À la fin des années 2000, la révolution que j'évoquais dans ma critique de X-Men est bel et bien en marche. L'immense succès critique et commercial de The Dark Knight, ainsi que celui à peine plus modéré d'Iron Man, ont conféré une stature nouvelle au film de super-héros, genre jusqu'alors relativement marginal, aux réussites demeurées épisodiques. Fort de ce regain de popularité, les studios DC et Marvel commencent à voir grand et élaborent le concept de "l'univers cinématographique" ou "univers partagé" : des séries de films toujours interconnectés, de manière directe ou indirecte. Bien entendu, la Fox n'entend pas être en reste.


Il faut dire qu'à cette époque, elle dispose d'une longueur d'avance théorique sur ses concurrentes puisque, là où DC et Marvel se verraient obligés de piocher chez des super-héros encore assez obscurs aux yeux du grand public international, les X-Men ont encore le vent en poupe, grâce à l'engouement planétaire suscité par les deux films de Bryan Singer, et ce même si le troisième opus signé Brett Ratner a déçu plus d'un fan. Avec une galerie de personnages aussi riche à leur disposition, la voie est suivre est claire : consacrer au moins un film à chacun d'entre eux, plutôt que de les rassembler en une équipe comme l'a fait Singer. Encore plus évident est le choix de celui qui devra inaugurer cette série de spinoffs: Logan, plus connu sous le nom de Wolverine.


Avec ses griffes en adamantium, sa coiffure de hibou, ses favoris, ses cigares et sa gouaille légendaire, Logan s'est effectivement imposé comme le chouchou des fans du comics comme de la trilogie de films. Il y a de quoi ; non seulement en raison de son statut de brute au cœur tendre, mais aussi de son histoire tragique et passionnante - un personnage solitaire et immortel devenu une créature de Frankenstein - et de l'interprétation sans failles de la star australienne Hugh Jackman, qui a su y insuffler ce qu'il fallait de charisme, de maturité et d'humour noir. Pour compléter ce tableau alléchant, le film serait réalisé par Gavin Hood, Sud-Africain récemment auréolé de l'Oscar du meilleur film étranger pour Mon Nom est Tsotsi.


Toutes les étoiles étaient alignées, serait-on tenté de croire. Au lieu de quoi; le public de 2009 put assister, tour-à-tour ébahi, dégoûté ou hilare malgré lui, à l'un des pires films de super-héros jamais conçus. Mesdames et messieurs, je vous présente X-Men Origins : Wolverine.


Le film démarre pourtant correctement, dans une ambiance à la Nathaniel Hawthorne : en 1845, les jeunes mutants Jimmy Howlett et Victor Creed s'enfuient de leur Canada natal après la mort de leur père et traversent les âges, des champs de bataille de la Guerre de Sécession aux plages du Débarquement en Normandie en passant par les tranchées de 14-18, devenant Logan et Sabretooth respectivement, jusqu'au jour où leur identité secrète les trahit, en pleine Guerre du Vietnam. Le colonel William Stryker les recrute alors pour son équipe spéciale entièrement composée de mutants ; les tendances meurtrières de Sabretooth s'y épanouissent, tandis que Logan claque la porte, écœuré par leurs atrocités.


Rien qu'avec cette prémisse, il y a de quoi faire un film solide, pas vrai ? X-Men croisé avec Highlander, en somme. Sauf qu'au lieu d'un récit épique et tragique à travers les époques, les scénaristes Skip Woods et David Benioff (tiens tiens, le gars de Game of Thrones...) décident alors d'enfoncer le film dans une niaiserie abominable dont il ne se relèvera pas. Logan devient bûcheron dans une cabane au Canada (!) où il vit avec sa petite amie amérindienne Kayla. Son passé le rattrape en la personne de Sabretooth, bien décidé à lui faire la peau. Ivre de vengeance, Logan accepte de devenir le cobaye des expériences scientifiques de Stryker et devient Wolverine. Le chassé peut alors se transformer en chasseur, le fameux "Weapon-X" du comics de B. Windsor-Smith.


Tout cela sonne mieux sur papier qu'en réalité, croyez-moi, car ce que la partie "commando" correcte et sa suite "gnangnan" interminable ont en commun, ce sont des dialogues tous plus affligeants les uns que les autres. Enseveli sous les clichés incessants, le spectateur attend patiemment la création de Wolverine la machine à tuer, en espérant qu'elle réinsuffle du peps au film, mais c'est peine perdue : sa transformation n'a rien du traumatisme suggéré par les flashbacks de X2. C'est à peine si Logan en ressort plus bourru.


