Your Name.
7.6
Your Name.

Long-métrage d'animation de Makoto Shinkai (2016)

Romantique, mélancolique, lyrique, Makoto Shinkai est un peu tout cela à la fois. Mais de manière un peu trompeuse, à vrai dire. Ses moyens métrages répondent à l'ensemble de ces canons, tant 5 Centimètres par Seconde, Voices from a Distant Star et Garden of Words se plaisent et s'apprécient dans l'exaltation d'une sensibilité à fleur de peau et d'un sentiment amoureux tout aussi déchirant que bouleversant.


Car au format cinéma, étrangement, La Tour au delà des Nuages et Voyage vers Agartha, s'ils sont restés sur des terrains voisins, sont beaucoup moins représentatifs de ce qui parcourt le coeur et l'âme de l'artiste.


Aujourd'hui, Your Name change la donne, tant on pense à de multiples reprises, durant la séance, aux délicats tourments adolescents qui traversent Garden of Words et 5 Centimètres par Seconde. Dans une richesse thématique de tous les instants. On est tout d'abord surpris que l'argument fantastique qui préside à la trame principale du film emprunte la voie de la chronique lycéenne, qui ne rechignera jamais au sourire déclenché par certaines situations décalées et autres quiproquos. Le film ne cessera dès lors de bifurquer, d'échapper aux schémas pré-établis et de pratiquer les ruptures de ton, ce qui pourrait peut être désarçonner même les fans de Makoto Shinkai.


Cependant, Your Name, par ce mélange de romance, de chronique adolescente, de film catastrophe et de fantastique, décuple littéralement les sentiments que le réalisateur convoque. Parmi lesquels, tout d'abord, cette tendresse immédiate que l'on portera aux deux protagonistes principaux, qui apprennent à se connaître en se détestant, en s'apprivoisant, en s'aidant mutuellement dans leur vie respective parasitée par les irruptions de l'autre.


Certainement envisagé au début de l'aventure comme une rencontre de deux jeunes gens issus de milieux différents, Your Name évolue en une entité multiple qui revêt tout à tour le masque du marivaudage ravissant, du drame inéluctable et de l'argument SF le plus puissant. Une entité qui prend la forme d'à peu près toutes les thématiques chères à l'ami Makoto, en forme de best of maîtrisé mais qui tend vers une sorte d'aboutissement, qui aura j'espère pour conséquence d'enfin faire taire les critiques désenchantés sur les supposés défauts et gnangnantismes du réalisateur.


Ensuite, c'est cette relation amoureuse que Your Name exalte, dessinée par petites touches sensibles, culminant dans cette temporalité décalée qui, a priori, tend à rendre l'idée d'une quelconque rencontre impossible. Alors que les deux tourtereaux se connaissent le plus intimement du monde, littéralement de l'intérieur. Jusqu'à ce que leur voix résonne dans le coeur de l'autre, dans des réponses muettes, des interrogations sans écho pour finalement atteindre un sentiment ultime de communion.


S'il est évident que cette union figure celle d'un Japon entre tradition et modernité, si cette union serre le coeur et fait rouler les larmes lors d'une scène au bord d'un cratère d'une émotion des plus délicates et tout simplement belle par delà le temps et la mort, Your Name se distingue aussi, et peut être surtout, en réussissant là où peu de films l'ont fait avant lui. En restituant cette drôle d'impression d'incertitude, mêlée de la douceur et de la mélancolie que l'on éprouve quand on ouvre les yeux, alors que le rêve dont on émerge à peine se dissipe de manière inexorable et que des détails, comme un simple ruban si symbolique et évocateur, persistent, s'accrochent pendant quelques secondes fugaces aux branches de notre conscience.


Makoto est un doux rêveur, un romantique délicat et un esthète dont les superbes images , rehaussées de ses couleurs veloutées si caractéristiques, dont ses mouvements de caméra circulaires tout bonnement magnifiques, parent Your Name d'une impression de songe doux-amer, d'une forme d'utopie des plus belles est précieuses sur l'abolissement de toutes les frontières.


C'est certainement cela aussi l'amour, après tout.


Behind_the_Mask, quelque part dans le temps.

Behind_the_Mask
9
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le 3 déc. 2017

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