Fumer fait tousser (2022)

1 h 20 min. Sortie : 30 novembre 2022. Comédie, Fantastique

Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Depuis "Le Daim" avec Dupieux ça ne va pas si bien que ça. De façade on donne le change, je ris beaucoup et peut encore le trouver intéressant mais comment pardonner le sketch "Mandibules" que j'attendais tant... difficile... mais à toute relation toxique il y a ses moments de doute et "Fumer fait tousser" me le remet.
"Fumer fait tousser" semble en fait l'aboutissement de cette accumulation abusive de films/sketches (quoiqu'en dise Dupieux) en un seul projet qui propose essentiellement trois éléments :
- Une comédie gagesque portée par une troupe et des caméos. En ce sens tous sont géniaux.
- Des trouvailles surréalistes à tous les niveaux, décors, narration, costumes et accessoires et une grosse dose de gore-fun qui démontre la patte "cinoche qui tâche" à l'ancienne et qui est un réel régal.
- Une méta-représentation de la narration par la narration elle-même; elément qui renoue déjà avec les nombreux ouroboros filmiques méta-textuels que nous a pondu Dupieux à la différence près que l'addition avec les deux derniers éléments le rend particulièrement notable (car depuis Le Daim on s'ennuie un peu chez Dupieux) et généreux à tous les plans. "Fumer fait tousser" est un vrai shitpost filmique où tout le monde semble s'amuser et c'est fait avec style et cette belle acuité visuelle pour la bizarrerie que Dupieux n'a finalement pas troqué contre de l'efficacité. Ouf !

Licorice Pizza
7.1
16.

Licorice Pizza (2021)

2 h 13 min. Sortie : 5 janvier 2022 (France). Comédie dramatique, Romance

Film de Paul Thomas Anderson

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Pour un premier film vu en 2022, un PTA est nécessairement un bon signe. Le maître, toujours surprenant, nous emmène dans les 70's à L.A. pour suivre l'histoire d'amour de deux personnages aussi non-héroïques que formidables. Dans toute sa durée le film est une réjouissance, pop, drôle, émouvante, vraie. Il se paye le privilège d'être ponctué de quelques scènes déjà cultes (je pense aux caméos de Sean Penn et de Bradley Cooper) et est porté par un duo composé par le charmante Alana Haim et le non moins charmant Cooper Hoffman dans des compositions vivantes, naturalistes et touchantes. Le film qui tourne plus ou moins autours du cinéma semble être une sorte de réponse au "Once Upon A Time... In Hollywood" la violence en moins, la vie réelle en plus. Le personnage de Sean Penn notamment semble tout droit sortit d'un Tarantino (cascadeur star et s'exprimant en réplique de films) et que dire de ce plan de retrouvailles devant (et non dedans) un cinéma qui affiche des titres évocateurs de l'époque. Ce que "Licorice Pizza" raconte d'autre c'est qu'il est profondément tourné vers l'extérieur du cinéma. C'est une ode à la vie, à l'enfance, celle qu'on doit conserver même adulte. Qu'est Gary, sinon un adulte-enfant ? C'est en ce sens une vraie bouffée d'air frais et nage non-loin d'un "Inherent Vice" dans l'esprit, via son décor, ses temps morts narratifs et sa grande galerie de personnages haut-en-couleurs qu'on croise sans faire particulièrement avancer le récit. Le seul bémol arrive à la toute fin du film qui frôlait franchement la perfection, cette scène de retrouvaille toute droite sortie du formol Hollywoodien. Une scène typique de retrouvailles amoureuses, où PTA clame encore son amour de la rom-com à l'américaine, mais qui opère vraiment un retour branlant à un académisme hors-propos. Oui la fin fait retomber le soufflet. Mais ne gâche pas pour autant le beau délivré d'un nouveau beau film du maestro.

The Northman
6.4
17.

