Perché sur les remparts du plateau du Prélude, les cheveux battant follement au vent, les yeux perdus face à l’immensité, émerveillé par la démesure et la beauté d’un monde farouchement hostile et terriblement attirant… C’est à coup sûr ce qu’avaient à l’esprit les pontes de chez Nintendo lorsqu’ils ont évoqué pour la première fois ce Zelda, la première fois qu’ils ont essayé de le conceptualiser et l’incarner avec des mots. Pari fou, réussite magistrale.


Le Japon a ça de magnifique qu’il se relève toujours. Quoi qu’il arrive, il épate et il subjugue alors même qu’il envoyait mauvais signes sur échecs. Alors que d’aucuns l’auraient qualifiée de moribonde il y a encore six mois, l’industrie vidéoludique japonaise s’est employée durant cette période qui marquera les annales à décocher certains de ses plus beaux traits, en plein cœur des sceptiques et déçus.


Longtemps, seule la locomotive From Software a semblé en mesure de maintenir sur les rails une industrie en péril, au bord de l’asphyxie. L’exil vers le jeu vidéo portable, le retrait de certains cadors du milieu (Konami), les camouflets successifs subis par nombre de licences autrefois mythiques, plus rien ne souriait au jeu vidéo japonais en dehors de l’insolent succès de la PS4.
Alors que les yeux du monde se sont momentanément braqués sur Persona 5 lors de sa sortie japonaise, bien peu étaient à prédire un tel renouveau généralisé. Il faut dire qu’un alignement des planètes de cet acabit est suffisamment rare voire improbable pour ne pas s’attirer les faveurs des pronostics.


Quelques mois et quelques sorties plus tard, le jeu vidéo japonais se regarde avec bien plus de déférence. S’étant enfin délesté de ses principales arlésiennes, le Japon a littéralement pulvérisé le carcan dans lequel il s’était engoncé. Mieux, il a déchiqueté celui dans lequel l’occident se complaisait.


Et si Zelda Breath of the Wild est celui qu’on n’osait plus attendre, c’est nécessairement celui qui marquera pour les vingt années à venir.


Il n’est pas question de reprendre chaque substrat d’un game design parfait et d’un level design en état de grâce, mieux vaut pour le joueur les découvrir seul. Ils ont par ailleurs été décortiqués de long en large et en travers.


Il ne s’agit pas uniquement d’une question de liberté ou de possibilités. Non, c’est autre chose. Il n’est pas question de révolution, mais plutôt d’une évolution ultime, fruit d’une remarquable analyse systémique. Concrètement, il s’agit surtout d’un sentiment de découverte, d’un souffle comme on en ressent trop peu. Ce monde d’Hyrule est grand ; il est géant, même. Pour autant, il est intéressant, partout. Il y a toujours quelque chose à voir et à trouver. Il y a toujours quelque chose à faire, quelqu’un à rencontrer, un secret à découvrir, un mythe à décrypter, une énigme qui fait cogiter et qui incite à rallumer la console. Nintendo ne s’est pas contenté de livrer un monde démesuré, il l’a rempli. Et il attire comme un aimant.


Débordant d’amour et de passion, cet épisode de Zelda n’est pas juste réussi. Il est parfait. Sa pureté artistique comble chaque image manquante lorsque le jeu cahote. Il n’est pas seulement sensible, il est à la fois mignon et mâture, pour que le grand à l’âme d’enfant puisse s’y perdre.


Sauvage et organique, le monde s’admire, se respire et se découvre. Sans état d’âme, il inculque le respect au joueur pour mieux le laisser progresser et jouir de sa montée en puissance, jusqu’à l’acquisition de la plus belle des lames, lors d’une séquence autodestructrice révélatrice d’une licence qui peinait à s’imaginer, à se renouveler mais qui a décidé de se relever, de retrouver son lustre d’antan et surtout de grandir.


Véritable invitation à se perdre, ce Zelda emporte le joueur et ne le lâche plus. Chaque zone est une surprise, chaque brin d’ADN de la série a été isolé puis retraité pour mieux surgir et étonner. Le jeu comporte par ailleurs suffisamment de moments épiques pour ne pas frustrer les plus guerriers. Surtout, il réserve au joueur malin et attentionné nombre de surprises.


Regardez le bien, ce Link sur la pochette du jeu. Tourné vers l’horizon, mais les yeux braqués sur vous, d’un air interrogateur et impatient. Il vous invite à la plus belle aventure que le jeu vidéo vous aura offert depuis une demi éternité.


Symbolique à plus d’un titre, Zelda Breath of the Wild est le titre que l’amoureux transi du jeu vidéo de la fin du XXe siècle n’osait plus attendre. Nintendo avait expliqué que ce Zelda était une espèce de suite d’Ocarina of Time. Il est bien plus : c’est lui le nouvel Ocarina of Time.


La firme de Kyoto a décidé d’ouvrir un nouveau pan de l’Histoire du jeu vidéo, et c’est à nouveau l’Épée de Légende et le bouclier Hylien qui ornent la porte que vous allez franchir.

Flibustier_Grivois
10

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le 9 mai 2017

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