Quand on arrive sur Demon's Souls après avoir traversé une décennie jonchée de jeux FromSoft inspirés de celui-ci, Depuis Dark Souls jusque Sekiro (en attendant Elden Ring), la première pensée qui me vient au moment de faire le bilan c'est : ...à ce point ? Je savais que Demon's avait pavé la voie, que des éléments du jeu avaient été repris et déclinés dans les suivants, mais je ne pensais pas connaître déjà à l'avance tant d'éléments du jeu ! Que ce soit en termes de zones, d'ennemis (et de boss), de situations et d'interactions particulières...C'est fou comme Miyazaki et la team derrière se sont servis de ce jeu comme réservoir à contenu, dans lequel ils ont généreusement pioché pour les suivants.


Mon premier quiproquo avec Demon's Souls a été de croire que, étant donné le fait que chaque jeu suivant a été plus vif que le précédent (en termes de poids de perso et de vitesse de jeu) à partir de Dark Souls, l'épisode précédent serait nécessairement encore plus lourd. Ce qui est faux : si ça n'est tout de même pas Dark Souls 3 ça s'en rapproche (les enchainements de roulades acrobatiques notamment). Dur de s'approprier la maniabilité du personnage, qui semble parfois glisser sur le sol - ce qui n'est pas aidé par le fait que sous forme d'âme (l'état dans lequel vous passerez vraisemblablement l'essentiel du jeu) vos pas et roulades ne font aucun bruit. On se retrouve à avoir régulièrement l'impression que le perso nous échappe, la quasi absence de feedback à ce niveau est perturbante. En termes de diégèse c'est assez brillant, on est réellement une enveloppe non-charnelle ; et le combo avec l'absence générale de musique peut participer à donner une expérience de jeu soit + oppressante (le silence de ces espaces infinis) soit au contraire + zen (l'impression de flotter hors du corps).


Autrement j'admire beaucoup l'ouverture de Demon's Souls, qui est finalement plus grande que celle de Dark Souls au niveau des choix qui s'offrent au joueur dès "le début" (disons après le premier vrai boss de Boletaria). 5 zones et la possibilité de les affronter dans l'ordre qu'on veut, ce qui donnera aux connaisseurs la possibilité de se faire des builds très précis très tôt dans le jeu, contrairement à un Dark Souls qui certes a la map la plus géniale d'assez loin, dans sa conception esthétique et topologique, mais qui empêche l'accès à bon nombre d'armes intéressantes avant d'avoir bien avancé dans le jeu. Sans parler du fait que chaque zone a son armée d'objets pour améliorer les armes et leur conférer des effets spécifiques. Je conçois très bien l'amusement qu'on peut prendre à démarrer une run sur le jeu en connaissance de cause même si je ne suis pas sûr de prendre la peine moi-même un jour.


Maintenant, ça ne veut pas dire que certaines parties du jeu n'ont pas été rendues obsolètes par certaines technologies développées dans les suivants. En vrac : la téléportation ok, mais pas en devant repasser par le Nexus à chaque fois svp (dommage que Bloodborne ait régressé sur ce point) ; la limite de poids transportable est ultra agaçante et ne vaut pas le fun qu'elle sacrifie sur l'autel d'un réalisme un peu m'as-tu-vu ; le gameplay d'action qui est assez limité, ça n'a jamais été le point fort des Soulsborne (enfin sauf chez Sekiro) mais on aurait apprécié des moves en plus, au moins une attaque plongeante, et une IA d'esprits noirs moins crétine (et encore je joue càc, une pensée pour les pauvre builds de magie et leur maigre éventail de sorts) ; la sensation de jeu, avec l'impression que les coups sont infligés sans poids derrière, chose qu'améliorera considérablement DS1 ;


; l'absence du système d'estus se fait sentir, en comparaison les herbes à collecter est un système médiocre et jamais réellement équilibré (qui parfois force au farm en début de jeu alors qu'on se retrouve assez vite avec plus de soins qu'on ne pourra jamais en utiliser, trivialisant excessivement certains passages et certains boss ; le marais empoisonné, qui est magnifique hein avec sa manière de joindre esthétiquement Blighttown et le marais de Quelaag, mais imaginez-vous des planches en bois étroites et glissantes au dessus d'un nid de poison d'où poppent des moustiques à la hurtbox minuscule et vous comprendrez pourquoi Dark Souls a décidé de séparer davantage les deux zones) ; un passage particulier de l'Autel des Tempêtes (si vous avez joué vous voyez lequel) ; deux courses sur un pont enflammé avec un con de dragon (élément hélas repris dans les suites mais mieux réalisés) ; une vitesse de déplacement atrocement lente lorsqu'il s'agit de monter ou descendre des échelles ; des rebords qu'on peut parfois escalader sans justification outre que ça permet d'accéder à des objets spécifiques, c'est parfaitement contre-intuitif et parasite la manière dont on apprivoise le jeu par la suite.


Mais avec heureusement beaucoup de réussite dans ses atmosphères (l'aboutissement de l'Autel des Tempêtes...), ses lieux mémorables (son après-prison presque plus lovecraftienne que Bloodborne), ses astuces narratives (encore que le lore des objets soit bien maigre cette fois ci), ses faux boss qui sont en réalité des tragédies sur pattes (même s'il y a quelques boss de remplissages on ne va pas se mentir, et un Dieu Dragon complètement raté), son ouverture comme je le disais auparavant, et même son esthétique certes datée (tout ce bloom, mes yeux) trouve grâce à mes yeux grâce à un certain charme indéfinissable, loin du raffinement progressif des entrées suivantes mais pleine d'une variété brute et colorée qui honnêtement me plait plus que le gris nuancé et 4K que semble proposer son remake.


Jeu très imparfait ? Oui, mais d'une certaine manière il m'aura plus marqué que Dark Souls 3, jeu qui "mécaniquement" lui est pourtant bien supérieur. Demon's Souls ose beaucoup, rate parfois mais quand il frappe juste il le fait d'une manière qui n'a encore aujourd'hui aucun équivalent. La sortie de Dark Souls chez Bandai Namco semble avoir eu l'intention de remplacer et supplanter son grand frère de chez Sony, comme pour faire la nique à son éditeur. Mais en dépit de cela - et en dépit du fait que je trouve Dark Souls bien supérieur - il y a un art unique à l'œuvre dans Demon's Souls qui n'a plus jamais été exactement le même par la suite.*


*À ce sujet je vous renvoie vers la chouette vidéo de Matthewmatosis qui en parle très bien.

TWazoo
8
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le 21 févr. 2022

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T. Wazoo

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