Parmi les nombreuses innovations introduites par les pionniers du FPS, la visée libre* est certainement la plus capitale, et Future Shock a joué un petit rôle dans l’histoire de cette visée libre. En effet, il semblerait qu’il est le tout premier jeu à avoir intégré une visée libre à 360° par défaut dans un environnement tout en 3D, ce qui constitue un vrai tour de force pour l’époque. Future Shock fait ainsi partie des pionniers de la visée libre, aux côtés de jeux comme Descent ou Marathon, et c’est bien pour ça que je m’y suis intéressé.


Malgré la résolution en 320x200 granuleuse à souhait, c’est vrai que le jeu en impose du point de vue technique. Les environnements en 3D sont très impressionnants et retranscrivent à merveille les décors apocalyptiques de Terminator. Les niveaux sont très détaillés, entre les nombreux objets du quotidien modélisés en 3D (voiture, bureaux, étagères, toilettes… et oui, même Duke Nukem n’aura pas ses toilettes en 3D, c’est dire!) et le tout agrémenté de nombreux sprites (en 2D eux) qui viennent représenter des déchets & des gravats plus infimes, tout ça contribue à créer cette ambiance de désolation assez prenante.


Et puis, c’est tout bête, mais rien que le fait de pouvoir lever la tête en utilisant la souris, ça fait son petit effet ! Quand vous sortez des Doom-like dont les héros ont le cou bien rigide, et où vous ne pouviez regarder en l’air qu’en utilisant les touches du clavier dans certains d’entre eux, et bien avoir ici un contrôle souple et complet de la vision de son personnage, ça a de quoi impressionner. J’imagine bien à quel point les joueurs des années 90 devaient être bluffés en jouant à Terminator !


En plus de ça, environnement en 3D dit environnement complexe, avec des salles superposées et de nombreux éléments sur lesquels vous pouvez grimper, comme de fines poutres par exemple ! C’est tout un tas de nouvelles possibilités qui semblent s’offrir au joueur ! D’autant que Bethesda n’a pas lésiné sur le côté spectaculaire de son jeu, ainsi vous pouvez pénétrer dans un grand nombre de bâtiments différents dont les intérieurs ont été modélisés et qui contiennent parfois des munitions ou de la santé bien utiles, ce qui rend les cartes très ouvertes, laissant une vraie liberté d’action au joueur, et en plus de ça, cerise sur le gâteau, vous avez des phases en véhicule (Jeep ou vaisseau) qui, elles aussi, sont tout à fait spectaculaires pour un jeu de 1995.


Future Shock semble vouloir établir un nouveau standard parmi les FPS. Comme Star Wars Dark Forces, Future Shock cherche à créer une composante d’aventure à travers le FPS, avec notamment des missions scénarisées qui vous amèneront à remplir plusieurs objectifs avant d’en voir la fin. Comme la plupart des FPS de cette époque-là, Future Shock expérimente et cherche à proposer quelque chose de nouveau aux joueurs. C’est un jeu très généreux, trop généreux. A force de vouloir multiplier les nouveautés, l’équipe de Bethesda a fini par s’emmêler les pinceaux. Au lieu de peaufiner un petit nombre d’innovations importantes, ils se sont retrouvés à devoir travailler sur un nombre faramineux d’éléments, des simples phases FPS aux phases en vaisseau, tout en passant pas les phases en Jeep, entraînant fatalement un ensemble de mécaniques bancales et de lourds problèmes techniques.