The Northman (2022)

2 h 17 min. Sortie : 11 mai 2022 (France). Aventure, Drame, Fantastique

Film de Robert Eggers

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Largement éligible au film le plus zinzin de l'année, "The Northman" se regarde avec jubilation tant il semble sorti du siècle précédent. On revivrait presque le glorieux "Conan le Barbare" dans son jusqu'au-boutisme primal qui le plus sérieusement du monde nous raconte son histoire, au fond très clichée, de vengeance mystique trempée dans de l'héroïc-fantasy avec cris bestiaux, biscotos mouillés de sueur et un sens du kitsh tout à fait inattendu. Peu de place pour la bluette mais beaucoup pour l'action, la baston stricte et rigoureuse, les mises à morts variées et généreuses, un onirisme rude qui lorgne vers l'horreur, des dialogues factuels et hurlés à la mort et toujours ce questionnement esthétique sur le vrai du faux dans les croyances qui parcourt l’œuvre de Eggers comme un fil rouge. Sur cette idée de kitsh, encore là une ligne fine sur laquelle Eggers joue au funambule : celle séparant le baroque du ridicule. De toute évidence Eggers a abandonné la modestie de "The Witch" et l'horreur psychologique Lovecraftienne de "The Lighthouse". Cette modalité esthétique trouve son climax lors du climax (jusqu'ici tout va bien), cette fameuse scène de combat dénudée (et finalement dénuée de sens ou plutôt nihiliste) en contre-jour face à une éruption volcanique en images de synthèses bien criardes. Voilà une idée qui sur la papier me révulserait mais dont le délivré est si frappant dans le moindre pixel qu'il marque durablement la rétine et, de toute façon, questionne le faux ontologique de ses images. Ailleurs, du côté du scénario, le film cite, déroule et pastiche le petit Shakespeare illustré de manière plus ou moins rigoureuse (le personnage s’appelle Amleth... on a vu plus fin). Pourtant au détour d'une scène de confrontation (en ce sens l'incestueuse confrontation Skarsgard et Nicole Kidman est une pure merveille), d'une phrase énoncée tout haut, théâtralement, on se met à se tortiller sur son siège car oui on trémousse d'envie de voir le viking venger l'honneur du père et d'un peu tout le monde. Skarsgard dans sa performance (au sens d'art conceptuel) réussi à lier dans un tourbillon invraisemblable la distanciation Brechtienne et le jeu bovin de nos bodybuilders américains des 80's. "The Northman" est, du haut de son extrême générosité, une œuvre oscillant souvent entre le n'importe-quoi et le génie, parfois entre le sublime (au sens plastique) et la chiasse numérique et généralement entre le divertissement décérébré et l’œuvre sensible et franchement

Decision to Leave
7
18.

Decision to Leave (2022)

Heeojil Gyeolsim

2 h 18 min. Sortie : 29 juin 2022. Thriller, Drame, Romance

Film de Park Chan-Wook

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Le retour tant attendu de Park Chan-Wook aux affaires dans un thriller qui allie les 3 éléments fondateurs de son style : scénario à rebours et rebondissements, mise en scène millimétrée qui se réinvente à chaque instant et jeu d'acteur élégant et fin. Ces éléments y sont bien présents et cohérents en plus, avec cette mise en scène retorse qui joue des reflets, des double-jeu, renverse les perspectives par des mouvements de caméras audacieux, sépare et rassemble dans des cadres hallucinants son duo de personnage. "Decision to Leave" est d'autant plus classieux qu'il semble se retenir (sur la violence et la sexualité notamment) pour traiter au mieux les ressorts psychologiques de nos personnages, dont l'existence tout à fait palpable est l'immense point fort du film. On pourrait notifier aussi la mise en musique sublime du film et la somme de tous les éléments pro-filmiques qui confirment décidément la maestria de Park. Je tenais à dire aussi que malgré toutes les qualités évidentes, indéniables et louables du film, un petit quelque chose me manque. "C'est pas toi, c'est moi Park". Nous avons tout de même affaire à un film calibré, millimétré qui ne laisse sa place qu'à très peu de moment de vie et dont la mise en scène ostensible est bluffante, oui, mais derrière ce bluff... je pose la question... y-a-t'il autant d'âme que "Mademoiselle" ou... j'ose... "Old Boy" ? Ceci je n'en suis pas sûr.

