Splinter Cell
7.3
Splinter Cell

Jeu de Ubisoft Montréal et Ubisoft (2002PC)

Ce jeu est vraiment pitoyable. D’une linéarité désolante, scripté, il reflète le tournant que prenaient déjà à l’époque les jeux «blockbusters». Aucune liberté d’action, un seul chemin est possible et tout y pointe: trou sans raison dans les barbelés pour sortir, toutes les portes accessoires sont coincées, et comme par magie se décoincent juste après une cinématique ou des dialogues, il y a forcément de l’obscurité par-ci par-là, et toujours assez pour cacher Sam Fisher.

Les gardes sont horriblement mal placés pour leur métier, ils tournent toujours le dos quand on arrive dans la zone, et font des rondes absurdes. Ils sont visiblement mongoliens: quand on explose la lumière dans une chambre, ils vont juste voir à l’endroit du bruit, exactement là où on vise, et on peut tranquillement les buter un par un, puisque les autres, ayant entendu leur coéquipier se faire tuer, vont à leur tour remplir le viseur. Mais par contre, quand ils sont alertés, ils deviennent nyctalopes, même si ils avaient le dos tourné avant le déclenchement de l’alarme. Ils détectent notre héros assisté même si il se cache dans le noir voire derrière une caisse; au point de lui tirer dessus même quand ils ne peuvent pas l’atteindre, mais ils tirent bien à l’endroit où il se cache. Ensuite, quand on veut les assommer, quand ils ne s’y attendent pas, c’est un coup, mais quand ils sont en face, c’est 2: certes ils voient ce qu’on leur fait mais Sam pourrait les frapper plus fort, ou avec d’autres coups, plus efficaces; mais non, il donne un coup de poing et attend avant de recommencer, et on meurt bêtement.

Les alarmes se déclenchent aussi à partir de rien parfois, on nous signale «un corps a été découvert», mais par qui et où reste un mystère, car si on retourne partout où on a laissé des corps non cachés, on n’aperçoit personne, c’est juste un truc automatique qui fout en l’air la progression, une artificielle incitation à dissimuler les cadavres. Et le colonel prévient: «attention, encore une alarme, et j’annule la mission», oh oui bien sûr, et les alarmes d’avant c’était du vent? Les gardes communiquent par radio, on entend leurs dialogues parfois, mais quand l’un d’eux disparaît personne ne s’inquiète, de même quand un garde trouve un corps, il signale juste qu’il a trouvé un corps, et aucune autre conséquence. So much for infiltration...

Plus haut, j’ai dit que Sam Fisher était un assisté. Je le prouve: il ne sait utiliser que des canettes et des bouteilles pour les lancer, jamais un extincteur pour défoncer une porte, ou une arme piquée à un garde, il ne sait pas sauter avec précision, ni descendre d’une échelle correctement, il ne sait pas faire passer un corps par-dessus un muret qui lui arrive aux genoux, il ne sait pas grimper (ou plutôt il ne grimpe que sur les objets qui sont programmés pour ça, même si rien ne le justifie), il ne sait pas viser même à 2 mètres, il ne sait même pas assommer quelqu’un ou le prendre en otage sans qu’il pousse un petit cri, suffisant pour alerter ceux alentour. Quel espion redoutable! Sans parler des lumières de ses lunettes pourries et de sa radio. Heureusement qu’il doit infiltrer seulement des bâtiments gardés par des trisomiques et des scripts bienveillants, qui lui offrent toujours un chemin et ne le laissent jamais se perdre. Car avoir une carte ne suffit pas à Sam, il pourrait ne pas réussir à la lire.

En y réfléchissant, je me rends compte que peut-être le jeu se passe dans quelque réalité fabuleuse, quelque monde merveilleux: en effet j’ai remarqué certaines choses étranges. Une tourelle automatique n’y craint pas les grenades et les autres lois physiques, impossible de la renverser ou de la tourner; les flammes ne s’éteignent jamais, même si de l’eau leur coule dessus; des medkits se trouvent partout, comme des planques de pancakes; un vase ou un tabouret peut empêcher le passage inexorablement; les protections vitrées des réverbères sont pare-balles (une utilisation apparemment plus intelligente du budget des communes que mettre des ralentisseurs non conformes aux normes, déplacer encore plus loin les panneaux de sortie des villes, pour qu’on roule à 50 en rase campagne, multiplier les feux dans des endroits déserts, refaire les routes là où elles sont neuves et délaisser celles fissurées, placer des panneaux absurdes...); et tous les ordinateurs sont laissés allumés sans nul mot de passe à rentrer. Ça ne peut que signaler un monde fabuleux, non?

Bref, voilà pour les défauts. Mais en contrepoids, voici les qualités...

Graphismes pas trop mal, sauf les mochissimes cinématiques (beaucoup plus laides que in-game, un comble).

Un scénario potable (enfin, ça se discute).

Une musique potable.

L’impression que donne parfois le jeu d’être véritablement un agent spécial devant éliminer des terroristes. Leur faire des headshots dans le noir, en ne laissant aucun survivant est jubilatoire.

Ouais bon, j’ai pas été fair-play, j’avoue: dès que je pouvais ne pas m’infiltrer, j’ai tiré sur tout le monde, ou, en cas contraire, j’ai assommé tout le monde. Mais faut dire que Splinter Cell ne s’y oppose jamais assez (en mode Normal en tout cas), les désavantages sont minimaux en cas de massacre général, et au moins ya plus personne derrière nous. Avec un système comme dans Hitman 2, ça aurait pu redonner quelque intérêt à s’infiltrer, d’ailleurs avec la même fragilité du personnage (on peut pas trop faire le bourrin dans Splinter Cell non plus, mais la présence de medkits et de sauvegardes gâche tout). Le jeu ne fournit jamais la difficulté, il faut aller la chercher; or pourquoi je devrais, quand je suis pas convaincu par la réalisation?

Soooo casual.

Préférez Deus Ex (le seul, le vrai), Dark Project, Metal Gear (qui a un scénario autrement intéressant...), voire Commandos.
Owen_Flawers
3
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le 24 nov. 2013

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Owen_Flawers

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