Avec ce troisième volet des aventures du sorceleur, le studio polonais CD Project se hisse tout simplement sur le podium des meilleurs développeurs de jeux de rôles à l'occidental de cette décennie. Leur dernière production est un exemple de maîtrise et de maturité qui laisse souffler un incroyable vent de fraicheur sur le paysage moribond des jeux triple A. Adapté de la saga littéraire de Andrzej Sapkowski, The witcher Wild Hunt possède un univers vertigineux, un gameplay redoutable et une profondeur narrative que peu (aucun ?) d'autres jeux possèdent.


Avant d'entrer dans le vif de la critique, je voudrais ouvrir une parenthèse sur le lien entre les romans et le jeu. Ayant lu les sept livres, je voudrais insister sur le fait que le plaisir de jouer s'en touve décuplé. Se retrouver plongée dans ce monde d'une telle densité et pouvoir contrôler les faits et gestes de Géralt de Riv, découvrir les royaumes du nord et converser avec ses habitants est un plaisir double de lectrice et de joueuse.


L'impression dégagée par le jeu est phénoménale. Dès les premiers pas et galops, le sentiment de liberté éprouvé est grisant. Ces terres du nord créées par les artistes polonais sont si vivantes, qu'à l'instar d'un Skyrim ou d'un Red Dead Redemption, on peut simplement passer des heures à flâner en se régalant d'un vol d'étourneaux ou d'un coucher de soleil, d'un troupeau de cervidés fuyant à notre approche ou de contempler l'architecture inspirée d'une citée ou d'une ruine. La beauté du jeu est saisissante et le soin apporté à la direction artistique contribue à faire de cet open world un des plus crédibles et cohérents jamais programmé. Des vetements des habitants à la géographie des terres en passant par les batiments et le bestiaire, le jeu transpire de détails qui le propulse au rang d'un GTA5 dans son soucis de finition. Sur le plan purement graphique, on peut regretter un traitement de l'eau assez simpliste (même en ultra), une palette de couleurs parfois trop "joyeuses" pour l'univers dépeint dans les livres et une gestion des collisions quelquefois hasardeuse à cheval.


Que serait un jeu de rôles sans des personnages racés ? Une fois encore TWWH déploie un casting d'une rare intensité. Évidement, avec le travail en amont de Sapkowski les développeurs avaient déjà des modèles de luxe. Si les protagonistes principaux ( Géralt, Ciri, Yennefer) possèdent des caractères nuancés, les seconds rôles bénéficient d'un soin tout aussi eloquent. Que se soit dans leurs visages, leurs tenues vestimentaires, leurs cadres de vie, tout est pensé pour que l'immersion soit totale. Mention spéciale à la qualité étourdissante du doublage français qui atteint les sommets de l'exercice. Les doublures voix ont fait un travail remarquable et semblent s'être pleinement investit. Quand on entend ce résultat là, on ne peut s'empêcher d'adresser un carton rouge à Rockstar et ses GTA qui n'a jamais fait l'effort de localiser ses jeux en audio. Et le budget d'un Witcher n'est pas celui d'un GTA... Le financement de 15 secondes de pub au Superbowl suffirait à localiser GTA 5 pour l'europe entière. Prenez exemple messieurs de Rockstar. Mais je m'égare. Revenons aux seconds rôles. Quel plaisir de voir évoluer des personnages comme le baron sanglant, les moires, l'empereur de Nilfgaard, Keira Metz etc... Les textes sont ciselés, les dialogues rythmés, la narration en général ajoute une énième couche vertigineuse à cette toile de maître qu'est The Witcher wild hunt.


Je ne m'étendrai pas sur l'intrigue générale. Elle est prenante, rythmée, avec des enjeux parfaitement définis. Ce qui étonne c'est la subtilité, la profondeur et la diversité des quetes annexes ainsi que l'absence de manichéisme. Que ce soit pour partir à la chasse d'un spectre de minuit, enqueter sur la disparition d'une femme ou plonger pour s'approprier un trésor oublié, il y a toujours un contexte et un background suffisement travaillé pour rendre interessant même la mission aux enjeux les plus risibles ( retrouver la chevre du chaman par exemple...). Il n'y a pas de quêtes à la Dragon Age Inquisition, Fedex, de remplissage facile pour gonfler artificiellement la durée de vie. Tout s'inscrit dans un ensemble cohérent et certaines ramifications narratives donnent le vertiges. On a vraiment l'impression d'évoluer dans un monde qui réagit face à nos interventions. On libère une zone envahit par des monstres et les anciens habitants viennent la repeupler. On offre à boire à des bandits dans une taverne, ils nous laissent, bien des jours plus tard, acceder à un lieu dont ils ont la garde. On sauve un pauvre homme prisonnier dans sa cage et il nous offre ses services une fois de passage dans sa ville. Et tant d'autres exemples qui donnent une richesse et une profondeur narrative enivrante. Ce monde est vivant et chacun de nos pas est une pulsation, chacune de nos phrase est une respiration.


