Je viens de finir, une grosse année après sa sortie, le petit dernier de Quantic Dreams. Et quand je dis finir, c'est vraiment de fond en comble puisqu'après ma première partie, je me suis amusé à - chose parfaitement inutile voire un peu stupide, mais qui reste un plaisir coupable - pratiquer la chasse aux trophées/succès. Vous êtes donc prévenus, ce petit texte va spoiler dans tous les sens.

Mon nom est Connor. Je suis l'androïde envoyé par Cyberlife.

Je vais donc démarrer sans plus attendre et parler de ce qui fut pour moi la meilleure des trois parties du jeu, celle de Connor et Hank.

Bon déjà, les deux acteurs - surtout Connor - sont excellents du début à la fin. Ils sont véritablement à des années-lumière de la plupart des autres personnages du jeu, qui ne sont pourtant pas mauvais. C'est bien simple, si je devais en choisir trois, ce seraient ces deux-là et Markus. Le doublage français, en plus de ça, est irréprochable et Donald Reignoux offre comme à son habitude une performance géniale en interprétant le détective androïde.

https://youtu.be/ywlaJWNn8Wg?t=115

Alors oui, Hank est un pur cliché, celui du flic brave mais alcoolique, un peu bourru et qui a subi un événement traumatisant le poussant à haïr les androïdes. Mais étrangement, ça ne me dérange pas. Peut-être parce qu'au fond ce genre de pauvre type est indéniablement humain et que les échanges qu'il a avec notre Coco national, que ce dernier le devienne aussi ou qu'on en fasse un pur Terminator, marchent très bien.

Ils arrivent presque toujours à être drôles et/ou touchants dans leurs interactions, notamment sur des trucs simples comme la scène de la douche (ce n'est pas ce que vous croyez) ou le fait que Connor s'amuse avec une pièce de monnaie et que ça emmerde son partenaire. Moi d'ailleurs ce qui m'emmerde, c'est de ne pas arriver à faire son tour le plus évident malgré un entraînement intensif d'un jour...

Le seul problème dans cette mécanique Connor/Hank, est en fait un problème majeur du titre que j'aborderai sous d'autres aspects lorsqu'on parlera de la partie de Markus : le manichéisme.
Je m'explique. J'ai adoré voir évoluer le duo en fonction de comment je jouais Connor, mais en fin de compte il ne reste que peu de place à la nuance et c'est bien dommage.

Soit on fait de Connor un androïde avec trop de compassion et il en devient déviant, soit on le joue principalement machine, et il poursuit sa mission en priorité sans que cela ne nous laisse la possibilité de ne pas se comporter comme un pur connard avec son collègue. Il n'y a pas d'entre deux. Dans le premier cas, Hank finit par nous apprécier énormément et se joint à la cause des androïdes, dans le second il nous déteste et, au choix : se suicide, meurt en tentant de nous arrêter ou y parvient en nous tuant.

Je suis peut-être chiant, mais n'était-il pas possible pour Connor de ne pas être un pur enfoiré insensible tout en restant fidèle à sa mission ? Vous pourriez me dire que c'est un robot, certes, mais le pire twist du jeu, lorsque Connor devient déviant, nous explique que c'était le but de Cyberlife, et qu'ainsi ils peuvent atteindre le leader du soulèvement des androïdes en réinitialisant Connor. Je dis pire twist car vraiment, je ne vois pas en quoi un plan pareil rend véritablement service à l'entreprise Cyberlife, mais soit ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est que cela signifie qu'ils savaient que leur RK800, sans pour autant être déviant et comme en témoignent les instabilités système au long du jeu, éprouve des émotions.

De même, Connor est une machine extrêmement intelligente, capable entre autres d'analyser son environnement en pleine course poursuite afin d'évaluer les risques de tel ou tel itinéraire. Une telle merveille technologique ne pouvait-elle en fin de compte, vraiment pas imaginer une solution au conflit opposant humains et androïdes qui soit autre que d'abattre le leader des machines ou le rejoindre ? Je suis un peu frustré par ce potentiel gâché, en fait.

Nous sommes vivants.

Question manichéisme et manque de gris, l'histoire de Markus va encore plus loin. Pour faire simple, vous vous retrouvez à la tête d'un mouvement visant à octroyer des droits aux androïdes et avez le choix de l'approche : pacifique ou violente. Alors oui, un entre deux peut être difficile à envisager.

Mais le manque de nuance s'exprime surtout dans les fins obtenues en fonction de l'approche choisie. Car même si Markus a tout à fait la possibilité de se montrer sanguinaire et de triompher, les événements qui surviennent sont tout saufs égaux.

Si vous optez pour l'approche pacifique, Markus et les siens n'essuieront aucune, je dis bien aucune perte. Alors si, pardon, il y a bien les trois tocards d'androïdes du fond qui se prennent des balles lors de la marche pacifique, mais qu'est-ce qu'on s'en tape ! Le seul qui risque sa peau durant celle-ci, en fait, c'est Markus. Mais un brave PNJ que vous pouvez libérer quelques missions auparavant peut se sacrifier, moi c'est ce qui m'est arrivé.