Les Crimes du futur
5.8
19.

Les Crimes du futur (2022)

Crimes of the Future

1 h 47 min. Sortie : 25 mai 2022 (France). Science-fiction, Épouvante-Horreur, Drame

Film de David Cronenberg

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Un film de Cronemberg qui sent les années 90 à plein nez, déjà daté en somme dans sa façon de recycler des motifs. Tout ces mots clés sont au coeur même de la diegese et du récit philosophique qu'il incarne.
L'ouvrage en devient du même coup passionnant. Apathique, clinique et parfois très didactique. Mais passionnant.
Cronemberg convoque le discours debordien de la société du spectacle et la mise en scène du corps dégénérescent qui s'approprie sa nouvelle humanité via le new-sex (son altération). L'organe-simulacre si l'on veut. De Crash à eXistenZ en passant par Vidéodrome : Les Crimes du Futur est l'ultime point de la ligne droite qu'il a tracé. Pas pour rien que l'excellent Mortenson devient, incarne un alter-ego Cronembergien qui croit performer pour survivre mais lutte contre sa nature de nouvel homme. Un nouvel homme ontoligiquement écolo.
Par ailleurs le film s'amuse de son décor grec étrange, brouille les repères temporels, politiques et sociaux via des idées de design vraiment notables mais aussi des intrigues dont il ne faut par ailleurs rien attendre. C'est aussi ainsi qu'il laisse un peu coi.
Le film décortique aussi le jeu de ses acteurs, particulièrement le désormais éternel et parfait érotisme pincé de Léa Seydoux ou encore l'autisme bagayant de la formidable Kristen Stewart pour ne citer qu'elles.
Finalement "Les Crimes du Futur" est une oeuvre somme, quasi testamentaire où fondamentalement on ne découvre rien de nouveau dans le discours philosophique mais une symbiose intellectuelle vivifiante entre toutes les thématiques qui pavent le cinéma de Cronemberg montrées de but en blanc comme une autopsie.

After Blue (Paradis sale)
5.8
20.

After Blue (Paradis sale) (2021)

2 h 07 min. Sortie : 16 février 2022. Science-fiction

Film de Bertrand Mandico

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Avec "After Blue", capsule expérimentale et rétro-toxique, Mandico me réconcilie avec son cinéma. Après "Les Garçons Sauvages" (que je n'ai pas revu depuis l'époque) j'étais un peu déçu par un aspect "tout ça pour ça" de la mise en scène et son déluge d'effets pour finalement un propos un peu simple voire béta. Ici j'y trouve déjà plus, non pas plus de profondeur, mais plus de narration, plus de diégèse. L'étrange cohérence de l'univers fait un bel effet et y suivre cette aventure de western-spaghetti ultra-sexué et salace flatte la rétine et le cerveau. Je dois dire que je suis particulièrement emballé par la prestation hallucinante de la génialissime Vimala Pons qui n'est pas une simple actrice mais une comète de charisme qui, et ce n'est rien de le dire, fait bruler toutes ses scènes (et Mandico devient franchement avare de son actrice pour mieux nous la faire désirer) au service d'un personnage hautement cynique, hautement cocasse et diablement sensuel. Du reste je ne m'attarderais pas à commenter le style visuel, tout ce qui relève de la direction artistique, qui sans me fasciner me plaît plutôt bien. Mais pour contrebalancer quelque peu il me faut dire que le film reste quand même un gros morceau qui devient un peu dur à avaler passé les 3/4 de métrage, et ceci est dû à mon avis encore une fois à un aspect un peu déceptif quand on a compris la logique de l'univers et du style qui finalement se renouvelle assez peu. Le risque quand on mise autant sur sa direction artistique c'est qu'elle se doit du coup de devenir tout le temps inventive et surprenante et force et de constater qu'à un moment donné le bluff (car il s'agit bien de ça au final) ne prend plus et on se met à se lasser un peu d'"After Blue", paradis sale certes, mais paradis en toc surtout.