TWWH est un jeu qui redonne ses lettres de noblesses à l'exploration. Variété inégalée des environnement, densité incroyable des décors, loot à profusion, cycle jour/nuit, effet météo, rencontres aléatoires etc... un vrai régal de partir à cheval sans but précis car l'aventure et inattendue guettent toujours au détour d'une colline, d'un marais ou d'une barrière rocheuse. Comme dans GTA 5 qui permet également d'évoluer en milieu aqueux, Géralt peut naviguer, nager et plonger pour explorer les fonds marins. Mais contrairement à Mickael, Franklin et Trevor, notre Loup Blanc peut combattre sous l'eau, explorer les reliefs et autres ruines sous marines et surtout récupérer divers objets de quêtes.


Le système de combat et de progression est brillant de simplicité. Notre sorceleur est d'une agilité toute féline et lui faire excecuter des roulades et autres démembrements se fait avec une facilité déconcertante. Attaque rapide ou lourde, parade, esquive, roulade sautée ou contre. La panoplie à notre disposition est déjà suffisante pour varier les tactiques durant les affrontements sans ajouter la magie et l'usage des potions et huiles qui ajoutent de la profondeur à ce gameplay déjà très riche. Si le système de combat est simple, il nécessite de la pratique et une dose de réflexion pour ne pas succomber face aux ennemis qui attaquent rarement de façon isolée. L'utilisation des signes magiques devient alors primordiale pour ne pas périr sous les coups de crocs d'une meute de loups ou les assauts organisés d'une troupe de bandits en maraude.


Parallèlement, le système de craft est basique mais ludique à l'usage avec la possibilité de récupérer des matières premières en demandant à un forgeron de désassembler les objets manufacturés. On peut également ajouter des effets magiques à nos armes et armures en y incrustant des glyphes ou des pierres spécifiques. On pourra pester contre inventaires non paramétrable et surtout l'impossibilité de pouvoir stocker notre récolte, les sacoches de selles de cette fidèle Ablette arrivant rapidement à leur maximum de charge. Pour ne pas alourdir le gameplay et ne pas transformer Géralt en adepte de la cueillette, les développeurs ont instauré un système qui permet de recomposer une potion à partir d'une seule dose d'alcool sans avoir à recourir aux ingrédients d'origine. Une fois la "recette" effectuée pour la première fois avec ses ingrédients, notre stock se reconstituera automatiquement à chaque méditation moyennent une bouteille d'alcool. Simple et efficace.


Pour acquérir de nouvelles compétences (combat, signes magiques, potions et capacités spéciales) le sorceleur devra dépenser des points spécifiques qu'il gagnera en résolvant des quêtes (gain de xp) ou en activant des sites magiques disséminés aux quatre coins de la map. Cette méthode étant la plus rentable car chaque découverte octroie 1 point de compétence mais ne permet pas d'engranger d'expérience et donc de gravir les niveaux, niveaux nécessaires à l'utilisation d'armes et armures haut de gamme.


The witcher Wild hunt est un jeu qui marquera son genre et son époque. On peut parler de chef d'œuvre vidéoludique, les joueurs de mauvaise foi, les peine-à-jouir ou les AAAllergiques passeront leur chemin, ça ne m'empêchera pas de m'extasier devant cette perle. Les quelques défauts que trainent Géralt dans son sillage ne pèsent pas bien lourd face à la somme pléthorique de ses qualités. Les développeurs de CD Project ont peaufiné leur œuvre de longues années durant, bâtissant cette excellence sur l'architecture des deux précédents épisodes. L'univers de A.Sapkowski est retranscrit avec justesse et j'envie ceux qui vont pouvoir découvrir les aventures du sorceleur dans les romans. Un expérience vidéoludique obligatoire pour toute personne affichant le titre de gamer.

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le 29 mai 2015

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Alyson Jensen

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