Star Wars: Dark Forces
7.1
Star Wars: Dark Forces

Jeu de LucasArts (1995PC)

Après le succès de DOOM, les gars chez Lucasarts auraient été impressionnés par des mods de la communauté retranscrivant l’univers de Star Wars dans le Doom Engine et auraient ainsi décidé de se lancer dans la création de leur propre FPS, le premier opus d’une série de jeux très populaire : Star Wars Dark Forces. L’idée était de rapprocher le FPS du jeu d’aventure en suivant un semblant de trame principale et en introduisant plusieurs objectifs à remplir dans chaque niveau pour le terminer. Dark Forces peut donc être considéré comme un proto-FPS narratif, même s’il reste bien évidemment très proche de DOOM sous plein d’aspects.


Techniquement, le jeu est assez impressionnant ; vous avez droit à de belles cinématiques, la Direction Artistique véhicule à merveille l’ambiance de Star Wars, et plusieurs innovations permises par le Jedi Engine sont plutôt impressionnantes pour l’époque. Ainsi vous pouvez maintenant sauter & vous accroupir ; le Level Design présente quelques éléments interactifs comme des parois destructibles. Le Jedi Engine permet également de créer des flux qui font mouvoir le joueur (caractéristique déjà introduite dans Heretic), que ce soit avec des rivières ou des tapis roulants ; il supporte des éléments en 3D comme ce vaisseau qui vous pose à chaque début de mission et que vous voyez ensuite décoller ! Plus fort encore, il semble même qu’il représente une étape de plus vers les jeux en 3D totale, car il permet à plusieurs étages d’exister verticalement, l’un sur l’autre, chose qui est impossible dans DOOM où les niveaux sont construits sur un plan en 2D, et où deux salles ne peuvent donc se superposer. Oui, Dark Forces a tout pour impressionner, alors qu’ont fait les développeurs de tout ça ?


Malheureusement, pas grand-chose, et à côté de ces exploits techniques, Dark Forces se révèle désespérément basique, que ce soit dans son Level Design ou dans son gameplay. Certes, comme je le disais, ils ont fait un bon travail de surface, on se sent immédiatement dans l’univers Star Wars grâce au travail sur les textures, sur l’ambiance, mais dès qu’on creuse un peu, il n’y a plus rien. Les niveaux ne sont pas forcément mauvais, mais ils sont très classiques et sans âme. En plus de ça, le jeu se paye le luxe d’avoir une mission épouvantable entièrement centrée sur les égouts, avec les créatures des égouts qui sont insupportables. Franchement, je ne sais pas ce qu’avaient les FPS des années 90 avec les niveaux d’égout, surtout que la plupart du temps ils étaient complètement ratés... Bon, il y a bien quelques bonnes idées par-ci, par-là, mais soit elles ne sont pas exploitées à leur plein potentiel, soit elles sont carrément gâchées.


Par exemple, certains murs réfléchissent les tirs, dans une poignée de niveaux, et c’est assez surprenant et impressionnant la première fois qu’on s’en rend compte… mais ça ne sert à rien, ce n’est pas vraiment une mécanique qui peut être exploitée pour tuer plus efficacement vos ennemis, et ça finit juste par devenir pénible quand vous vous prenez vos propres tirs réfléchis. C’est d’autant plus irritant quand à ceci viennent s’ajouter des approximations dans le Level Design, comme certaines fentes qui semblent largement assez larges pour pouvoir tirer à travers… mais non, allez savoir pourquoi vous ne pouvez pas, et votre tir vous revient directement dans la poire comme s’il avait heurté une paroi !