Retour à Reims (Fragments)
7.3
21.

Retour à Reims (Fragments) (2021)

1 h 23 min. Sortie : 23 novembre 2021. Société, Historique

Documentaire de Jean-Gabriel Périot

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Par le portait familial sensible et une grande variété d'images d'archives, Périot réalise un portrait très complet et assez précis de la classe ouvrière au siècle précèdent jusqu'à aujourd'hui. Il rappelle avec succès les fondamentaux de la lutte des classes et propose même une réflexion sur le vote ouvrier très à propos vis-à-vis de notre situation actuelle. Le film soutenu par un texte tour à tour beau, juste et précis nous offre surtout une fin ouverte sincèrement révolutionnaire. Et c'est cette cohérence entre l'analyse de classe et la direction des luttes qui font du film un beau documentaire militant et un outil d'analyse nuancé et pertinent.

Trois nuits par semaine
6.8
22.

Trois nuits par semaine (2022)

1 h 43 min. Sortie : 9 novembre 2022. Drame, Comédie, Romance

Film de Florent Gouëlou

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

"Trois nuits par semaine" en sa qualité de premier film bien sérieux sur la thématique du drag (queen) pourrait avoir l'air d'être un dangereux crash-test. Et pourtant il fait mouche en au moins deux points fondamentaux.
D'abord le film de Gouëlou par sa connaissance et son amour véritable du milieu embrasse (comédie romantique oblige) par la mise en scène toutes les tropes esthétiques qu'il draine avec lui. Y passent donc le milieu de la nuit et le baroque qui va avec, le jeu sur les genres et sur la double identité, la verve haute de la comédie, le film de compétition et l'histoire d'amour classique du film romantique à particularité queer... tout ceci avec une cohérence très belle qui est tout à son honneur. Milieu clôt s'il en est où l'on est introduit par l'intermédiaire d'un photographe prophane, figure connue mais intelligente, pour nous emerger nous aussi par l'automédiatisation du regard. Aussi il y a une façon de traiter, scénaristiquement, ses thématiques vraiment intéressante; notamment la pseudo-homosexualité du personnage qui tombe amoureux de la drag-queen et qui est traitée naturellement sans tomber dans le double écueil : "c'est le problème principal de la construction scénaristique" ou bien "on fait comme si de rien n'était". Ici se joue quelque chose de fin, respectueux et résolument bienveillant. À l'image du film, très réussi, tres captivant donc et promis à une belle vie.

Ennio
7.6
23.

Ennio (2021)

2 h 36 min. Sortie : 6 juillet 2022 (France). Portrait, Musique, Cinéma

Documentaire de Giuseppe Tornatore

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Le documentaire tant attendu sur le plus grand maestro de l'histoire de la musique de film (oui oui) se trouve être de facture très classique (quoique parfaitement rythmé et s'offrant même des séquences de pur montage entre extraits de films, concerts, archives diverses, etc, de grande beauté) mais, sans doute, dans le bon sens du terme. Le film, dense, prend le partie d'aborder très directement et avec le maestro lui-même, deux facettes : la biographie classique et une évocation du style musical assez précise via une variété d'entretiens (dont l'accumulation de personnalités parfois juste là pour faire acte de présence alourdit largement le film). "Ennio" est donc un film très précis, très intéressant, qui émeut autrement que part la dramatisation à outrance de la perte de Morricone au monde du cinéma et de la musique. Cela semble en même temps l’œuvre documentaire définitive sur la figure du maestro qui se trouve à la fois précisé, expliqué, réhabilité dans le cadre de la musique savante et en filigrane Tornatore nous fait aussi le portrait de l'âge d'or du cinéma italien. L'époque, révolue, où il était l'un des (si ce n'est le) plus importants cinéma à échelle mondiale et, certes, c'est un fait de constater que ce fut en grande partie Ennio qui en signa la bande-son. A jamais, "Ennio" aura le mérite d'en affirmer toute l'importance fondamentale dans l'histoire de l'art. Et c'est déjà en soit une réussite.

