Vous savez, je ne suis pas le plus grand fan de jeu-vidéo au monde. Ce n'est pas que je n'aime pas y jouer non, c'est juste que je suis...compliqué. Je m'ennuie quand ça parle trop, j'exècre les expériences multijoueurs, je trouve souvent les aventures répétitives...Pourtant ce n'est pas que le média ne m'intéresse pas, au contraire, je suis curieux de voir tous les types de gameplay possibles et j'adore explorer des univers inconnus...Simplement, j'ai du mal à trouver quelque chose capable de me faire réellement vibrer dans ce médium. Enfin, jusqu'à Bloodborne...


Je me rappelle, il y a deux ans, lorsque j'ai décidé de tenter un jeu From Software. Bien sur, lorsqu'on s'approprie un jeu étiqueté FS, on sait à quoi s'attendre. Un système de jeu impitoyable, des pièges par centaine, des combats à la limite du possible...Pour un joueur occasionnel comme moi, ça devrait être l'antithèse de ce qui m'attire non ? Pourtant, je me suis laissé tenter. D'ailleurs ce n'est pas la volonté de relever le défi qui m'a fait céder le pas. Ce n'est pas non plus les très beaux visuels que j'avais aperçu un peu partout sur le web. Non.
Ce qui m'a fait tenter l'expérience, c'est la musique. J'avais entendu moult éloges sur la musique des jeux From Software alors, un moment où ma navigation sur internet se faisait bien silencieuse, j'ai fini par jeter une oreille. Et tout de suite est venu ce sentiment d'avoir à faire à autre chose. Vous savez, ce sentiment que l'on ressent lorsqu'on pénètre dans quelque chose de totalement différent de tout ce qu'on a connu auparavant.
Les musiques de Bloodborne dépassent de loin le jeu-vidéo. Elles donnent vie un univers, elles engloutissent totalement. Savoir que des mélodies tantôt si terrifiantes tantôt si mélancoliques, n'appartenait pas à un quelconque film mais bel et bien à un jeu-vidéo - et donc que cela laissait supposer qu'il fallait jouer avec pareilles symphonies dans les oreilles- ce fut une véritable révélation. Evidemment, les thèmes sont pompiers et seraient jugés comme excessifs pour un long-métrage. Reste qu'elles sont absolument parfaites pour le jeu-vidéo...Pour les curieux, petit aperçu avec ce thème que j'adore :https://www.youtube.com/watch?v=7RzA_Oomra8). Donc, après avoir écouté "Omen" et le thème du menu en boucle pendant une heure, je décida le lendemain de me procurer Bloodborne.


"Donne-nous des yeux, donne-nous des yeux...Fiche des yeux dans nos cervelles, comme tu l'as fait jadis pour l'inepte Rom."


Et bordel de merde, j'en ai pris plein la gueule. Sincèrement, j'ai vraiment du mal à cerner les fans qui ne peuvent s'empêcher de préciser que "Bloodborne c'est pas dur, c'est un peu exigeant, tu vois". Alors...Pour moi, Bloodborne, comme Dark Souls et Sekiro d'ailleurs, c'est effectivement exigeant mais c'est surtout très très dur. Le level-design est vicieux, les ennemis font très mal et les combats de Boss demandent une patience et une précision rarement approchée dans le domaine du jeu-vidéo. Donc oui c'est très complexe, et oui, le jeu m'en a mis plein la gueule. Et j'ai adoré ça.


Car le gameplay de Bloodborne est merveilleux. Jamais je n'ai eu l'impression de contrôler avec tant de précision un personnage que dans ce jeu. Les esquives sont jouissives, les attaques sont rapides, le système de potion est vif mais demeure suffisamment lent pour que le joueur prenne ses précautions avant de se soigner. Puis il y a aussi cette idée complètement grisante de pouvoir regagner la santé en frappant l'ennemi juste après s'être fait toucher. Une idée simple mais réellement génial qui permet de pousser le joueur à être agressif dans un jeu où quelques attaques peuvent mettre fin à un affrontement.


"Oh Amygdala, Amydgala... Aie pitié de ce pauvre bâtard..."


Mais ce qui rend le système de combat réellement parfait, c'est le flingue. Ce foutu flingue. Car au début, sincèrement, le pistolet, j'en vois pas l'intérêt. Les balles sont limitées, il tire pas de loin et surtout, il fait peu de dégât. Sauf qu'en fait non. Lentement mais sûrement, le joueur va comprendre que ce pistolet, loin d'être un simple gadget, est tout simplement la clé de voûte du jeu. Car le flingue, si tu tires au bout moment, peut stopper net une attaque en cours et permet au chasseur d'infliger une attaque surpuissante à l'adversaire. Et ça, ça change tout. Alors oui, au début on galère, on sait pas quand tirer - évidement le jeu ne te le dira pas, c'est à toi de trouver l'instant-clé- alors on se trompe, on se mange les coups qu'on voulait parer et on finit par se dire que tant pis pour cette mécanique, c'est pas bien grave, on fera le jeu sans...Mais quand finalement on parvient à le maîtriser... Quand finalement, on réussit à lire dans les mouvements de l'adversaire le moment parfait pour placer le coup de feu...Alors Bloodborne passe un nouveau cap d'intensité.


