A mes yeux, le jeu vidéo japonais peut se diviser en deux classes. Il y a le jeu japonais mondialisé, celui dont l’objectif premier est de séduire l'occident avec des jeux comme Resident Evil, Devil May Cry ou encore Metal Gear Solid. C’est de loin le plus représenté et connu auprès du grand public sous nos contrées. Mais il y a aussi le jeu authentiquement japonais, pensé avant tout pour le public japonais avec tous les codes que cela implique, et qui ne fait aucune concession en ce sens. C’est à cette catégorie qu’appartiennent par exemple Sakura Taisen, Zero Escape, Persona, ou encore Disgaea. C’est également le cas de 13 Sentinels Aegis Rim, derniere production de Vanillare , dont on avait, à quelques remasterisations près, rien vu de neuf depuis Oboro Muramasa en 2011. Autant dire que le nouveau né était attendu. Est-il différent de ses prédécesseurs ? Oui, assurément. Est-il plus accessible ? Non, pas vraiment, ce serait même plutôt le contraire. Revue de détail et avis express.
Très rapidement et sans spoiler, 13 sentinels raconte une histoire d’invasion de monstres mécaniques combattus par des adolescent qui pilotent des méchas. Comme tous les jeux authentiquement japonais, il est à l’image des obsessions de son créateur, Georges Kamitani. Le bonhomme, comme beaucoup de créateurs de sa génération, est un grand nostalgique de l’ère Showa et de la pop-culture des années 80. Du coup, 13 sentinels use et abuse, à grands coups de robots géants et de lycéennes en uniforme, de tous les clichés de science fiction de cette époque . Mettre tout ça dans un même jeu ne se fait pas sans douleur, et il est du coup bien difficile de définir ce curieux objet : Visual Novel par ci, point and click par là, encyclopédie interactive, stratégie temps réel et tower défense se télescopent joyeusement, souvent pour le meilleur.
C'est là un aspect du jeu qui peut perturber, même si il s'agit à mon sens de sa plus grande qualité : il ne correspond pas vraiment à un genre pré-déterminé et bien connu. C'est principalement une aventure narrative certes, mais elle est totalement hétérogène, protéiforme, et non linéaire : passé la première heure de jeu, le joueur peut disposer à sa guise d’un matériau narratif ultra-complexe, soit en explorant l’histoire du point de vue d’un des 13 personnages, soit en repoussant un assaut de Kaijus, soit en épluchant les entrées préalablement débloquées du codex intégré, sans forcément le faire dans l'ordre chronologique. C’est, encore une fois, une autre approche de la narration interactive : à la manière d’un Zero Escape, il faut pour avancer explorer, non pas une mais toutes les branches de l’arborescence, faire tous les choix possibles, lire toutes les descriptions, gagner tous les combats, et ce presque dans n’importe quel ordre. C’est à ce prix seulement que l’on pourra démêler les fils et réaliser du même coup le travail absolument colossal de construction d’intrigues accompli par Vanillaware. L’investissement est conséquent, plus de 40 heures pour ma part. Bien sûr, passé la découverte et la compréhension des mécaniques de jeu, une certaine routine s’installe. Signalons d'ailleurs que les phases de stratégie ne posent pas vraiment de problèmes en niveau normal, et on recommandera aux routards du genre d’opter directement pour le mode difficile.
Mais malgré ses défauts, le jeu continue de fasciner par sa générosité, sa narration cryptique et son ambiance nostalgique irrésistible pour tous les aficionados de City-Pop, de Macross, et de sandwich Yakisoba. C'est une expérience singulière, qui ne conviendra clairement pas à tous les publics, mais qui mérite d'être essayée, ne serait-ce que pour diffuser un peu plus largement ce type de production.