Cover Jean-Pierre Melville - Commentaires

Jean-Pierre Melville - Commentaires

Le créateur singulier d’une mythologie sans véritable héritage du policier français (si ce n’est en Asie) : Melville a puisé dans le film noir hollywoodien ses motifs élémentaires et en a fait les composantes d’un univers tirant vers l’abstraction et le fétichisme, au moralisme désabusé. J’aime ...

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11 films

créee il y a presque 12 ans · modifiée il y a plus d’un an

Le Silence de la mer
7.1

Le Silence de la mer (1949)

1 h 27 min. Sortie : 22 avril 1949 (France). Drame, Guerre, Romance

Film de Jean-Pierre Melville

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Une maison de campagne sous l’Occupation, le froid hivernal qui engourdit les corps, la pipe fumée par l’oncle et l’ouvrage tricoté par la nièce devant l’âtre à la veillée, le tic-tac de l’horloge qui bat comme un cœur, et les mots de l’officier allemand, infiniment courtois, qui formule ses rêves de culture et de fraternité, son horreur de la guerre, son amour de la France. L’un parle, les deux autres écoutent, une voix-off décrit des actions et des gestes que l’image réitère. La concentration de l’image et du texte confère à chaque évènement, si minime soit-il, sa plus grande force de signification, et à ces rapports totalement silencieux leur plus haut degré d’intensité. Le système bressonien devra beaucoup à cette tragédie de l’estime et de la dignité, dont la grandeur utopique se brise sur les récifs de l’Histoire.
Top 10 Année 1949 :
https://urlz.fr/kegg

Les Enfants terribles
6.1

Les Enfants terribles (1950)

1 h 45 min. Sortie : 22 mars 1950 (France). Comédie dramatique

Film de Jean-Pierre Melville

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Jean Cocteau a lui-même confié l’adaptation de son célèbre roman au jeune Melville qu’il admirait. Si l’on parvient à dompter la stylisation littéraire et la radicalité ardue des mots, de leur récitation, de leur musicalité, alors une fascination vénéneuse opère et s’accroît jusqu’à l’ultime image. Il y a quelque chose d’incantatoire dans cette prose argotique, dans les joutes taquines, enveloppée d’une affection étouffante, que s’échangent ces deux ados blonds comme des anges, dans ces images à la lisière du fantastique et à l’irréalité féérique, dans ces palais de souvenirs et de reliques hantées par une figure machiavélique dont le visage ne se dévoilera qu’à la fin – celui d’un amour fraternel, maléfique, et d’une enfance consumée jusqu’à la folie par une passion exclusive.

Bob le flambeur
6.9

Bob le flambeur (1956)

1 h 38 min. Sortie : 24 août 1956 (France). Policier, Drame, Thriller

Film de Jean-Pierre Melville

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Le premier polar de Melville s’inscrit dans la tradition du film noir à la française mais s’en démarque par une fascination du décor et de la mythologie américaines en même temps qu’un regard presque ethnologique sur le milieu, flics et truands, menteurs et indicateurs, condamnés à la solitude dans une jungle aux couleurs de faire-part de deuil. On y perçoit d’emblée une ligne personnelle, une forme de moralisme désenchanté exaltant une image qui serait désuète si elle ne composait une poétique de la virilité et des sociétés d’hommes. Captivant mais d’une sécheresse peu amène, un tantinet raidi par ses composantes théoriques (la voix off commentant avec neutralité le déroulement de l’action), le film secrète l’ironie tragique d’un parcours condamné d’avance.