L'on ne pourra même pas se consoler avec l'action. La mise en scènes de Gavin Hood, complètement à la rue, ne fait qu'alterner montage frénétique et ralentis intempestifs. Tout y est incompréhensible, grotesque et assommant. Tout le semblant de réalisme minutieusement confectionné par Singer est jeté aux orties, au profit de la grandiloquence et du je-m'en-foutisme, aveux de faiblesse d'une équipe de direction n'ayant aucune idée de ce qu'elle fait.


Quant à la trame, dire qu'elle est écrite avec les pieds serait un euphémisme. Les motivations des personnages n'ont ni queue ni tête, à commencer par celles du héros éponyme, qui erre d'une scène à l'autre sans la moindre cohérence. À l'issue d'un combat de boxe tout droit sorti d'Austin Powers, il s'associe à son ex-collègue Wraith (qui n'a pourtant aucune, strictement aucune, raison de le faire) pour se rendre à la Nouvelle-Orléans et y rencontrer le célèbre Gambit, dont l'inclusion n'apporte pas grand chose au schmilblick. Sabretooth s'y trouve également, ce qui donne lieu à un affrontement d'un indigence rare, l'un des plus confus que j'aie jamais vu.


Mais ce n'est encore qu'un avant-goût de la bataille finale, qui va consacrer son statut de nanar à Origins. Passé un twist sans intérêt ni enjeu, nous assistons à l'introduction d'un autre chouchou des fans du comics : le fameux Deadpool, samouraï à la langue bien pendue. Sauf que, dans sa grande sagesse, le producteur Tom Rothman a décider de littéralement lui coudre les lèvres, tout en le dotant d'un amalgame de super-pouvoirs (la téléportation de Wraith, les yeux de Cyclops...), ce qui donne lieu à un combat cauchemardesque dont Ryan Reynold, l'interprète de Deadpool, se moquera avec délectation dans son propre film.


Car autre chose que je n'ai pas encore mentionné, par souci de la chasser de ma mémoire, c'est l'extrême laideur de X-Men Origins : Wolverine. Exceptées quelques jolies vues aériennes, tout est dénué de la moindre texture, tandis que les effets numériques règnent en maîtres. Mais c'est un règne ubuesque, tant ils piquent les yeux, depuis l'obésité de Blub jusqu'aux rayons de Deadpool en passant évidemment par les griffes de Wolverine, passées à la postérité. Qu'a-t-il bien pu se passer ?? Elles étaient parfaites dans les trois films précédents, et pourtant ils ont réussi à régresser et à les rendre aussi fake que ridicules. Oh, et je préfère ne rien dire du halo qui entoure un terrifiant Patrick Stewart "rajeuni" le temps d'un caméo...


X3 était pétri de défauts similaires, mais sauvé par l'interprétation globale de ses acteurs. Origins est au-delà de tout sauvetage. Danny Huston est un bon acteur, mais ses dialogues sont bien trop horribles pour en faire un méchant arrivant ne serait-ce qu'à la cheville de son aîné Brian Cox. Seul Liev Schreiber s'en sort à peu près en Sabretooth... quant à Hugh Jackman, son jeu d'acteur est solide, mais l'incohérence du personnage par-rapport au travail effectué sur les trois premiers films ne permet pas de reconnaître en lui le Wolverine que nous aimons tous. Ce que je ne peux pas pardonner à Jackman, c'est qu'en tant que co-producteur, il n'a pas fait qu'exécuter les directives d'un scénario inept : il a lui-même entériné le saccage de son personnage le plus emblématique.


D'ordinaire, sa performance au box-office dicte la réussite ou l'échec d'un film aux yeux de la postérité. X-Men Origins : Wolverine parvint certes à rentrer dans ses frais, mais ne nous y trompons pas : sur le long terme et à posteriori, il s'agit d'un des plus gros désastres hollywoodiens du XXIème siècle. La saga des X-Men aurait pu profiter de son avantage et s'imposer comme LA franchise de super-héros face à Marvel et DC encore balbutiants, si Origins n'avait pas saboté d'entrée toute possibilité de nouveau spinoff. La Fox allait devoir péniblement panser ses plaies pour remonter la pente...

Szalinowski
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le 3 avr. 2020

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