Les Nuits de Mashhad
7
24.

Les Nuits de Mashhad (2022)

Holy Spider

1 h 56 min. Sortie : 13 juillet 2022 (France). Thriller, Drame, Policier

Film de Ali Abbasi

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Tout est là, dans l'idée, dans le nouveau film d'Ali Abbasi pour emboîter le pas du génial "La Loi de Téhéran" qui a marqué l'année précédente. Ici on est dans le polar meurtrier, glauque et lugubre qui servira de toile de fond à une exploration sociale de l'Iran du tout début des années 2000 avec une personnification très claire de l'hypocrisie du régime islamiste, qu'est en fait ce "tueur araignée" en plein jihad, à la fois pervers sexuel machiste illuminé (dans l'imagerie classique du tueur en série) et mû par une mission sacrée à laquelle une partie de la société va s'identifier. En substance tout y est : la prostitution mi-cachée, mi-assumée (à l'image de ces prostituées exagérément maquillées mais à demi-voilées); l'épidémie de crack et d'opium; la corruption des instances gouvernementales et, beaucoup moins en substance, le climat extrêmement sexiste qui parcours l'Iran. Puisqu'il s'agit à terme, et le film nous le dit (peut-être un peu trop directement d'ailleurs), d'un film qui représente le pire travers de l'oppression patriarcale, celle sous couvert de religion, qui mènent à l'exécution sommaire de la gente féminine (déclassée) dans le silence assourdissant de la majorité. Que le gouvernement purge les cas les plus extrêmes ne règle pas le problème pourrait-on se dire en sortant du film. Déjà que le film soit capable de nous souffler ça est à mettre au crédit de la finesse du réalisateur. Un défaut tout de même, à relever dans la mise en scène qui est du reste mémorable; c'est que le film démarre fort, sur les chapeaux de roues, de manière très énergique et violente, à un niveau de trash élevé et assumé mais qu'il finira par s'assagir tout du long (hormis peut-être une scène de violence assez maline) ce qui crée un effet bizarre et le rend du reste moins impactant, moins violent.

Bowling Saturne
6.2
25.

Bowling Saturne (2021)

1 h 54 min. Sortie : 26 octobre 2022. Thriller, Drame

Film de Patricia Mazuy

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Après le mystérieux et toutefois mémorable "Paul Sanchez est revenu" c'est bien Patricia Mazuy qui revient et fort. Voilà une accroche vraiment à chier, je l'admets sans mal. Je ne savais rien du film que je prenais pour un film de gangster américain de série B et qui, évidemment, n'en est rien. Il ne faudrait pas trop en révéler ici pour, qu'au cas où vous me lisiez, vous découvriez avec une certaine sidération ce film. Disons le tout de suite il dispose d'une imagerie de genre absolument assumée où Mazuy dispose ses acteurs sur tout un tas d’aplats de rouge et où la lumière (rouge essentiellement) semble avoir une influence sur les personnages. Je le dis de manière un peu poétique car le film ne raconte pas ça, mais c'est l'impression qui s'en dégage. De plus, dans une forme de continuité avec son précédent film il y a encore quelque chose de la fuite en avant et même de l'errance dans celui-ci qui se retrouve rattrapé par des shots d'ultra-violence (et là on parle bien d'ultra-violence) qui peuvent laisser sur le carreau. En l'état, 5-6 spectateurs ont quittés la salle, ce qui est très bon signe. Il se retrouve, hasard du top, près de "La Nuit du 12" duquel il partage un thème commun : l'enquête sur le féminicide mais en propose le penchant psychologique, celui d'un tueur, d'un enquêteur et d'une étrange filiation dans la destruction de la vie qui prend date dans trois moments, trois scènes absolument mémorables et d'une violence impitoyable. L'idée psychologique derrière ce dispositif n'est peut être pas pertinente mais elle est montrée avec juste ce qu'il faut de finesse pour que son édiction ne paraisse pas abusive. Arrêtons nous là pour le cas "Bowling Saturne" mais ajoutons que je jubile franchement d'avoir posé mon regard curieux sur une œuvre sensiblement radicale et qui ne se refuse rien en terme de représentation sans jouer sur la carte grand-guignolesque qui aurait été déplacée.

