J’avais, comme tout le monde, une vie minable. Un travail pourri dans un open-space totalitaire, un appartement de 9 m2 sans chiottes, et une addiction à l’héroïne. Je traînais ma carcasse au jour le jour, maudissant mon existence.



Requiem for a dream.



Mais tout a changé le jour où j’ai reçu une lettre de mon papy, ex-junkie déguisé en père Noël et mort d’une cirrhose. Son contenu évoquait la présence d’un hangar désaffecté dans une campagne paumée au fin fond de la Creuse, à Bourg-Les-Oies. Il parlait d’une ancienne fabrique de gnôle de prunes et d’une plantation de cannabis qu’il entretenait avec son pote Louis.


Le goût des saveurs du terroir m’est apparu soudainement salvateur, c’est avec nostalgie que je me remémorais mon enfance à la cambrousse : le chant des oiseaux, l’odeur des champs, la goutte à 70 degrés qui avait rendu aveugle le gros Pierrot et la bonne défonce au cannabis 100 % bio/commerce équitable.


Sans aucun délai de réflexion, j’ai fui l’enfer urbain et pris le premier bus direction Bourg-Les-Oies. Une fois sur place je fus accueilli par Louis, l’ancien ami de mon grand-père, et par Roxane, une meuf cheloue qui construisait des cabanes en bois bancales à travers la campagne.


Le site du hangar était un beau bordel, heureusement Louis m’a filé quelques bidons de Roundup. J’ai déversé quelques litres un peu partout histoire d’être sûr de bien crever toutes les saloperies qui s’y trouvaient, puis j’ai balancé les bidons vers le lac. La campagne, c’est quand même bien pratique, pas besoin de s’emmerder avec le tri sélectif.


Une fois le travail terminé, j’ai enfin pu aller à la rencontre des autochtones. Il y avait de tout dans ce village, une épicerie, un bar PMU et un petit supermarché. J’ai pu noter la présence de cinq meufs célibataires et prêtes à tout : Abigaëlle, Hanna, Léa, Marie et Périne. Cette dernière avait un charme authentique, bien qu’elle faisait un peu vieille pour son âge à cause des méthamphétamines qu’elle prenait quotidiennement.



Enter the void.



Lors de mon premier shoot à la fin de la journée, j’ai eu une révélation, un blast. Il fallait que je récupère les affaires du vieux, que je cultive. Oui, mais que je cultive moderne : du pavot, du cannabis, de tout. Devant mes yeux, je voyais défiler les possibilités infinies de cultures. La défonce ultime, la quête du paradis était à ma portée.


Le lendemain, j’ai acheté chez Pierrot, un hippie un peu zarb qui tient l’épicerie, quelques pousses de pavot. Je me suis empressé de les planter et de les arroser. Une fois le travail terminé, j’ai eu un sentiment intense de satisfaction, je savais que j’avais débuté quelque chose de grandiose. D’un pas déterminé, j’ai rejoint le village pour acheter des ustensiles pour distiller de la gnôle. Il fallait que je me diversifie, je ne pouvais pas uniquement me reposer sur la culture.


Les jours passaient, je menais une vie paisible, j’irriguais ma plantation, je distillais dans ma cave de l’alcool de prunes et je draguais la petite Périne en lui offrant quelques shoots d’héroïne. Lorsque j’avais du temps libre, je pêchais à la dynamite avec Francis, ça faisait des ravages chez les poissons, c’était vraiment fun. Francis, il n’en avait rien à foutre des quotas instaurés par ces cons de gauchistes. Sacré Francis, il aimait bien déconner. Parfois quand on était bourrés, on allait caillasser le vieux SDF qui vivait près d’une mine désaffectée, on a même foutu le feu à sa tente, qu’est-ce qu’on a rigolé ce jour-là !


Vers la fin du printemps, Roxane est venue me proposer la construction d’un chenil pour élever des chiens de combat. Une des grandes traditions dans le village, c’était les combats de cabots. On pariait notre RSA sur nos clébards favoris. Ça mettait pas mal d’ambiance, en attendant le prochain match de foot. J’ai réussi à économiser l’équivalent de quelques SMIC en vendant ma dope aux habitants pour faire l’acquisition de plusieurs pitbulls, c’était le début d’une ère prospère.


Cependant, la quête de la défonce ultime n’était pas sans embûches. Les jours de pluie, j’étais parfois victime d’hallucinations bizarres, je courrais dans la forêt, trempé, et j’entendais des sons étranges et terrifiants. Je n’ai jamais compris ce que c’était, comme si les fantômes de tous les drogués venaient m’avertir d’un grave danger.


En parlant de spectres, j’allais de temps à autre dans la mine désaffectée pour y glaner quelques minéraux que je vendais à un taré qui se prenait pour un guerrier. Ce dernier me prévenait que des créatures effroyables se cachaient dans ce lieu maudit. Ce mec se défonçait à l’acide, ça lui a pas mal ramolli le cerveau, parait-il.


Au fil du temps et de mes rentrées d’argent, j’ai pu acquérir de plus grandes plantations, diversifier mes cultures pour répondre à la demande des habitants, sans cesse plus friands de drogues dures.


À ce jour, je cherche toujours à atteindre mon idéal, à savoir l’ultime blast qui permettrait de rejoindre le paradis. La quête est longue, mais elle est nécessaire. Une fois que l’on commence à cultiver, on ne peut plus s’arrêter.



Que dire de Stardew Valley ?



C’est une vraie petite saloperie addictive, un mélange bien senti entre Harvest Moon et Animal Crossing. Le jeu regorge de possibilités de cultures et d’élevage. Il intègre un petit système de quêtes sympathique. Soit des quêtes aléatoires où il faut en général se procurer un composant précis et le fournir à un habitant, soit des quêtes définies à l’avance, qui font office de tuto puis de petites histoires.


Il y a également un système simple, mais efficace de sociabilité avec les villageois : plus ils vous apprécient, plus ils vous donneront des cadeaux en échange, vous pouvez même vous marier si vous entretenez de bonnes relations. En plus de ça, le jeu possède de très nombreux lieux à visiter : forêt, mine, plage, village, désert, etc. L’année se répartit sur quatre saisons de 28 jours chacune, ce qui offre de la diversité dans les plantations à employer en plus d’ouvrir la voie à un theorycraft (assez simple) pour cultiver ce qui est le plus rentable à court, moyen ou long terme.


Les journées sont assez courtes et demandent de planifier de manière plus ou moins rigoureuse les tâches que vous allez accomplir. Stardew Valley est particulièrement vaste, vous pouvez passer vos journées à pêcher, à couper du bois, à ramasser des trucs chelous dans la forêt, à prospecter dans une ancienne mine remplie de bestioles agressives. Le jeu intègre un système de compétences à monter (récolte, pêche, combat, minage, etc.). Il vous faudra également déterrer des artefacts puis les fournir au musée pour obtenir ensuite des récompenses spéciales.


C’est mignon (le jeu est très joli, quoiqu’un peu générique), un chouia concon par moment, mais ne vous méprenez pas : ce jeu vous fera sombrer dans la dépendance. Son système vicieux de sauvegarde à la fin de la journée vous pousse à entrer dans le jeu du « aller, encore une petite journée et j’arrête ». Sauf qu’en fin de compte, on ne voit pas le temps passer et on finit par se coucher à quatre heures du matin.
Juste note : 8,5.

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le 28 mars 2016

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Malakian

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