A trop attendre d’une œuvre, on est irrémédiablement déçu. Mais là où certaines fois notre attente est tellement haute que rien ne pourrait la combler, d’autres fois, la déception passe par une incapacité de l’œuvre à assumer la place qu’elle doit prendre.


Ni No Kuni 2 fait partie de la deuxième catégorie, très clairement. Il s’agit d’une immense déception, à cause d’un manque d’ambition tellement grand qu’il frôle le foutage de gueule. La totalité des éléments du jeu semblent au mieux moyens, sinon mauvais, là où le premier opus, malgré des maladresses, parvenait à laisser un souvenir impérissable.
Et à force de m’énerver sur les critiques dithyrambiques que je lis un peu partout, il fallait que je prenne le temps d’expliquer ce qui me gêne dans ce second volet.


Par où commencer ?
La qualité du scénario -ou plutôt sa relative absence- est la plus grande faiblesse du jeu. Là où le premier Ni No Kuni s’appuyait sur un scénario costaud, touchant, profond, avec des personnages développés et fouillés, on trouve ici une bouillie sans grande cohérence, et sans grand intérêt. Evan, personnage auquel on ne s’attache pas le moins du monde, passe le jeu à répéter qu’il veut constituer un royaume aux millions de sourires. Et c’est tout. D’énormes failles scénaristiques émaillent le jeu


(Evan ne tente à aucun moment de reprendre son royaume, préfère partir au milieu de nulle part pour en refaire un autre, et devient pote avec le mec qui a buté son père et pris le royaume par la force ; ou encore Roland qui semble n’en avoir rien à foutre de se retrouver dans un monde parallèle, au bout de dix minutes, le gars a totalement oublié son monde d’origine, où, on le rappelle, il est président des Etats-Unis)


, certains éléments sont utilisés à un moment pour faire avancer la trame puis abandonnés sans qu’on y revienne, et d’autres apparaissent subitement sans raison


(par exemple, on apprend genre trente minutes avant la fin que Roland à un fils dans son monde d’origine, mais ce n’est pas plus développé)


. Le tout est plus que scabreux, et l’on en vient à espérer la fin du jeu rapidement pour que tout ceci prenne un peu de consistance, chose qui n’arrivera pas, car les enjeux et les révélations finales tombent comme un cheveu sur la soupe, du coup on ne pige rien, et on s’en fout.


Conséquence directe, on ne s’attache à aucun des personnages, ni les principaux ni les autres, l’absence de doublage des voix joue surement pour beaucoup, mais pas seulement. Le désir de toute puissance d’Evan (car il s’agit bien de cela, un unique royaume sur terre, avec lui comme seul dirigeant) est la seule raison qui semble le faire avancer, et sous couvert de millions de sourires, nous sommes face à un dangereux tyran en puissance. Cela m’a beaucoup gêné, car le message véhiculé est quand même une apologie du pouvoir à tout prix. Il aurait pu faire autre chose de sa vie après s’être fait dégager de son royaume, non, le gamin n’aspire qu’à une chose, c’est de diriger. Les autres personnages sont sans grand intérêt, ils n’ont aucune profondeur, ils ne sont que des stéréotypes sur pattes, des clichés ambulant. Seul Hélio, de par sa désinvolture relative et ses réparties, sort un peu du lot, mais là encore la comparaison avec le premier, et avec Lumi, est accablante.


Là où l’absence du studio Ghibli se fait aussi beaucoup sentir, c’est sur les graphismes. Le premier était un modèle du genre, avec ces décors magnifiques, ces villes où l’on aimait se balader, les couleurs étaient éclatantes, les textures somptueuses. L’ensemble avait une âme. Ici, tout est froid et générique, trop clinique, les villes sont vides et sans âmes (Gamblor fait illusion, du moins plus que les autres), la carte extérieure où l’on court en mode pop est assez moche, et les donjons ne sont que des enchaînements de tunnels se ressemblant tous. Et je ne parle même pas de la map du monde, peu inspirée et assez pauvre en lieux à découvrir. Les environnements se font génériques, et les temples à trouver et explorer sont tous calés sur le même modèle.
En plus de l’absence de doublages vocaux sur la quasi-totalité du jeu, l’absence tout aussi importante de vraies cinématiques rend le jeu terriblement agaçant. Voir une énième fois Evan et compagnie faire un mouvement en arrière lorsqu’ils sont surpris m’a donné plus d’une fois l’envie de balancer la manette sur la télé.


Si la quête principale est d’un ennui abyssal, les quêtes secondaires sont encore pires car elles se résument inlassablement à aller chercher un truc, ou buter un monstre. Certaines fois, le jeu ne fait même pas l’illusion d’enrober les choses et dit clairement : « Si tu veux que je vienne dans ton royaume, bute 7 bestioles. » Et c’est tout !


Tiens, en parlant de royaume, parlons-en du fameux mode royaume. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un jeu de gestion tel que l’on trouve sur mobile, ou sur Facebook. On est obligé d’attendre un certain temps pour que nos améliorations aboutissent, et les possibilités de constructions sont plutôt faibles. On se prend au jeu certes, c’est même pour moi la partie qui m’a le plus intéressée du jeu, ce qui n’est pas un très bon signe concernant le reste.


Je n’ai pas encore abordé le mode bataille, qui (comme pour beaucoup de points du jeu) est une bonne idée à la base et aurait pu être intéressant. Malheureusement, il n’en est rien ici, la faute à un manque de profondeur des mécaniques de jeu, à un coté répétitif à l’extrême, et à des graphismes bien moches.


Pour dire à quel point le jeu passe à côté de ce qu’il aurait pu être, même les musiques signées Joe Hisaishi sont mauvaises. Le thème principal, déjà récupéré du précédent volet, est ici décliné à toutes les sauces, avec plus ou moins de bonheur. Et le reste des compositions agresse bien vite les oreilles, entre dissonances et insipidité.


Les combats sont pour leur part plutôt réussis, dynamiques et bien pensés. Mais le manque cruel de challenge du à une difficulté beaucoup trop faible plombe leur intérêt, la plupart d’entre eux n’étant qu’une dérouillée en règle des adversaires. Ces derniers manquent énormément de diversité, au final, il existe une douzaine de type d’adversaires différents, seulement déclinés par des changements de types et de couleurs. Pareil pour les boss, à part les quatre gardiens, tous ne sont que des versions en plus grand des monstres que l’on croise par ailleurs.


Vous me direz que cela fait beaucoup de défauts pour un seul jeu (et encore j’en passe), et que je suis surement trop exigeant, ou aveuglé par l’attente que je m’en faisais. N’empêche, ce Ni No Kuni 2 est une énorme déception, car de Ni No Kuni, il n’en a que le nom. Si cela avait été sous un autre nom, je l’aurai peut-être seulement qualifié de médiocre, mais non, même ça, je ne peux pas le lui concéder.

El_rodeo
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le 9 mai 2018

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