Bon, ils ont aussi essayé de diversifier un peu les objectifs, mais en réalité c’est juste de la poudre aux yeux et vous ferez toujours un peu la même chose. Dans un niveau le jeu nous conseille de nous infiltrer dans une base et de miser sur la discrétion plutôt que sur la brutalité, mais comme les mécaniques d’infiltration sont proches du néant, je vous laisse deviner en quoi se transforme ladite «infiltration». Il y a juste le niveau 10 (de mémoire), qui est intéressant puisque vous vous faites arrêter par Jabba, et donc vous commencez le niveau «nu», sans aucune arme, vous obligeant à changer un peu de gameplay et à passer au corps à corps.


En parlant de corps à corps, les combats dans Dark Forces sont assez mous. Les ennemis sont patauds et ne représentent pour la plupart pas une réelle menace, même en mode Difficile dans lequel j’ai joué… D’autant que la plupart d’entre eux ont la même attaque laser presque inoffensive, et ça devient assez vite répétitif & lassant de les combattre… Par contre, un bon point c’est qu’ils ont évité plus ou moins les hitscanners (sauf pour un ennemi, sur lequel je reviendrai), et si vous bougez, les tirs des ennemis ne vous toucheront pas. Seulement, leurs tirs ne sont pas très visibles non plus, donc j’en suis venu à les considérer comme des «semi-hitscanners», et c’est un petit effort louable. Après, c’est le problème de faire une adaptation d’un univers aussi connu et codifié : bonne chance pour diversifier les attaques d’un univers où la quasi-totalité des combats se font avec des blasters ! Ils ont quand même introduit quelques ennemis un peu plus intéressants, comme les Grans et les Dark Troopers, mais ils n’ont rien de bien spécial, donc je ne m’attarde pas sur eux.


En ce qui concerne son gameplay, je dirais que Dark Forces est assez grossier. Le plus gros défaut selon moi, c’est que les mouvements ne sont pas très précis, et ça porte régulièrement préjudice au jeu qui a eu la bonne idée d’introduire des phases… de plateforme. Attention, je ne suis absolument pas opposé à l’utilisation de plateformes dans un FPS, c’est d’ailleurs plus courant qu’on ne le pense (après tout, il y avait déjà de la plateforme dans The Chasm de DOOM II!), mais pour que ce soit des sections intéressantes, il faut que le gameplay suive derrière… Hors, ici ce n’est pas le cas. Il est souvent très difficile de savoir où notre personnage va atterrir avec exactitude, et en plus de ça il semble glisser sur le sol, ce qui donne des moments absurdes où je tombais en boucle sur des séquences de plateforme basiques soit parce que je sautais un peu trop loin, soit parce que ma savonnette de personnage glissait de la plateforme à cause de son élan… Heureusement, ce ne sont pas des plateformes mortelles, et c’est un passage qui m’a autant fait rire qu’il m’a sidéré, mais ça montre juste que la mécanique de saut est encore trop primitive et n’aurait jamais du être utilisée aussi tôt dans des phases de plateforme. A ce niveau-là, Hexen (sorti également en 1995, mais un peu plus tard dans l’année) s’en sort bien mieux car sa mécanique de saut est bien plus propre et maîtrisée, rendant les phases de plateforme agréables. Idem pour Quake, encore plus tard. Dans Dark Forces, ils auraient du se contenter de passages basiques en adéquation avec leur saut rudimentaire. Quand une mécanique n’est pas tout à fait domptée, mieux vaut essayer de ne pas trop la montrer… non ?


Je voudrais finir avec deux-trois points qui m’ont irrité au plus haut point. Je vous ai dit que le jeu est assez facile, même dans son mode Difficile. Pour compenser cette facilité, les développeurs ont utilisé quelques astuces de vicelards dans l’espoir de doter le jeu d’une difficulté artificielle. Le plus énervant, c’est sûrement cet usage excessif des mines ; dans certains niveaux il y en a absolument partout ! Elles sont parfois à peine visibles et leur rayon d’explosion est très, très large, ne vous laissant que peu de marge de manœuvre pour éviter des dégâts. Mais ça, à la limite, ce n’est pas le pire. Ce qui m’a souvent irrité, c’est que l’on trouve souvent des mines juste derrière une porte, les rendant impossibles à esquiver si vous ne savez pas au préalable qu’elles sont ici. Vous venez tout juste de remplir votre jauge de santé, vous progressez un peu, ouvrez une porte, et BAM!, une mine qui vous vide toute votre jauge de santé, ne vous laissant que quelques points de vie. Ce sont vraiment des pièges fainéants et frustrants qui ne mettent pas à l’épreuve le niveau les joueurs, mais se rapprochent davantage d’une mécanique de Die & Retry (même si vous n’en mourez pas toujours, heureusement!).