La Nuit du 12
7.2
26.

La Nuit du 12 (2022)

1 h 54 min. Sortie : 13 juillet 2022. Policier, Drame

Film de Dominik Moll

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Réussissant miraculeusement à articuler un vrai bon polar sur une base pseudo-politique (alors qu'il me semble que d'habitude c'est l'inverse) particulièrement indigente (men are trash + faut mettre des femmes partout parce qu'elles sont gentilles); "La nuit du 12" réussit à être impactant à plusieurs titre : dans sa mise en scène, Grenoble ville-cuve comme enchassée dans la montagne s'allie à une réalisation brumeuse dont quelques effets (surimpression des suspects) déploient des idées simples (voire bête) mais impactantes visuellement. De même que le jeu des acteurs et les situations narratives oscillent entre le naturalisme social et la représentation policière fantasmagorique (en ce sens Bouillon et Lanners semblent parfois ne pas jouer dans le même film pour finalement se rejoindre lors de moments forts). C'est un peu tout l'argument du film qui se déploie là et qui aurait dû en somme tout laisser dans les mains de la mise en scène de ce feminicide, de ce quotidien de flics, si atroce et si banal. Moins de discours direct et plus de cinoche et l'on tenait un polar féministe, spécial, dépressif et rudement bien mené.

Days
6.4
27.

Days (2020)

Rizi

2 h 07 min. Sortie : 30 novembre 2022 (France). Drame, Romance

Film de Tsai Ming-Liang

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Tsai Ming-Liang, bien sûr, échappe à tout top, à toutes notations tant son cinéma est à part. Sa proposition, en gros, n'a pas beaucoup changée depuis ses expérimentations muséales et "Days" est en soi une expérimentation du réel, du quotidien, du temps, du naturalisme; en bref de la monotonie. Pour autant le cinéma de Tsai Ming-Liang n'est pas une succession de plan-séquences ou de plans fixes montrant simplement un quotidien; "Days" dispose bien d'une narration, une narration qui se capte au détour de longues actions et qui, l'air de rien, accumule les thématiques liées à l'homosexualité, à la prostitution, à l'hygiène (vrai cinéma de l'eau et du soin corporel). En ce sens "Days" est aussi un film romantique. D'abord car il aborde une pseudo-romance contrainte et entravée (mais les yeux ouvert au petit matin et la boîte à musique ne mentent pas) mais aussi car il est entouré d'une atmosphère hautement poétique et ceci, car le film ne montre que des choses simples de manière brutes, via le temps long. En nous faisant expérimenter deux solitudes qui se croisent mais surtout le temps qui passe, "Days" place le spectateur dans un état constant d'attente : quel sera le prochain plan ? Quand nos deux hommes vont-ils se croiser ? Car se croiser, comme changer de plan c'est inexorable. Ainsi soulignons, car la longueur des plans est commenté par tout le monde, l'intelligence poétique du montage d'une simplicité totale, fidèle à ce qu'il montre, mais transformant la forme brute et réelle en une matière malléable et un trajet constant musical et lentement rythmé malgré sa fixité (pas généralisée je précise). Deux hommes, des bains, des massages, de la cuisine, une ville; tout pour la mélancolie en somme.

EO
6.9
28.