Léon Morin, prêtre
7.2

Léon Morin, prêtre (1961)

1 h 57 min. Sortie : 22 septembre 1961 (France). Drame, Romance, Guerre

Film de Jean-Pierre Melville

Thaddeus a mis 10/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Elle se dit athée, élève seule sa fille dans un village occupé que la guerre a vidé de ses hommes, se consume d’amour pour une autre femme (le film ne louvoie pas là-dessus et il date bien de 1961), avant de rencontrer le nouvel abbé de la paroisse. Elle, c’est Barny, c’est Emmanuelle Riva, magnifique, frémissante, c’est sa voix qui magnétise, son regard et ses gestes troublés trahissant doutes, hésitations, chambardement sensuel, confusion spirituelle face au jeune curé. Leurs joutes oratoires offrent un festin succulent à l’oreille, la mise en scène exprime avec une splendide mais cruelle transparence tous les émois d’un être qui, sans le comprendre, s’ouvre à une passion interdite. Attisant le feu d’un véritable suspense intime, cette œuvre d’obstination, d’incertitude et d’élévation déroule une tragédie douce qui éclaire l’âme et fouette le cœur.
Top 10 Année 1961 :
http://lc.cx/BMA

Le Doulos
7.4

Le Doulos (1962)

1 h 48 min. Sortie : 8 février 1963. Policier, Thriller

Film de Jean-Pierre Melville

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Par la complexité du récit, l’alternance des points de vue et des ellipses, ce film peut être pris pour de la manipulation alors qu’il s’agit d’un jeu de reconstruction mentale, comme un puzzle que le spectateur assemblerait différemment à chaque vision. Difficile de résumer son intrigue toute en sinuosités, trompe-l’œil et bifurcations, qui finit par atteindre au tragique pur. Le cinéaste y dévoile sa fascination pour les personnages doubles, organisant une valse de menteurs où les gangsters se jouent de la police mais ont intérêt à rester le dos au mur. L’œuvre est parfaitement accomplie et maîtrisée, plongeant dans une sorte de léthargie envoûtante, mais je ne peux m’empêcher d’être mal à l’aise devant un propos qui semble légitimer les pires saloperies (torture et meurtres) au nom de l’honneur et de l’amitié.

L'Aîné des Ferchaux
6.4

L'Aîné des Ferchaux (1963)

1 h 42 min. Sortie : 2 octobre 1963 (France). Drame

Film de Jean-Pierre Melville

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Melville transpose un roman de Simenon dans un cadre légèrement différent : l’itinéraire du banquier en fuite et de son secrétaire débute à New York, se poursuit sur les routes des grands espaces américains et s’achève dans les tripots moites de La Nouvelle Orléans. L’occasion pour lui de se frotter à la mythologie qui l’a toujours fascinée, et de dérouler un road-movie où les rapports de force se brouillent peu à peu. Car entre le jeune boxeur raté, en quête d’un nouveau souffle, et le vieux truand insensible, calcifié par des années de proximité avec le pouvoir et l’argent, une relation complexe de mépris, de tendresse et de haine se met en place, qui voit les mots contredits par les gestes, et les sentiments s’inviter au sein des jeux de manipulation. Pas un grand film sans doute, mais de la belle ouvrage.

Le Deuxième Souffle
7.8

Le Deuxième Souffle (1966)

2 h 30 min. Sortie : 1 novembre 1966. Policier, Gangster

Film de Jean-Pierre Melville

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Par sa construction large qui vise au hiératisme spartiate, son obsession fétichiste marquée, sa thématique de la solitude et de la mort inévitable, on peut considérer cette évocation du milieu parisien comme la matrice des films suivants. Si les personnages sont désenchantés, déracinés, s’ils préféreront le suicide ou la fusillade dont ils ne reviendront pas aux décervelages de sang-froid, ce sont aussi des hommes comme tout le monde, crapahutant dans les ténèbres pour survivre. Melville raréfie les dialogues, efface toute effusion expressive, vise une rigueur ascétique, une lenteur sèche qui joue de l’attente et du vide, et qui accentue les motifs du film noir américain classique en magnifiant le code d’honneur de ses héros, dont l’affection et la dignité s’expriment dans la pudeur et la retenue.
Top 10 Année 1966 :
http://lc.cx/BCP

Le Samouraï
7.6

Le Samouraï (1967)

