NB d'entrée de jeu : Si le terme de film interactif peut vous sembler impropre, préférez-lui ici celui d'expérience vidéo à dimension ludo-interactive très limitée (plus de précisions dans le corps du texte ci-dessous).


What Remains of Edith Finch jouit d'une très belle réputation mettant en avant son originalité, sa mise en scène, et surtout son aspect marquant en dépit du peu de temps qu'il vous faudra pour le terminer (entre 2 et 3 heures).


Je me décide donc à en faire l'acquisition et à y consacrer une soirée, enthousiaste de découvrir cette histoire (je me suis à peine renseigné dessus pour éviter de me la gâcher).


Sans trop en dévoiler donc, voici un court topo pour ceux du fond qui débarquent : nous incarnons dans ce jeu... Edith Finch, qui va nous faire explorer (en vue à la première personne pour plus d'immersion) la maison d'enfance de sa famille. Cela sera l'occasion d'en apprendre plus sur les différents membres de la famille Finch, et... je n'en dis pas plus pour éviter de vous gâcher la surprise.


WRoEF fonctionne très bien au niveau de sa mise en scène. Les différentes "histoires dans l'histoire" sont vachement bien réalisées avec de très bonnes idées dans la manière dont elles sont abordées. La mise en scène de ce jeu est donc sa véritable force, et elle va nous permettre de rentrer en empathie avec chacun des personnages.


Néanmoins, si la mise en scène brille, ainsi que les différentes "histoires dans l'histoire", j'ai trouvé l'ensemble du scénario plutôt convenu. Non seulement le principe de chaque histoire dans l'histoire est identique, mais qui plus est, le dénouement de l'ensemble n'est pas spécialement plus intéressant que cela. Cela reste une bonne histoire globalement, mais on est loin de la claque annoncée.


Les gamers assidus remarqueront pour le moment que je ne parle que de mise en scène et d'histoire, sans mentionner l'aspect ludique du titre, ou son gameplay. C'est à dessein que je fais cela, car de gameplay, vous n'en trouverez ici que des bribes, avec 2/3 éléments intéressants (via quelques histoires spécifiques) sur l'ensemble du jeu. On est bien ici dans une expérience de film interactif plutôt que de réel jeu vidéo. Ce n'est pas grave en soi, mais il me semble qu'il faut de fait juger cette œuvre comme un film plutôt que comme un jeu.


Et comme film donc, WRoEF s'en sort très bien niveau mise en scène, et sait aussi jouer avec nos émotions, les "histoires dans l'histoire" pouvant s'avérer poignantes. Par contre, en plus du scénario global plutôt convenu, cette œuvre souffre de l'effet "Sundance". Oui, je parle bien des films américains estampillés "indépendants" mais qui finissent pas tous se ressembler. Nous avons tout d'abord la voix off d'Edith qui est assez cliché dans le genre aduslescente supposément mature, et dont la tonalité "vocal fry" est censée nous faire réfléchir sur le sens de la vie (j'exagère, mais vous avez compris). Par ailleurs, si la musique reste de bon aloi, on notera qu'elle tente de jouer avec nos émotions d'une manière "poético-déjà entendue" quelque peu agaçante. Enfin et de manière générale, l'aspect général faussement poétique pourra en faire tiquer certains (sans que cela gâche l'ensemble).


Je vais du coup être un tantinet taquin avec la communauté gamer (qu'il s'agisse des joueurs comme des développeurs). Lorsqu'un jeu essaie de ressembler à un film, la plupart du temps, il n'atteint pas, en termes cinématographiques, le niveau des chefs d'œuvre du 7ème art. Idem lorsque sa dimension littéraire est mise en avant au détriment de son ludisme, on est rarement face à un Proust ou un Dumas solide. Pourquoi cela ? Car un développeur de jeu n'est ni un cinéaste, ni un romancier. Et donc la sensibilité artistique qu'il aura dans ces différents domaines ne sera pas nécessairement aussi poussée que ses homologues des autres médiums.


Alors bien sûr il y a probablement des exceptions. Et il y a aussi des jeux qui lient intelligemment les aspects narratifs et cinématographiques à leur gameplay. D'ailleurs, WRoEF le fait un tout petit peu, sur quelques passages du jeu qui vous happeront sûrement. Mais dans l'ensemble, on reste coincé dans l'expérience interactive qui n'atteint pas le niveau d'un grand film.


Et donc, chers joueurs qui vantez pour certains sans réserve ce type de jeu, n'êtes-vous pas quelque part dupés par le fait qu'il s'agisse d'une expérience hybride et originale ? Et donc ne voyez-vous pas qu'au-delà de son caractère quelque peu unique, WRoEF ne reste finalement qu'un bon film, et non pas un véritable chef d'œuvre ? Ok, comme on parle de film et de sensibilité artistique, on pourra me rétorquer à raison qu'on entre dans des critères assez subjectifs. Il n'empêche que la question mérite d'être posée, d'autant plus si l'industrie vidéo-ludique souhaite creuser à fond le sillon du film interactif.

joseaxe9
7
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le 18 janv. 2021

Critique lue 182 fois

Jojo's Jar

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