2018 voyait le triomphe inattendu mais mérité de Dead Cells, issu d'un petit studio Bordelais qui misait tout sur ce projet de la dernière chance avec un Metroidvania bourré d'adrénaline à la direction artistique colorée et originale.


Les cerveaux derrière cette pépite avaient jusqu'alors confectionné un nombre conséquent de jeux flash sur navigateur , à l'époque où ils dominaient les internet, fondés sur la coopération entre joueurs (coucou Hordes). On peut légitimement parler de retour gagnant pour Motion Twin avec un changement radical d'orientation et une prise de risque importante, comme détaillé dans le sympathique documentaire La fabrication de Dead Cells par Game Spectrum (jetez-y un oeil !).


2019 semble répéter l'histoire avec A Plague Tale : Innocence et le studio Bordelais Asobo, jusqu'ici surtout centré sur l'adaptation vidéoludique de franchises Pixar.


Venomous Rat


Dès les premières heures, le jeu donne la couleur de manière plutôt franche : un contexte médiéval brutal, crasseux prenant place dans une France déchirée par la guerre de Cent Ans, à travers le regard d'une soeur et de son frère issu de la noblesse locale.
Ajoutez à cela une peste portée par une nuée de rats dévastant tout sur leur passage et on obtient un monde à l'agonie, qu'il est difficile d'explorer sans un sentiment de malaise quasi constant.


Le contexte posé permet d'aborder LE point fort du jeu : son ambiance.
Tout d'abord des jeux de lumières magnifiques à n'importe quelle heure de la journée avec différents effets via les tentures, les différents feus éparpillés dans le niveau,... L'immersion est là et je me suis surpris plusieurs fois à contempler le ciel, comme devant un tableau, sans que le jeu ne force dessus grossièrement. Uniquement parfois avec le déclenchement d'un dialogue à certains endroits du niveau alors mis en valeur, renforçant l'authenticité des personnages, mais qu'on peut rater facilement en rushant comme un âne !


Côté son, le pari est remporté haut la main avec une BO aux petits oignons, instruments médiévaux mis en avant bien entendu, dont certains thèmes transformeront littéralement certaines scènes en cauchemars ou au contraire permettront de souffler dans les très rares moments de répit qu'offre le jeu.


Le sound design est également à saluer avec des environnements extrêmement bien rendus : de la forteresse abandonnée, à la ville médiévale saccagée en passant par des hameaux isolés.
Les dialogues sont corrects, on regrettera rapidement le fait que les visages ne soient pas animés lors des phases de jeu. Mais le jeu d'acteur, notamment en VF, rattrape ce défaut et permet de s'attacher aux personnages. Bon, Feodor Atkine qui double un méchant ça peut faire cliché mais bordel, c'est d'une efficacité redoutable.


Et puis les rats...


La terre qui tremble, qui se craquèle puis explose pour laisser jaillir des dizaines, des centaines de rongeurs avec ce couinement horrible et une animation de grouillement très chiadée, la menace est bien réelle. C'est un des gros points forts de voir ces hordes ravager les environnements du jeu.


Thierry la Fronde


Côté gameplay, le jeu lorgne sur du point'n'click, puzzle game avec du tir à la 3e personne, de l'exploration limitée et du craft très sommaire.
Le côté couloir peut légèrement déranger notamment en forêt, beaucoup moins dans les villes et dans les niveaux encerclés par les hordes de rats.


Le jeu préfère, et à raison de se concentrer sur les mécaniques et énigmes qu'il propose, plutôt que de vastes environnements.
On a une bonne courbe de progression où l'on découvre progressivement les différentes munitions d'Amitia, les techniques de furtivité, etc... sans que ce soit répété à outrance mais avec un vrai sentiment de maitrise sur les dernières heures de jeu et de pouvoir négocier les puzzle de manière variée.
Certains regretteront peut être la nécessité de se transformer en boucher sur quelques passages et de ne pas jouer la furtivité, mais une fois de plus le studio choisit de mettre le gameplay au service du scénario mais surtout de l'évolution de ses personnages.


Je pointerai juste des points de sauvegarde avant certains dialogues qui en cas de mort, font en sorte qu'on entend à nouveau le dialogue ce qui peut légèrement agacer et briser l'immersion, notamment par rapport à ce côté réalisation en plan séquence qu'offre chacun des chapitres.