1 h 45 min. Sortie : 25 octobre 1967. Film noir, Policier, Thriller

Film de Jean-Pierre Melville

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Cet univers mi-parisien, mi-hollywoodien, son héros marqué par la vie, cette dramaturgie rigoureuse, on les retrouve dans un autre modèle de polar ascétique et stylisé, qui invente une sorte de féérie noire à base de poésie nocturne, de froideur décorative et de miroitements dans l’obscurité et les errances urbaines, parmi les chapeaux feutres et les gens du milieu, les boîtes de nuit bercées de jazz et les revolvers planqués dans les poches des trench coats. L’habileté avec laquelle Melville utilise le complexe citadin, l’infaillibilité de sa mécanique narrative, le dépouillement de sa mise en scène inféodée à la logique fatale du destin, tout confère à son requiem une grandeur altière assez saisissante, synchrone avec la noblesse d’ange déchu qui est celle de son fier et énigmatique protagoniste.
Top 10 Année 1967 :
http://lc.cx/BCh

L'Armée des ombres
8.1

L'Armée des ombres (1969)

2 h 25 min. Sortie : 12 septembre 1969 (France). Drame, Guerre

Film de Jean-Pierre Melville

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

Chronique d’un réseau de résistance, décrit sans emphase dans son travail quotidien d’action et de survie. S’il quitte provisoirement le film noir pour la peinture d’un autre type de communauté, Melville reste fidèle à ses obsessions. On a souvent comparé son approche à celle de Bresson, et rarement le parallèle fut plus adéquat que devant cette analyse sèche et concrète de la notion de liberté individuelle. Dans un climat crépusculaire, le cinéaste ausculte les ambigüités et les compromissions du choix et de l’engagement, faisant de ses résistants les cousins tragiques des gangsters peuplant ses autres films, mus par un même serment implicite, de mêmes tiraillements intimes. Et si je suis hélas bien moins captivé qu’ailleurs, le film est à réévaluer (ou pas) toutes affaires cessantes.

Le Cercle rouge
7.8

Le Cercle rouge (1970)

2 h 20 min. Sortie : 20 octobre 1970 (France). Policier, Thriller, Drame

Film de Jean-Pierre Melville

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Le film le plus emblématique de l’auteur, qui recense de façon complète toutes les composantes de son univers et de son style, les élevant à un degré de méticulosité et d’épure absolues. L’heure est à la minute de vérité, à l’examen de conscience, à la rédemption pour certains (Hawks n’est pas loin). C’est un western nocturne aux proportions dosées avec un soin maniaque, où l’engrenage de la fatalité et de la violence se déclenche de façon inéluctable. Décrassant la série noire de tout son pittoresque pour n’en conserver que l’ossature, l’œuvre possède la perfection abstraite d’une sphère de béton armé, installe un climat étrange, glacé, désabusé, orchestre un ballet masculin et presque muet de spectres impassibles qui rejouent la lutte archétypale entre truands et flics, ordre et désordre. Fascinant.
Top 10 Année 1970 :
http://lc.cx/AU6

Un flic
6.1

Un flic (1972)

1 h 38 min. Sortie : 25 octobre 1972 (France). Action, Policier, Thriller

Film de Jean-Pierre Melville

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Fin de carrière en note mineure pour Melville, qui gratifie d’un ultime tour de piste solide et carré mais dispensé de la moindre surprise. On retrouve une dernière fois son goût caractéristique des milieux interlopes, sa poésie de l’insolite, sa propension à évacuer de l’écran tout réalisme au premier degré, et même au second pour imposer sa thématique obsessionnelle de l’amitié impossible entre le flic et le truand, de la fatalité auquel est soumis le sort de l’être humain. Brodant sur un canevas ultra-classique mais presque invertébré, déclinant des situations archétypales auquel sa technique assure toujours une belle efficacité (malgré le ridicule des maquettes et des transparences), il tend à une épure quasi mallarméenne dont les intentions suscitent le respect sans toutefois être pleinement concrétisées.

Thaddeus

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