EO (2022)

1 h 27 min. Sortie : 19 octobre 2022 (France). Drame

Film de Jerzy Skolimowski

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Si "EO" se retrouve affublé de cette note bâtarde il le doit à la co-subsistance de deux éléments majeurs dans le film qui se marient bien mal dans mon esprit et dont l'un à tendance à prendre le dessus sur l'autre.
"EO" raconte les pérégrinations d'un âne qui se confronte à différents tableaux humains ou plutôt différents types de relations inter-spécistes; le liant entre ces tableaux n'est pas nécessairement traité sous l'angle du réalisme mais plutôt avec une fascination pour l'effet de style baroque et la quasi-expérimentation. D'un point de vue strictement esthétique, "EO", file un ensemble d'effets sublimes avec une grande acuité et un sens du "genre" tout à fait passionnant. Dans son imagerie il convoque beaucoup du cinéma d'horreur et tout ceci dans l'optique d'inféoder ses effets au regard de l'âne Eo. Le film dans sa mise en scène et son montage est pensé comme le regard de l'animal sur le monde humain; ainsi l’œil d'Eo se retrouve dans chaque scène, et la caméra-oeil capte des phénomènes expérimentaux qui viennent intenter une émotion, un sentiment de l'âne sur ce monde qu'il observe. Dans une certaine mesure, puisqu'il semble toujours appréhender les événements avec justesse, Eo se retrouve à la place juste, pure et naïve (au sens de naturelle et spontanée) du quasi-saint. Car Eo est un être de pureté et son regard sur le monde, s'il est baroque, semble être à terme vrai. Et là point un sens du film que je trouve particulièrement dérangeant. L'âne Eo ne croise dans son périple que le pire de l'âme humaine, il ne se confronte qu'à des stéréotypes d'humains problématiques, et pas seulement dans leur rapport aux animaux (et même les personnages sympathiques l'abandonnent sauf des enfants trisomiques, une idée si naïve qu'elle est ridicule). Et comme le regard d'Eo est amalgamé à la vérité, le portrait de l'humanité dans le film est profondément dégueulasse. Mais Eo, en bon âne, et à travers lui Skolimowski, n'a pas cherché à comprendre ce qui différencie les êtres humains qu'il croise et en quoi leurs rapports aux animaux y sont liés. Par exemple : les hooligans qui tentent du tuer Eo sont-ils comparables aux employés d'exploitations animalières ? Évidemment non; mais Eo ne peut le comprendre et le spectateur ne peut en voir les déterminismes et Skolimowski s'évite bien tranquillement tous les questionnements complexes au dessus de son discours dominant : les humains maltraitent les animaux. Et c'est bien ça le problème de "Eo", peut-être à-t-il r

A Chiara
6.4
29.

A Chiara (2021)