Brother and sister


Le jeu vidéo à su mettre pas mal de duos efficaces en place ces dernières années et il est dur de ne pas comparer à ce qui a été fait précédemment : on pensera forcément à Ellie et Joel dans The Last of Us ou plus récemment à Kratos et BOY (aka Atreus) dans le dernier God Of War.
Mais le parallèle peut s'arrêter à la simple évocation.


Usant d'une réalisation quasi cinématographique par moments, le scénario arrive à installer une relation soeur-frère authentique entre deux enfants qui jusqu'à présent ne se connaissaient que peu et qui vont apprendre à se découvrir dans un monde au bord de la ruine. Et ça marche.
Je repense notamment à un moment du jeu où l'on se retrouve séparé de notre jeune frère que l'on protège depuis plusieurs heures de jeu et d'avoir commencé à flipper qu'il ne soit pas la, même s'il ne me protégeait en rien jusque là mais par le fait de son absence, de n'avoir personne à qui parler et de la solitude qui ressortait de la situation


Les alliés sont bienvenus, apportant souvent un peu de légèreté. Ils sont correctement écrits mais peut être un peu trop en retrait et sans trop de construction.
Les deux antagonistes principaux sont très charismatiques mais font un peu coquille vide également.
Tous ces personnages secondaires ont tout de même le mérite de mettre en avant le duo Amicia-Hugo et leur construction efficace.


Le scénario comporte son lot de twist qu'on voit assez facilement venir, mais qui restent appréciables avec avec au final une dizaine d'heure de jeu étalée en 17 chapitres. Le jeu a le mérite de ne pas s'étirer à l'extrême et de se concentrer sur ses enjeux principaux : narrer le conte d'un frère et d'une soeur dans ce Moyen Âge fantastique, servi par un gameplay divertissant et bien amené.


Pour conclure, le jeu a son lot de qualités et de défauts. Mais ces derniers sont à mon avis largement éclipsés par l'ambiance que propose A Plague Tale : Innocence , sa mise en scène extrêmement soignée, son histoire avec le développement d'un attachement fort aux deux personnages principaux et au ressenti très vif des situations horribles qu'ils traversent.


Quant à savoir si le titre connaîtra le même destin que Dead Cells, c'est le mieux que l'on puisse souhaiter aux équipes d'Asobo !

Tom_Méchant
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 26 mai 2019

Critique lue 455 fois

3 j'aime

2 commentaires

Tom_Méchant

Écrit par

Critique lue 455 fois

3
2

D'autres avis sur A Plague Tale: Innocence

A Plague Tale: Innocence
roifingolfin
7

Atmosphère excellente mais gameplay à oublier

A Plague Tale : Innocence est un jeu d’aventure/infiltration créé par les bordelais de chez Asobo. C’est un jeu qui vous plaira sans doute si vous aimez que l’atmosphère et l’immersion soient mis en...

le 11 juil. 2019

54 j'aime

14

A Plague Tale: Innocence
bunnypookah
5

Il y a un gros rat dans le potage.

J'ai tendance à penser qu'il est possible de caractériser une grande partie de la production vidéo-ludique française par ses qualités artistiques inversement proportionnelles aux qualités ludiques et...

le 31 janv. 2020

23 j'aime

1

A Plague Tale: Innocence
Sevanimal
4

A bagatelle : mille violences

Contient sûrement des spoilers. Critique à chaud, après avoir terminé le jeu en difficile je crois (en quelques semaines pour une douzaine d'heures de jeu) et avec HUD immersif (je suis reconnaissant...

le 5 janv. 2020

15 j'aime

4

Du même critique

Psychotique
Tom_Méchant
9

J'irai psychoter chez vous

Travaillant dans le milieu depuis quelques temps et ayant entendu parler en terme élogieux par un collègue de cette BD fraichement sortie, je livre cette critique après avoir fini l'ouvrage d'un...

le 8 avr. 2019

4 j'aime

The russian woodpecker
Tom_Méchant
8

Fallout Investigation

Il était tard, je pensais m'endormir devant un de ces documentaires Arte un peu farfelu qui parsèment la programmation de la chaîne. Que nenni mon p'tit gars ! Fedor Alexandrovitch C'est par le biais...

le 1 mai 2016

4 j'aime

1

Annihilation
Tom_Méchant
9

Shimmer this !

Vous ne verrez pas ce film en salle. Et c'est lamentable. Une de mes meilleures expériences de cinéma a été de voir Under The Skin en salle : un trip hypnotique avec une dizaine de braves inconnus...

le 13 mars 2018

4 j'aime

5