Il y a vraiment de grosses lacunes dans le gameplay même de Future Shock. Étonnamment, cela ne vient pas vraiment de la toute nouvelle visée libre, qui, si elle n’est pas encore très fluide, fait bien son boulot, mais plutôt des mouvements qui sont très rigides. Se déplacer dans les niveaux n’est pas vraiment agréable, d’autant qu’ajouté à des mouvements disgracieux, on trouve de nombreux objets ou rebords dans lesquels on finit coincé, littéralement, si on a le malheur de mal retomber après un saut. Et ça, c’est un bug que l’on rencontre très souvent au cours du jeu, et ça devient vite insupportable. Et oui, les jeux buggés estampillés Bethesda, ça ne date pas d’hier ! C’est un peu la marque de fabrique du studio, et les joueurs semblent s’en être bien accommodés depuis tout ce temps…


Je pense que c’est un bug inhérent au moteur du jeu, le XnGine qui a également été utilisé pour Daggerfall, il me semble. Et autant dans ce dernier, de telles approximations techniques peuvent être tolérées, parce que le rythme est plus lent dans un RPG et on sauvegarde souvent, mais dans un FPS ça casse toute la dynamique de jeu. Dynamique qui, d’ailleurs, n’est déjà pas folichonne. Les combats sont vraiment mous, et c’est dommage parce que j’aime plutôt bien les armes (hormis deux-trois qui sont presque inutiles). Il n’y a aucune intensité dans les affrontements, tout est très basique. Vous n’aurez jamais besoin de varier vos armes, de développer des tactiques pour venir à bout d’une situation…


Le bestiaire n’est également pas palpitant, et on retrouve un peu le même problème que sur Dark Forces, à savoir que dans un monde où les combats se font quasi-exclusivement aux armes laser, bonne chance pour varier vos ennemis ! Et donc ici, la plupart des monstres sont plus ou moins identiques dans leur fonctionnement, la seule chose qui change étant, soit leur apparence, soit le fait que certains volent, mais fondamentalement cela n’apporte pas grand-chose. La plupart des ennemis se révèlent pathétiques, même dans le mode Difficile auquel j’ai joué, et c’est un vrai gâchis car certains en imposent vraiment. Je me rappelle de la première fois où j’ai vu un Arachnoïde ou un Goliath, j’étais vraiment intimidé, puis je me suis mis à bouger et tirer, et toute la tension est redescendue d’un coup quand je me suis rendu compte qu’ils ne représentaient en rien une menace.


Oui, car les androïdes du jeu sont bêtes, très bêtes. Tellement bêtes, qu’on en vient à se demander comment Skynet a pu exterminer autant d’humains et prendre le pouvoir. Déjà, ils ont un champ de vision très limité, ce qui fait qu’en général vous les voyez avant qu’eux ne vous voient, et ça donne parfois des situations très comiques où vous pouvez passer juste en face d’un Terminator qui reste planté au milieu de nulle part, sans vous voir. Je dois dire que j’ai bien rigolé ! Et en plus de ça, si vous leur tirez dessus alors qu’ils sont à l’extrême limite de l’écran, de votre propre champ de vision, alors en règle générale ils ne s’activeront même pas, ou alors trop tard, se laissant dézinguer sans broncher. Donc, autant dire que la plupart des combats en zone ouverte peuvent être réglés facilement de cette manière. Et ensuite, le deuxième gros défaut des ennemis, c’est qu’eux aussi se déplacent très rigidement, et donc il suffit de tourner autour d’eux, de faire en sorte de toujours être sur le côté ou derrière, et ils n’arriveront pas à vous toucher…! Voilà comment on humilie ces Terminator, censés représenter la plus grande menace de la Terre !


