Remember Me est le premier jeu vidéo développé par Dontnod Entertainment, un petit studio frenchie qui, à l'heure de l'uniformisation culturelle au profit de la toute puissante Amérique, arbore fièrement et brillamment les couleurs françaises: « Cocorico ! ».

Dans un univers dystopique, très proche d'un Total Recall, les souvenirs sont devenus des marchandises que les individus sont libre d'acheter, de supprimer, de revivre, d'échanger et certainement de revendre. Mais cette réification des souvenirs n'est pas sans causer certains problèmes: Les consommateurs de souvenirs se transforment peu à peu en créatures monstrueuses rejetées par la société et parquées dans les égouts de Néo-Paris. Nilin, notre héroïne amnésique cherche à retrouver son passé volé tout en dénonçant les dérives d'un système gangrénant la société.

Remember Me c'est d'abord une claque esthétique. Rarement un jeu vidéo n'aura été si agréable à parcourir, les amateurs de science fiction découvriront avec joie ce titre qui n'est pas sans rappeler l'esthétisme particulier des univers de Philip K. Dick (Total Recall, Blade Runner). Le style des niveaux sont certes d'une qualité inégale (les égouts étant moins inspirés que le reste), mais il convient tout de même de saluer le travail incroyable des artistes ayant œuvré sur ce titre. Puisque l'on est dans le registre de la beauté, soulignons également le superbe travail d'Olivier Derivière sur la bande-son, l'une des meilleures produites sur cette génération: envoutante, entrainante et épousant à merveille cet univers.

Si la forme est quasiment-irréprochable, attardons nous maintenant un peu plus sur le fond qui l'est bien moins.

Remember me est un jeu qui alterne entre des phases de grimpette et des phases de combats. L'escalade est fort agréable mais, jeu moderne oblige, l'échec est quasiment impossible. Bien lointaine est l'époque des Tom Raider ou un saut mal calibré obligeait le joueur à recommencer toute une phase de jeu. Une chose m'avait en tout cas choqué lors des diverses vidéos de présentation du jeu: Chaque plateforme abordable était indiquée par le HUD... J'avais interprété cela comme étant un pas de plus vers la casualisation, que nenni ! Comme exposé précédemment Remember Me est un titre donc le design est très travaillé, très foisonnant. Impossible serait la tâche du joueur s'il devait repérer par lui même les plateformes auxquelles il peut s'agripper. Est-ce un souci de level-design ? Certainement, bien qu'il puisse être justifié par une volonté de cohérence esthétique. Quoi qu'il en soit, on pourra toujours regretter que ces phases ne fassent pas un peu plus appel aux compétences et plus spécifiquement à la dextérité du joueur.

Viennent ensuite les phases de combat. Pendant les premières heures de jeu, Remember Me ressemble un peu, soyons honnête, à un sous-Batman. Il y a des séries de coups, des esquives mais pas d'éliminations, pas de coups spéciaux et pas de contre-attaques. Le premier élément de gameplay introduit est le dit « Combo lab » permettant de créer soit même ses combos en alternant entre trois types de coups (puissants, regains de vie, réduction de cooldown). Les combats s'étoffent néanmoins au fur et à mesure de l'aventure. Apparaissent en effet de nouveaux ennemis (robots, soldats d'élite) et avec eux, quelques techniques spéciales (contrôle de d'IA, surcharge, invisibilité, bombe). On regrettera néanmoins cette densification trop tardive du gameplay alors que le model Batman: Arkham Asylum, est jouissif dés les premières minutes. De la même manière, il est tout à fait regrettable que les combos se brisent dés lors que le joueur change de cible... De ce fait, les longues séries de coups sont assez difficiles à placer et ne récompensent que trop peu le joueur pour les risques pris. Spammer le combo de base de trois coups s'avère assez souvent être une stratégie payante et c'est regrettable. Beaucoup de journalistes ont critiqué un caméra capricieuse, s'il est vrai qu'elle n'est pas parfaite, je n'ai, à titre personnel pas eu de soucis ayant provoqué une quelconque frustration.

Ce qui caractérise Remembre Me c'est également sa linéarité, le joueur évoluera pendant toute l'aventure dans un couloir de seulement quelques mètres de large, sans déviation possible. Aucun choix n'est laissé au joueur quant à son itinéraire. Les rares fois ou les couloirs s'élargissent, ils s'ouvrent sur des arènes circulaires dans lesquels se dérouleront évidement... des combats. C'est un point extrêmement regrettable car la première aire de jeu (zone du club Leaking Brain) laisse penser, pendant un instant, à un titre ou le joueur dispose d'une liberté relative (environnements semi-ouverts, marchands). La désillusion arrive très vite.

Le jeu se démarque enfin par ses séquences de "Memory Remix" qui font office d'énigmes. Durant ses phases de jeu, l'héroïne s'attelle à modifier les souvenirs de sa victime afin d'altérer son passé et mécaniquement, sa personnalité. Concrètement, un souvenir est montré au joueur par le biais d'une cinématique. A la fin de cette dernière, le joueur aura loisir de rembobiner, relire ou accélérer la cinématique afin d'en modifier certains éléments et de changer l'issue du souvenir. Une idée fort sympathique et plutôt bien mise en œuvre si ce n'est qu'il est fastidieux de rembobiner manuellement un souvenir de plusieurs minutes à l'aide d'un stick. Une simple barre de progression aurait été la bienvenue.

Le scénario de Remember Me est, sans conteste, de qualité. On pourra néanmoins regretter que certains personnages ne soient pas plus approfondi (Bad Request, le patron du Leaking Brain). De la même manière, si la trame est de qualité, quelques points viennent noircir le tableau. Ainsi, les motivations qui ont poussé les deux grands antagonistes du jeu à créer cette dystopie (les pontes de la société Memorize) sont plus que douteuses.

-------------------------> [DEBUT DU SPOIL]

Encore une fois, je trouve l'univers très bon (dystopie basée sur la marchandisation des souvenirs). Le scénario est relativement bon et le twist de fin très bien trouvée (L'IA qui est à l'origine de sa propre destruction).

Le problème c'est que les motivations des parents de l’héroïne ne sont pas assez travaillées.

Prenons l'exemple de la mère, si j'ai bien compris elle s'en prend à la société et soutient les projets scientifiques douteux de la Bastille simplement parce qu'elle est devenue aigrie à la suite d'un accident... Qu'elle veuille nuire au monde simplement à cause d'un accident dont sa fille est la responsable c'est quand même un peu léger comme motivation. De la même manière, je vois mal en quoi la déresponsabilisation de la fille vis à vis de l'accident peut lui faire changer à ce point d'avis sur la société. Bref, je trouve ce personnage (central dans le récit, car elle est l'épicentre du problème) vraiment bancal.

Concernant le père, ses motivations sont un peu mieux construites, il a contribué à la réification des souvenirs afin de recoller les morceaux entre la fille et la mère (parce que disons le franchement, la mère a pas l'air très commode). Au final, la réification des souvenirs est un moyen, selon lui, d'oublier, de corriger, en bref: de modifier le passé. Problème la encore: Pourquoi l'héroïne a été obligée de modifier ses souvenirs et de provoquer sa propre mort pour faire prendre conscience au père de l'erreur qu'a été la création de Hedge.... C'est un peu bidonné comme solution, faut le dire. Une bonne discussion autour d'une table aurait fait l'affaire.

-------------------------> [FIN DU SPOIL]

En bref: Un très bon jeu: Original, esthétiquement superbe et agréable à parcourir. A conseiller évidement à tous les amateurs de SciFi.
Yuzhan
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le 1 juil. 2013

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Yuzhan

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