Tandis que du côté violent, ça se montre déjà plus punitif puisque les espèces de lieutenants de Markus tels que Simon, Josh et North y passent, au moins en partie. C'est cool, mais un peu simpliste : tu es sage ? Bon, d'accord, on va te laisser tous les personnages principaux. Tu prends les armes ? Allez, on part sur quelques pertes importantes.

C'est encore une fois un peu abrupt, à mon humble avis. Evidemment qu'il y a plus de risque qu'il y ait des morts en cas de conflit direct, mais il me semble un peu trop facile qu'il n'y en ait aucune de significative en cas d'approche pacifique. Il aurait été super intéressant que l'approche pacifique exige justement des sacrifices.

En parlant de sacrifices, comme je l'ai souligné il y en a pas mal dans les rangs des androïdes anonymes lorsque l'on défile dans les rues. Et cette marche m'a quelque peu posé problème aussi. L'opinion publique était en ma faveur lors de mon approche pacifique, et j'ai défilé dans les rues de Detroit en convertissant les androïdes sur mon chemin... Mais un truc m'a sauté aux yeux assez rapidement : où sont les humains ? Aucun, zéro, nada.

En même temps le jeu a une vilaine tendance à nous dire que les méchants ce sont eux, et que les androïdes sont les gentils... Mais aucun humain ne s'est joint au mouvement ! Et ce malgré le fait qu'à priori, une grande partie d'entre eux soutenait la cause.

Les humains, à l'exception de ceux que l'on rencontre de près comme Hank, Kamski, Rose et compagnie ou encore le garde-frontière du Canada, bah on a rapidement le sentiment qu'ils sont absents et n'ont aucun impact, ce qui est bien dommage. En faire défiler avec les androïdes durant la marche pacifique aurait rendu l'univers du jeu plus crédible, et aurait en plus permis de faire hésiter les forces de l'ordre à ouvrir le feu.

Il y a donc cette exécution de la lutte pour les droits sociaux de Markus, mais aussi son principe même qui m'a posé quelques soucis. Parce que oui, j'ai toujours un peu de mal quand on compare les androïdes essayant d'obtenir leurs droits avec nous. J'entends par là que si chez les humains cette lutte est on ne peut plus légitime car il s'agit d'une seule espèce dont les individus sont les mêmes, les androïdes du jeu nous sont, eux, différents et nous sont même clairement supérieurs. Il s'agit pour moi d'un cas de figure qui aurait mérité d'être exploré et que l'on a simplifié de manière abusive.

Depuis que j'ai rencontré Alice, je sais que je ressens des émotions.

Abusif, c'était Todd, le père d'Alice. Désabusé, c'était moi quand je devais jouer Kara. Tout n'est évidemment pas à jeter, et j'ai par exemple adoré l'ambiance du parc d'attractions enneigé, mais rien n'y fait : cette partie de Detroit : Become Human est clairement en deçà par rapport aux deux autres.

J'ai un ami qui a choisi de ne pas devenir déviant avec Kara, ce qui a pour conséquence la mort de celle-ci et d'Alice très peu de temps après le début du jeu. Eh bien sans mentir, par moments je l'enviais presque tant me concentrer sur les histoires respectives mais connectées de Connor et de Markus aurait été plus enviable !

Car si la relation mère/fille du duo est de fait touchante, il m'est arrivé de trouver le temps long et de me dire que l'enjeu était quand même bien moindre que celui de l'histoire des deux autres loustics.

De fait, tout l'enjeu de celle de Kara était, à priori, de nous montrer qu'une relation humaine/androïde était tout à fait possible. En cela, ça aurait pu marcher et rejoindre la tentative de Markus de convaincre les humains de cohabiter.

Sauf qu'il y a un hic : vers le milieu du jeu et au cours de notre voyage de plusieurs jours dans le froid et sans bouffer, on finit par se poser des questions sur la nature de la fillette.

Et comme révélé à quelques chapitres de la fin, il s'avère qu'Alice est en fait un modèle d'androïde et toute cette thématique est donc balayée d'un revers de la main. C'est vraiment dommage, et encore une fois du potentiel gâché.

Conclusion

Bon, je me relis et trouve que j'y suis allé un peu fort sur les aspects du jeu que j'ai moins apprécié, mais en fin de compte si vous voulez mon avis sur le titre, relisez donc le premier mot de cette phrase.

Detroit : Become Human est, malgré toutes les petites aspérités que je lui ai trouvé, un jeu que j'aime. Il est le digne successeur de deux jeux du studio sur lesquels j'avais passé un bon moment, à savoir Heavy Rain et Beyond Two Souls, et pour être franc, il les surpasse complètement.

Graphiquement très beau, doté de personnages attachants pour la plupart et d'une trame satisfaisante malgré ses défauts, il est pour moi le meilleur jeu qu'aient à ce jour produit Quantic Dreams et David Cage.

Et je sais qu'en fin de compte, ce ne sont pas ses quelques points agaçants que je retiendrai de lui, mais plutôt certains chapitres vraiment bien foutus : From the Dead, pour n'en citer qu'un, est juste incroyable !

Je surveillerai donc très attentivement le prochain jeu du studio en espérant que comme Detroit, il sera une amélioration de ses prédécesseurs. Un androïde, en fait.

Eneyen
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le 27 mai 2022

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