"Quand la lune rouge est basse, la frontière entre l'homme et le monstre est flou. Quand les grands descendront, un ventre accueillera un enfant".


Comme dit plus haut, le jeu est complexe. Les ennemis sont variés et ne se combattent pas de la même manière. Il faut du temps pour appréhender chaque nouvel ennemi et c'est encore plus vrai pour les boss. Mais du labeur naît la satisfaction, la vraie, pas celle de God Of War ou d'Assasin's creed. Bloodborne demande du temps mais la jubilation qu'il provoque lorsqu'il est finalement dominé est proche de l'euphorie. Car oui, quand vous vous êtes fait latter la gueule pendant une heure par un boss qui vous semble invincible mais que vous finissez par réussir à lire ses mouvements, à totalement décoder sa chorégraphie, et que vous parvenez à saisir où il faut frapper et quand il faut tirer, alors vous jouez réellement à un jeu-vidéo. Et si les gens autour de vous ne semblent pas comprendre ce qu'il se passe dans votre tête lorsque vous jouez, c'est normal. Parce que les timings, les esquives, la précision avec laquelle il faut mener le combat, on ne peut s'en rendre compte qu'en jouant.
Ludwig, L'orphelin de Kos, Gherman sont l'apogée de ce travail d'apprentissage de pattern. Des combats merveilleux, à la musique divine, qui affirment la présence d'un véritable auteur à la base de tout ce projet - moi qui n'avait même pas songé à cette éventualité au sein du domaine du jeu-vidéo, me voilà bien surpris.


Bloodborne m'a totalement aspiré. Ce jeu c'est l'immersion totale. Vous êtes le héros par conséquent, vous devez trouver vous-même comment vous battre, vous devez trouver vous-même par où aller, vous devez comprendre vous-même l'histoire de ce monde. Alors oui, le jeu se joue avec les mains serrées et la boule au ventre en permanence. Qu'y aurait-il après ? Vais-je trouver un raccourci ? Ce monstre est-il aussi fort qu'il en a l'air ?
Bloodborne ressuscite la peur dans le jeu-vidéo et donne un sens à l'expression "prendre aux tripes".


"Non, je vais me réveiller...J'oublierais tout !"


Et puis, comment parler Bloodborne sans évoquer son univers ? Dieu sait que les gens en ont parlé. Pourtant à l'origine, le monde de Bloodborne pourrait paraître un peu trop hétéroclite. Une architecture victorienne, une histoire de sang contaminé et de chasseurs de monstres, une influence Lovecraftienne, des voyages dans les rêves et les cauchemars. Pourtant, le tout s'emboîte parfaitement et ne donne jamais l'impression d'un bric-à-brac.
Mieux encore, l'univers de Bloodborne respire la vie. Les rues qu'on arpente, les horreurs qu'on massacre, les voix terrifiées qu'on entends à travers les fenêtres lugubres, toutes ces choses ont une histoire. Si les tenants et les aboutissants m'ont d'abord paru cryptiques, il faut tout de même avouer que la profondeur de la mythologie ainsi que la présence de notes sur tous les objets permettent au jeu de donner une solide impression de vécu.
Le joueur erre à travers les rues désolées de Yharnam et n'en finit plus de chercher la source de cette déliquescence monstrueuse. On ne progresse pas dans Bloodborne, on s'y enfonce. Les derniers niveaux, le basculement vers la folie pure et les odyssées dans les cauchemars, ne feront que confirmer cet adage.
La direction artistique est évidemment magnifique et la réussite est d'autant plus éclatante que les créateurs sont parvenus à offrir des environnements aussi sinistres que variés. Le bestiaire est quant à lui prodigieux, les designers n'étant jamais à cours de monstruosités en tout genre. Je pourrais m'étendre sur ces éléments, tout comme sur le Lore foisonnant qui a l'immense mérite de s'inspirer des thématiques Lovecraft sans se contenter de recopier bêtement son style. Je pourrais également vous parler des frissons ressentis lorsque Gherman se munit une ultime fois de sa lame sépulcrale ou de l'apparition hallucinante de la lune rouge, levant définitivement le voile sur la vérité du monde que l'on explore. Mais je vais m'arrêter là.
J'ajouterais simplement un dernier mot sur le rêve de chasseur et sa poupée. Un endroit reposant, à la musique douce qui s’avérera être un cauchemar comme les autres. Tant pis, la poésie et la douceur de ce lieu me bercera toujours.


"Puissiez-vous trouver votre valeur dans le monde éveillé."


Pour conclure, Bloodborne est selon moi, l'expérience vidéo-ludique absolue. Des ruelles tortueuses de Yharnam aux confins de l'esprit de Mensis, From Software s’échinera à lier une jouabilité nerveuse et précise à un univers mourant et onirique. Yharnam ne fera aucune concession, c'est au joueur de creuser son sillon pour accéder à la vérité, à travers la rage, la chair et le sang.

Newt_
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le 18 nov. 2019

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