Nous sommes en juillet 1999. Alors que la PlayStation première du nom, commercialisée en France depuis plus de 3 ans et demi, a déjà vu passé de nombreux jeux couronnés de succès, le studio japonais KONAMI (qui vient de sortir quelques mois plus tôt le monument vidéoludique Metal Gear Solid) se lance dans le survival-horror, avec ce jeu pour le moins atypique : SILENT HILL.
Très souvent comparé à Resident Evil pour son ambiance survival-horror, Silent Hill s'en distingue toutefois nettement par son approche psychologique marquée, sa distorsion du monde réel et son flou volontaire entre cauchemar et réalité, là où Resident Evil privilégie l'action tout en restant bien ancré dans le réel.
L'univers de Silent Hill est complexe et nous laisse au départ plein d'interrogations. Ce n'est qu'après s'être bien renseigné et documenté sur lui que l'on arrive à en comprendre les tenants et aboutissants.
Pour tenter de le résumer simplement, Silent Hill est une ville fictive située dans le Maine. Aujourd'hui connue pour son tourisme, elle fut jadis associée à sa religion occulte, vénérée et pratiquée par une part importante de sa population. Si la ville s'est depuis modernisée, elle reste secrètement soumise au pouvoir de l'Ordre, secte adepte de la Magie noire.
On incarne tout au long du jeu Harry Mason, un père veuf venu en vacances à Silent Hill avec sa fille Cheryl, âgée de 7 ans. Après un accident de voiture où il perd connaissance, Harry se réveille et se rend compte que sa fille a quitté le véhicule. L'apercevant dans le brouillard, il tente de la rattraper. Sans succès, tant celle-ci semble irrémédiablement aspirée par la ville.
Découvrant une véritable ville fantôme en proie à d'étranges phénomènes (routes coupées par des gouffres sans fin, brouillard persistant, chutes de neige intenses en plein été, monstres surnaturels), le héros se lance dans une quête dangereuse et bien incertaine pour tenter de retrouver sa fille. Au cours de son périple, il verra à plusieurs reprises la ville se transformer en une version altérée, bien plus ténébreuse que sa forme de départ (déjà surnaturelle et inquiétante), où la rouille, l'obscurité et le sang prédominent.
L'ambiance est sombre, oppressante et anxiogène. On se sent en permanence seul, traqué et vulnérable, devant sans cesse anticiper les charges des divers monstres. Je pense en particulier aux nombreux passages en extérieur, où les attaques peuvent aussi bien venir de la terre comme des airs, nous obligeant à varier notre trajectoire de course. Si elle se révèle déterminante pour détecter la présence de monstres, la radio ajoute au climat angoissant du jeu par son grésillement strident et répété.
Bien qu'elle puisse paraître de prime abord complexe et labyrinthique, l'avancée du héros dans les différents lieux visités (école, hôpital...) se révèle au final plutôt linéaire, multipliant les culs de sac et portes impossibles à ouvrir, nous laissant face à un chemin relativement " tracé ". Au vu de l'immensité des lieux et des nombreux détours à faire au fil de l'intrigue, ce point est vraiment appréciable.
Les énigmes sont parfois un peu pénibles à déchiffrer, mais ça reste globalement accessible ou contournable (comme par exemple pour trouver le code à 3 chiffres dans l'énigme des signes du zodiaque, essayer toutes les possibilités est au final assez rapide).
Conservant toujours une part de mystère, le scénario est d'une très grande qualité, dévoilant peu à peu l'histoire de la ville et les tragiques évènements de son passé. Personnage énigmatique, Alessa devient de plus en plus centrale au fil du jeu, à tous niveaux (intrigue, décors, ambiance, passages en mode altéré...). Comprendre son histoire se révèle au final être la clé de tout...
Les fins possibles sont au nombre de 4, sans compter celle humoristique avec les aliens. Pour obtenir la BEST, deux conditions sont nécessaires : sauver Cybil de la possession grâce à l'Aglaophotis, et enquêter sur le trafic de drogue dans lequel est impliqué le Docteur Kaufman, en visitant plusieurs lieux situés dans le site touristique de la ville. Si la première n'est pas trop compliquée à atteindre, la deuxième l'est davantage, tant cet arc narratif est secondaire et indiqué nul part. Pris en chasse par les monstres, on a plutôt tendance à tracer qu'à vérifier chaque lieu visible sur la carte.
Les graphiques sont de bonne qualité pour un jeu de PS1 et pour l'époque. Pour les passages en extérieur, le jeu utilise avec succès le brouillard et l'obscurité pour compenser la puissance graphique limitée de la console en termes de profondeur.
La fabuleuse bande-son d'Akira Yamaoka complète avec brio la réussite incroyable de Silent Hill. La musique theme, que l'on découvre dans la vidéo d'intro, nous offre un aperçu de l'incroyable talent du compositeur, mêlant habilement mysticisme et mélodie harmonieuse. Mais le talent de Yamaoka va plus loin que sa musique theme, allant jusqu'à créer tout un univers sonore qui nous prend aux tripes, que ce soit dans les musiques ou les bruitages. Sa bande-son devient ici un objet de peur à part entière, tout autant que les décors, les monstres et l'ambiance visuelle.
En conclusion, Silent Hill est un chef-d'œuvre que tout fan de jeux-video se doit de découvrir au moins une fois dans sa vie. Sombre, prenant, énigmatique et vite addictif, il nous fait découvrir le monde de l'épouvante-horreur comme on ne le connaissait pas encore dans le paysage vidéoludique, en nous plongeant dans un cauchemar éveillé, où les frontières de la réalité sont fortement bousculées.