2 h 01 min. Sortie : 13 avril 2022 (France). Drame

Film de Jonas Carpignano

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Jonas Carpignano a assemblé, avec "A Chiara", une somme de belles réussites majeures que je m'en vais vous lister. D'abord à la base nous avons une idée et un scénario qui convoque à la fois tout un pan du cinéma de gangster mais aussi, très clairement, celui du cinéma intimiste, de famille et il est à noter la cohérence et la pertinence d'une telle alliance. Dans le jeu des 7 familles mafieuses de cinéma nous avons eus le père et tous les mâles de la famille, nous avons eus la mère mais plus rarement la fille, ado, qui s'apprête à découvrir de quoi est fait son quotidien de princesse pourrit-gâtée. Aussi, Carpignano tente, mais ne réussi pas tout à fait (mais au moins il tente) d'invoquer le domaine du rêve et du fantasme pour des scènes oniriques qui ne convainquent guère jusqu'à la scène du "retour" de Chiara sous les yeux de sa petite sœur ou quelque chose du regard enfantin sur les "grands" fait sens. En ce sens la partie la plus intéressante est bien cette fête d'anniversaire où déjà semble se dresser par touches les habitus des clans mafieux, sans que jamais cela ne soit flagrant pour les participants et pour nous. Dans cet ordre d'idée nous avons un là casting qui un peut comme dans le "Bonne Mère" de Hafsia Herzi sont des débutants et de la véritable même famille; l'énergie qui s'en dégage marche parfaitement et du lot sort bien évidemment notre Chiara, Swamy Rotolo, difficile et sublime dans toute son adolescence; c'est très clairement une révélation. Du reste un caractère immuable du film de mafieux prend encore une fois avec cette famille dont le quotidien parle à tous, ces décors calabrais fait de cités et de côtes bleutées, ces accents de haut-vol, ces bunkers cachés et ses shots de violences (savamment calculés); le tout tamisé par le regard quasi-externe de Chiara qui vit l'adolescent conflit avec le foyer familial, avec son identité, de la manière la plus radicale qui soit. C'est seulement à la caméra épaule virevoltante et un peu brouillonne que j'en veux en fait; beaucoup de séquences ne semblent pas désigner un autre procédé de mise en scène (je veux dire par là qu'il paraît naturel) mais pour autant la caméra à l'épaule n'est toujours pas un horizon esthétique et trop souvent le film s'arrête à ça.

Les Vedettes
6.2
30.

Les Vedettes (2022)

1 h 42 min. Sortie : 9 février 2022. Comédie

Film de Jonathan Barré

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Aussi vrai que qu'il m'avait bien fait marrer sur le moment, "La Folle Histoire de Max et Léon" ne m'a pas laissé de souvenir imprescriptible. Par contre avec "Les Vedettes", même s'il est encore tôt pour le dire, je peux déjà dire qu'il se passe un truc. Un vrai truc. Je suis le Palmashow depuis leurs débuts sur internet, c'est à dire littéralement leurs débuts et j'ai toujours été client de leur sketchs. Mais le cinéma c'est autre chose, c'est une chose sérieuse pour laquelle je ne fais pas dans le sentiment. Et reste, évacuons le tout de suite, que la mise en scène globale du film (à l’exception faite de la mise en scène ludique qui est faite des émissions TV) n'est pas intéressante. Mais passé la scène d'ouverture (dialogue en champ/ contre champ raté), la mise en scène devient suffisamment invisible pour ne pas gêner. Et soyons honnête, ce n'est pas la subtilité de la mise en scène qui focalisait mon attention dans les premiers McKay ou mêmes la plupart des ZAZ. C'est dans l'humour, l'alchimie du duo et même plus largement celle de la troupe (car les habitués du Palmashow ne feront que reconnaître tout du long les comédiens faisant partie de la famille élargie) qu'il se passe déjà quelque chose. Le film est franchement drôle, pas si couillon qu'à l'accoutumé et même très juste avec ses personnages. Leur traitement n'est pas une longue moquerie de leurs travers mais un accompagnement gaguesque de leurs aspects atypiques; dans l'esprit d'un Will Ferrell/John C. Reilly. Que le film soit drôle, et franchement il l'est, c'est le minimum syndical; ce qui fait qu'il se passe quelque chose de plus tient à une facette qui n'existait pas du tout dans le précédent film et même de manière générale dans leurs sketchs : c'est un vrai point de vue sociologique sur leurs personnages. Le film prend place dans tout ce que la classe moyenne de province possède de stéréotype mais il y prend place avec une telle justesse que je me suis trouvé parfois en terrain Kervern et Délépine. Tout de ces zones commerciales immondes à ces diners/karaoké de province, de ces quartiers pavillonnaires sans âmes et de ces fans de TV qui figurent dans les publics est vrai et me parle; d'abord car j'en viens moi-même mais surtout parce que la représentation est juste et c'est la que le "truc" opère. De manière plus épaisse et balourde, "Les Vedettes" renoue quand même avec "Le Grand Soir" et l'emmène sur les plateaux de TV où ça déglingue à tout va pour notre plus grand plaisir.

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