Bon, après, les combats en intérieur sont un peu plus techniques, vous devez faire plus attention parce que votre marge de manœuvre est réduite, mais globalement vous progresserez sans soucis. Les seules menaces, se sont les Flencers et les Terminators à proprement parler, les T-600 je crois. Les Flencers peuvent vous éliminer en quelques secondes si vous les laissez vous atteindre (ils foncent sur vous pour s’agripper et infliger des dégâts), et le T-600 est un horrible hitscanner. Dans les FPS fainéants, il y a toujours un horrible hitscanner… Autrement dit, les tirs du T-600 sont impossibles à esquiver, et si vous ne vous mettez pas rapidement à couvert, il vous grignotera toute votre vie en un claquement de doigts. Et ça, franchement, c’est juste pénible. Ca n’apporte rien d’intéressant au jeu, mais juste des pièges vicelards où vous perdrez pratiquement toute votre vie à cause d’un T-600 positionné dans un couloir sans cachette… Et plus vous avancez, plus c’est un piège qui est utilisé, et au dernier niveau il y a un nombre incalculable de ces pièges qui font apparaître trois T-600 dans une salle. Alors vous mourez, vous chargez votre sauvegarde, vous revenez dans la salle en anticipant bien le piège en visant en avance le lieu d’apparition des Terminator, et vous répétez au piège suivant. Le jeu, facile dans sa globalité, se finit comme un Die & retry, et j’étais heureux d’en voir le bout, je commençais à en être blasé.


On touche là à un autre gros défaut du jeu, selon moi : sa grande répétitivité. Comme le gameplay n’est pas palpitant et tourne en rond, on finit vite par s’ennuyer, et sur 17 missions, et bien.. c’est pas génial. Le Level Design ne parvient pas à sauver le tout, puisqu’il est très convenu, sans originalité, et globalement je dirais que les niveaux sont trop grands pour leur propre bien. Future Shock gagnerait vraiment à être plus concis, plus efficace. Franchement, quand je voyais que de débutais une mission énorme, j’exploitais sans vergogne l’IA pour aller plus vite. N’hésitez pas à faire de même face à une section trop longue et ennuyante : vous courez et sautez en même temps, comme ça la plupart des ennemis n’arrivent pas à vous toucher, et au passage il suffit de récupérer un peu de santé/armure pour compenser les quelques pertes, et ainsi vous pouvez parvenir à l’autre bout d’un niveau gigantesque en moins d’une minute !


Bon, vous l’avez compris, outre les innovations qu’il apporte au genre, Future Shock n’est malgré tout pas bien glorieux, que ce soit dans son Level Design, son bestiaire, ses mécaniques de combat, ou même ses nombreux bugs qui viennent ternir davantage une expérience pas palpitante. Le jeu plante assez souvent, vous vous retrouvez coincé dans le décor, même dans les phases en véhicule, certains objectifs de mission ne s’enclenchent pas immédiatement, vous obligeant à attendre que le script veuille bien démarrer pour finir une mission déjà bien longuette, il y a certaines failles dans le Level Design qui vous mèneront à un softlock… Bref, il faut bien du courage pour se lancer dans l’aventure, et plus encore pour en voir le bout. C’est un jeu qui avait un gros potentiel sur le papier, mais qui s’avère un véritable gâchis à force d’avoir eu les yeux plus gros que le ventre. Malgré tout, Future Shock est intéressant sur court terme, je me suis quand même bien amusé au début, j’aime beaucoup les sensations des armes, et j’étais alors subjugué par le côté «spectaculaire» du jeu. Seulement, ce ne sont pas des qualités suffisantes pour maintenir l’engouement, et je me suis vite lassé de répéter toujours les mêmes actions dans des niveaux sans âme. J’ai malgré tout persévéré jusqu’à l’ignoble niveau final, et j’étais heureux d’arriver à la cinématique de fin. Pfiou, plus jamais ça ! Je ferai vite fait Skynet, mais après, je dis définitivement adieu à ce jeu !


*Ici, j’entends la visée libre au sens moderne du terme, c’est-à-dire celle qui offre au joueur une liberté de vision à 360°, donc une visée à la fois horizontale et verticale. Si on parle simplement de visée libre au sens où l’on se sert de la souris (ou d’un joystick, ou quoi que ce soit d’autre) pour déplacer la vision du personnage, alors déjà des jeux comme Wolfenstein 3D ou DOOM possédaient une visée libre sur le plan horizontal. Après eux, la véritable révolution consistait à contrôler également l’axe vertical, rajoutant une vraie complexité dans le contrôle de l’espace par le joueur.

Charlandreon
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le 6 avr. 2021

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