Vu cette après midi au cinéma, j'avais entendu que c'était une comédie loin d'être ignoble et j'y suis allé pour passer le temps, sans me confronter à quelque choses de fort du point de vu cinématographique parce que j'étais fatigué.


Après visionnage, je constate que le métrage recèle nombreux éléments d'une grande qualité. Un pitch intéressant avec une mise en scène du monde de l'édition, un personnage ambigüe et une relation perverse par l'écriture à sa famille qui peut faire vaciller tout son équilibre.


Couplé à cela, les acteurs sont investis et cela se ressent dans la façon dont il arrive à faire vivre cette famille et à faire vibrer le spectateur par des séquences de pure tendresse (la réconciliation avec les frères et sœur notamment la scène du pain et les échanges de Youssef avec son père avec le final en point d'orgue) mais aussi dans les réussites comiques du film surtout dans la première partie avec les altercations dans le milieu littéraire ou avec les interventions de la sœur de Youssef joué par Melha Bedia, personnage à double tranchant qui fonctionne dans l'angle comique mais apparaît comme un peu trop factice pour coïncider avec le penchant dramatique du film.


Enfin, de façon assez surprenante, la photographie du film et la lumière fonctionne extrêmement bien et peut parfois atteindre de façon complétement aléatoire le sublime (je pense à une composition de plan de nuit, sur un pont avec Youssef éclairer par 3 lampadaires).


Cependant, là où le bas blesse, c'est dans le scénario à certains endroits mais surtout dans la mise en scène catastrophique. Le film démarre plutôt bien avec une séquence remplie de fantasmes et qui fonctionne par sa mise en scène rudimentaire mais pas dérangeante, puis en écho à ses fantasmes, le réel qui en recèle toute les clés (avec une photo et un filmage plus naturaliste pour trancher) support à la comédie qui est sûrement à son apogée dans la première demi heure.


Passé cela, on se retrouve face à un film au scénario parcellaire qui fait s'enchaîner de petites séquences dont certaines manques cruellement d'intérêt ou sont placées de manière ultra factice pour arriver à une pirouette plus tard, je pense au personnage issue de la parodie de Koh Lanta et à la deuxième partie du film sur l'édition littéraire qui est assez pauvre. De plus la mise en scène qui accompagne cela semble n'avoir aucun sens, aucune précision dans le découpage se reposant sur une caméra portée pour donner un aspect documentaire, proche du réel accompagné de zoom immonde au milieu de l'action sans que cela ne renforce quelque chose de comique ou de la tension. On se rend notamment compte de la fragilité immense de la mise en scène lors d'une scène de course dans la rue dont il semble difficile d'égaler la mollesse; dans les transitions de voyages musicales répétitives et sans grande beauté; dans les instants quotidien constamment sur-cuté, à la manière d'un jump cut sauvage de Godard auquel les yeux du spectateurs se seraient au fil des années habitués, mais qui semble ici n'avoir pour seul but de réveiller le spectateur à coup de micro stimuli sapant ainsi tout travail sur le quotidien, le temps longs (ou du moins par archi court) qui permet dans un métrage avec un minimum de vocation dramatique de transmettre quelque chose au spectateur par l'image; ou encore , et c'est sûrement le plus grave, lorsque la pauvreté de la mise en scène et le timing désastreux du montage détruisent la portée dramatique de scènes qui sont pourtant le cœur des enjeux du films: une dispute violente et un décès expédier chacun en moins d'une minute (sans que ce soit une volonté d'auteur, pour amener à quelque chose d'autres en jouant avec les attentes liés au drame, à moins que quelqu'un ne souhaite argumenter dans le sens contraire), comme oublier par le récit.


En somme, l'expérience n'est pas foncièrement désagréable et on retrouve des personnes de talents à beaucoup d'endroit du projets mais cela ne suffit pas à faire oublier une mise en scène fade et inexistante les 3/4 du temps, me faisant dire que le projet aurait mérité un meilleur travail de découpage et d'utilisation du langage cinématographique, accompagné d'une réécriture du récit pour se recentrer sur les sentiments familiaux qui amène à des instants de tendresse rarement atteint par ce type de production humoristique très grand publique et sur la radicalité du traitement des familles issues de l'immigration, thème qui, bien que traiter de façon plus courageuse que dans la plupart des comédies françaises grand publique, se voit un peu trop vite évincer dans la résolution du personnage de Youssef. Ainsi, si j'ai écrit de façon aussi longue et aussi détaillée sur ce film, somme toute assez mineure, c'est parce que dans cette proposition peinant à atteindre quelque chose de cinématographique, se trouve le brouillon de ce qui aurait pu être un grand film.

KumaKawai
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le 28 janv. 2023

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