La seconde chose qui m’a consterné, ce sont les Trandoshans, les seuls vrais hitscanners du jeu. On les rencontre assez tard dans l’aventure (à la mission 9, je crois), et à partir de là ils seront la principale cause de vos morts. Ce ne sont pas les hitscanners de DOOM, qui mettent un petit temps avant de vous viser et qui infligent des dégâts aléatoires entre 9 et 45HP, nan, ici non seulement les Trandoshans vous attaquent à la seconde où ils vous voient, leurs tirs sont inévitables, mais en plus ils vous enlèvent constamment entre 30 et 40 points de vie*. Et ça c’est l’exemple typique d’un hitscanner mal fichu, conçu pour gonfler artificiellement la difficulté du jeu… Bon, on apprend vite à les cibler en premier, mais le gameplay qui consiste à se mettre à couvert dès qu’on les voit, leur tirer dessus rapidement, se remettre à couvert, etc., c’est vraiment ce qui peut arriver de pire à un FPS, surtout à un FPS un peu lent comme ce Dark Forces.


Enfin bref, la plupart de mes morts ont été causées par ces «pièges» que sont les mines derrière les portes et les trandoshans, justement parce qu’ils ne reposent pas sur les capacités du joueur mais sur la surprise. Heureusement, j’ai toujours réussi à conserver un nombre de vies constant** en fouillant un peu les niveaux à la recherche de secrets, donc je n’ai jamais eu à recommencer un niveau depuis le début à cause de ces problèmes du jeu – ce qui m’aurait irrité, je dois bien l’avouer.


Enfin voilà, Dark Forces n’est pas un jeu très intéressant. En dehors de ses exploits techniques, en dehors du superflu, donc, c’est un jeu sans grande personnalité, qui souffre d’un gameplay relativement pauvre et parfois trop approximatif. C’est sûr, ils ont quand même réussi à se distinguer de leur modèle, ils ont réussi à se séparer de DOOM mais ne sont pas parvenus à proposer une alternative intéressante au mastodonte d’id Software. Dark Forces est une tentative louable de proposer du neuf dans le milieu du FPS - alors au tout début de son histoire – mais constitue pour moi un semi-échec.


*De ce que j’ai pu remarquer, en mode Difficile. Je n’ai pas réussi à trouver les données exactes. C’est peut-être moins dans les difficultés inférieures, je ne sais pas comment Dark Forces équilibre ses différents niveaux de difficulté.


**Ah oui, je n’en ai pas parlé, mais Dark Forces repose sur un système de vies, un peu comme un jeu d’arcade. En jeu, vous pouvez trouver des vies supplémentaires dans certains secrets, et si vous mourez, soit vous avez encore des vies à disposition et vous réapparaissez pas trop loin de la section où vous êtes mort, soit vous n’avez plus de vies et vous devrez refaire le niveau dans son intégralité. Là encore, je trouve ce système un peu superficiel et il témoigne des vaines tentatives de Lucasarts pour créer un jeu dur. Ce système de vie était une idée qu’avait envisagé id Software pour DOOM, mais qu’ils ont finalement abandonnée - à raison.

Charlandreon
6
Écrit par

Créée

le 2 avr. 2021

Critique lue 210 fois

Charlandreon

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